DAMES (ÉLIMINATOIRES DU MONDIAL-2023) Désormais aux États-Unis, Kate Thill espère faire profiter de son expérience américaine aux Lionnes, aujourd’hui en Macédoine.
Ce n’est peut-être pas l’Amérique, mais ce n’est pas mal non plus. Avec son lac, le plus vieux d’Europe, sa forteresse, ses ruines, ses maisons traditionnelles et ses églises et monastères, la ville d’Ohrid est d’un aveu assez général considérée comme le joyau de la Macédoine, dont elle est d’ailleurs la capitale touristique. Mais malgré les près de 7 500 kilomètres parcourus, de tourisme, il n’est pas vraiment question pour Kate Thill. Si le sélectionneur Dan Santos lui a fait traverser l’Atlantique cet automne, c’est pour la voir enfiler les buts, elle qui en a planté la bagatelle de 59 la saison dernière avec Bettembourg, un championnat déjà trop petit pour elle du haut de ses 19 ans.
D’où, quatre ans après un transfert à Sarrebruck avorté par la FIFA, cet envol estival pour les États-Unis, où elle suit les cours et porte depuis la rentrée les couleurs de l’université de Bridgeport, dans le Connecticut, victorieuse en 2018 du championnat national universitaire féminin. Ce qui, en plus de la proximité avec New York, a guidé son choix alors que plusieurs universités, une fois étudié son dossier de candidature, lui faisaient les yeux doux : «Je savais qu’ils avaient un programme de foot très élevé.»
«Parfois à deux doigts de vomir»
Il a d’ailleurs fallu s’y faire, à ce programme, qu’elle suit en parallèle d’un bachelor (NDLR : un cursus de quatre ans) en management du sport. Le vrai choc culturel, c’est d’abord sur le terrain que Kate Thill, pour sa première expérience loin de l’Europe et de sa famille, l’a ressenti : «Après les entraînements, je suis parfois à deux doigts de vomir, c’est si dur. Là-bas, c’est la partie physique et athlétique qui fait la différence, il faut beaucoup courir. Et on ne s’entraîne pas seulement sur le terrain, mais aussi à la salle. Au Luxembourg, on n’a pas cette chance : il faut s’inscrire au « fitness » et s’organiser seul pour y aller.»
Déjà, les premiers effets se font ressentir : «J’ai l’impression d’avoir progressé, je vois déjà des différences. Je suis plus mobile, je me sens plus puissante.» Tout, il faut dire, est pensé pour la performance, avec notamment des cours le soir, ce qui lui permet de se rendre à la salle de musculation trois matins par semaine et d’être présente aux entraînements collectifs quotidiens en début d’après-midi.
Un emploi du temps auquel elle a dû faire quelques entorses pour rallier la sélection, après avoir – en accord avec Dan Santos – fait l’impasse en septembre pour finaliser son installation à Bridgeport, où elle vit avec une équipière suisse et s’est déjà «fait beaucoup d’amis», et gagner sa place dans sa nouvelle équipe. Cela semble en bonne voie, si l’on en croit ses titularisations régulières et ses trois buts en dix apparitions – «ce n’est pas aussi simple qu’au Luxembourg, les matches sont très serrés aux États-Unis».
«Je vais rater beaucoup de cours»
«Je suis très contente de retrouver la sélection, c’est un honneur de jouer pour mon pays, assure-t-elle. J’étais très heureuse quand Dan m’a convoquée. Mais ce n’est pas facile quand même, je vais rater beaucoup de cours, c’est beaucoup d’efforts.» Et il y a fort à parier que l’attaquante, entrée à un quart d’heure de la fin en Autriche vendredi (défaite 5-0), devra en fournir tout autant pour contrarier cet après-midi la Macédoine, 131e au classement FIFA (les Luxembourgeoises sont 122es), l’un des rares adversaires de ces éliminatoires à qui les Lionnes peuvent espérer tenir la dragée haute.
«On n’est pas le favori, prévient néanmoins Kate Thill. C’est leur première campagne, elles leur troisième, et si on les sous-estime on risque de perdre largement. Mais on va faire de notre mieux et essayer de prendre au moins un point, si c’est possible.» Et si ça ne l’est pas, la numéro 11 pourra toujours se satisfaire d’avoir, à travers sa venue, semé quelques graines dans l’esprit de certaines de ses partenaires. «Quand je suis arrivée, confie-t-elle, elles m’ont posé beaucoup de questions. Ce pourrait être bien pour les jeunes joueuses de l’effectif de faire la même chose que moi. J’espère que je pourrai en inciter certaines à prendre le même chemin. Ce n’est pas seulement une expérience de foot, c’est aussi une expérience de vie.»
Simon Butel