[Football] « Je suis sceptique sur le fait qu’on puisse reprendre »

La FLF ne veut pas «à tout prix» finir le championnat, elle espère que la Belgique ouvrira une brèche, veut la «jouer tactique» et sait que la saison 2020/2021 sera décalée. Paul Philipp, son président, parle !

Paul Philipp sort de sa réserve. Et ça en vaut la peine. Accusée d’une communication minimaliste, la FLF dit être bien consciente des enjeux du moment mais se refuse à aller plaider sa cause auprès de l’UEFA si elle est seule. Ce serait «irresponsable», avance son président.

Le conseil d’administration s’est vu ce mercredi midi. Avez-vous discuté de la suite du championnat ?

Non, pas concrètement. On attend la prochaine visioconférence avec l’UEFA, qui a été retardée d’une semaine. En principe, elle aura lieu le 20 ou le 21 avril. Et nous, on a notre date de reprise théorique des championnats le 27. Il faut dire qu’entretemps, on a tous les jours des échanges avec l’UEFA et la FIFA. Rien qu’aujourd’hui (NDLR : mercredi), cette dernière nous a envoyé douze pages de documents. Onze qui ne servent à rien mais la dernière concerne les transferts et contrats.

Qu’y apprend-on ?

Ce n’est pas officiel, c’est une réflexion qu’ils se font, mais en gros, la date limite de fin des contrats serait remplacée par le terme « fin de saison » et cette nouvelle saison, justement, serait décalée jusqu’au redémarrage de la suivante. En gros, si un joueur n’est pas d’accord pour finir la saison avec son club et dit « non, moi, mon contrat se finit à telle date et je ne veux pas aller au-delà », alors il sera peut-être sur le carreau trois mois, sans club, parce que son prochain contrat ne sera homologué qu’avec le début de la saison suivante. Il n’y aura pas de transfert possible jusqu’à cette date.

Cela « emprisonne » en quelque sorte les joueurs dans leurs clubs jusqu’à ce que la saison soit terminée, quelle que soit la date de clôture. Mais quelle est la position de la FLF, aujourd’hui ? Faut-il absolument, au Luxembourg, finir la saison ? Ou vous intéressez-vous de près à la démarche belge, dont la fédération cherche à s’exempter de ses play-offs ?

Les Belges sont convoqués cette semaine à Nyon. Ils vont essayer d’obtenir un arrangement. Vont-ils s’en sortir comme ça ? Le président Ceferin aurait peut-être dû s’exprimer plus tôt car son message est pourtant clair : il a dit que la solidarité marche dans les deux sens. Mais les Belges s’étaient déjà positionnés. Alors oui, leur démarche nous intéresse.

Ce n’est pas à nous d’être la locomotive de l’Europe sur ce sujet ou notre football risque de le payer très cher

Parce que ? S’ils ont une exemption, le Grand-Duché pourrait être tenté de s’engouffrer dans la brèche ?

Je suis sceptique sur le fait qu’on puisse reprendre. Ce que l’UEFA a cherché à faire est très tactique : elle a voulu à tout prix éviter un effet boule de neige. Il faut dire que les Pays-Bas aussi étaient dans les starting-blocks pour mettre fin à leur saison. Si l’un avait démarré, l’emballement aurait été difficile à freiner. Mais nous, ça nous intéresse car nous aussi, on a nos spécificités.

Vous n’êtes donc pas absolument convaincu qu’il faille finir cette saison, ni même que cela soit possible ?

Moi, je veux surtout passer un message clair : je fais appel à la solidarité de tous les clubs. L’UEFA a été très très claire, voire très très ferme, et si nous, les petits Luxembourgeois, sommes les premiers à lever le bras pour manifester une intention de ne pas finir le championnat, ce serait d’une irresponsabilité monstrueuse vis-à-vis de tout notre football et pas seulement des éventuels qualifiés pour les compétitions européennes. Il ne faut surtout pas être le fou du roi !

En clair, laissons les Belges ou d’autres ouvrir la voie ? Et s’ils ne le font pas, préparons-nous à devoir finir le championnat ?

Mais pour le moment, on n’est que le 8 avril ! On a encore un bout de temps et pas grand-chose à perdre. Il y a un mois, on regardait encore ce virus comme une blague. Alors les choses vont encore beaucoup bouger. Donc on attend l’UEFA le 20 ou le 21, on tient la Belgique à l’œil, même si je suis convaincu qu’ils ne leur diront pas qu’ils peuvent s’arrêter. Mais si c’est le cas, d’autres fédérations se poseront des questions et nous aussi. Il faut la jouer tactique. Ce n’est pas à nous d’être la locomotive de l’Europe sur ce sujet ou notre football risque de le payer très cher.

Mais aujourd’hui, vous avez reçu les résultats d’un sondage de la Ligue qui montre qu’une majorité de clubs ne souhaitent pas reprendre.

Oh, une majorité… Neuf contre sept. Bon, oui, il y aura des répercussions financières mais de là à ne pas pouvoir finir la saison… Moi, je crois surtout qu’il faut de la patience. Restons calmes, réfléchissons, protégeons notre foot et n’essayons pas de jouer les caïds.

N’avez-vous pas peur de vous retrouver coincé entre une UEFA qui vous demande de finir et des clubs qui refusent ?

Je ne crois pas que l’UEFA ira jusqu’à nous forcer. Je crois qu’elle veut surtout gagner du temps. Ils n’iront pas à la guerre avec des fédérations qui pourraient avoir des problèmes avec leurs clubs.

Bon, vous avez bien des solutions crédibles de poursuite de la saison, non ?

L’UEFA pourrait très bien nous dire, et je ne trouve pas cette solution très sexy, arrêtez-vous maintenant, reprenez cette saison en août et vous enchaînerez avec la saison 2020/2021 dès septembre. C’est quelque chose que j’ai entendu.

Hors de question de faire monter plusieurs clubs sans descendants juste pour que tout le monde soit content

Mais vous, que voulez-vous pousser comme solution ?

Je suis plutôt pour les décisions claires et précises. Pas de demi-mesure. Si on ne peut pas reprendre la saison aux conditions normales, alors il faut arrêter. Il nous reste quand même encore un tiers des matches à jouer, sans compter les barrages et la Coupe. Si on en arrive à ne pas pouvoir finir, il faudra prendre une décision. Alors on ne va pas inventer des règlements. Si le classement actuel doit délivrer un verdict, cela doit aller dans les deux sens.

Vous voulez dire que les montées et descentes seraient alors définies par le classement au moment de l’arrêt de la saison ?

On ne prendrait pas de décision de complaisance en tout cas. Hors de question de faire monter plusieurs clubs sans descendants juste pour que tout le monde soit content. On essayera de garder une logique, même si elle ne contentera pas tout le monde. Par contre, je crois qu’il est d’ores et déjà exclu que l’on puisse reprendre la prochaine saison, celle de 2020/2021, début août. Ce sera plutôt mi-septembre, voire fin septembre. Mais je le répète, nous, on ne veut pas par tous les moyens finir le championnat. Mais on refuse aussi de se mettre en porte à faux vis-à-vis de l’UEFA.

Entretien avec Julien Mollereau