Il avait raté les barrages de l’Europa League avec Differdange en 2014? Gauthier Caron va avoir l’opportunité de rêver aux poules en 2021 avec le Fola.
Buteur à Linfield, passeur contre Etzella, Gauthier Caron, qui entame sa onzième saison de DN et approche des 200 matches de DN, est devenu une sorte de super joker en ce début de saison enthousiasmant. Et il ne s’en plaint pas.
Avant le match retour contre Linfield, votre coéquipier, Diogo Pimentel, disait qu’il n’était absolument pas dans l’excitation ou dans l’angoisse. C’est toujours vrai?
Gauthier Caron : Alors là, je ne peux pas vous dire. Je ne ressens aucune appréhension, puisque je ne connais pas l’adversaire. Peut-être que ça viendra quand on aura vu les images. On a toujours de beaux montages vidéo avec ce que l’adversaire fait de bien ou de moins bien, pour nous expliquer leur façon de jouer, le rythme qu’ils mettent… Même si la réalité n’a jamais rien à voir avec les images.
Comment vivez-vous votre rôle de super-joker?
Disons que j’ai eu un début de préparation assez compliqué. Je n’étais pas du tout dedans à cause du travail. Je viens de prendre un poste à responsabilité dans une société de grossiste en électroménager. J’ai eu une discussion avec le coach qui a décidé de me laisser reprendre du plaisir tranquillement, à mon rythme. J’accepte ce rôle. Je préfère commencer, mais si je dois choisir entre débuter un match et ne rien faire ou jouer trente minutes mais être décisif…
Combien de minutes estimez-vous pouvoir jouer au niveau européen?
Je dirais… pas plus de 70. J’arrive doucement.
Bref, vous aurez 90 minutes dans les jambes pour les poules…
Ouh là, les poules, c’est encore loin! Vous ne vous rendez même pas compte de tous les paramètres qui entrent en ligne de compte. Ce n’est pas que deux matches à jouer. C’est bien plus que ça. On va commencer à en savoir plus que ça. Le coach va nous parler des adversaires en fonction de chaque poste. On va avoir quatre jours pour se mettre en tête la personne contre laquelle on va jouer et ce qu’on doit faire pour qu’elle ne nous fasse pas de mal. Si des joueurs sont vraiment au-dessus du lot en face, le coach viendra nous voir individuellement. À ce niveau, ce sont des détails et si tu oublies un truc, un seul, c’est là que ça te tue.
Stefano Bensi a dit avant Linfield qu’une occasion comme celle-là ne se présentait pas deux fois. En fait, si : pour vous. Vous aviez raté les barrages avec Differdange en 2014 et voilà qu’arrive carrément une deuxième chance de viser les poules cette fois…
Je ne m’imaginais pas qu’une telle occasion se représenterait, j’avoue. Moi, j’ai de la chance! Quand j’ai vu mes coéquipiers dans le vestiaire, après Linfield, je leur ai dit d’en profiter, que cela n’allait pas leur arriver souvent.
En êtes-vous si sûr? Car cela a une fâcheuse tendance à se répéter depuis 2018…
Bon, c’est vrai que dans les années à venir, cela pourrait arriver plus souvent. Si le niveau continue de monter en DN et même si on est à peine des semi-pros, je pense que les 3e tours vont se multiplier et là, on peut déjà voir arriver pas mal de gros morceaux. Quand j’ai vu ce que réalisait le F91 ces dernières années, deux fois d’affilée en plus, je me suis dit que c’était extraordinaire et je pensais que pour nous, au Fola, c’était injouable. En fait non, tu n’y penses même pas. À aucun moment. Et là, maintenant, on espère tous réaliser cet exploit.
Après Almaty, j’aurai pris treize jours de congés pour le foot
Mehdi Kirch, au F91, disait qu’en 2019 il avait fini par ne plus considérer du tout le championnat, que seule l’Europe l’intéressait. Est-ce votre cas?
Ah moi non, absolument pas. Ça me ferait chier de « taper » les poules et de finir 5e en championnat, parce que ça voudrait dire qu’il n’y aurait pas de Coupe d’Europe la saison d’après. N’oubliez pas un truc : si on se qualifie, il y aura quelques beaux petits clubs avec de belles histoires derrière, mais ce ne sera pas comme en Europa League où vous pouvez croiser Milan, Séville. Là, il y a Tottenham, la Roma et c’est tout.
Vous allez sûrement atteindre, ces prochaines semaines, au moins les 30 matches européens et intégrer le cercle des joueurs les plus capés du pays.
Et dans un championnat amateur! Il y a des pros qui n’en ont même pas deux.
Les amateurs, ça doit prendre des congés pour jouer…
J’en ai déjà pris neuf sur toute la campagne. Là, il en faudra encore quatre parce qu’on doit partir lundi soir, histoire de dormir dans l’avion et de pouvoir s’acclimater. Partir mardi, ce ne serait pas de la folie, mais c’est l’assurance d’un voyage de m… et ça montera à treize jours de congés. Prendre trois jours de congés pour aller jouer un match de foot, ça fait mal au mental. Si on décroche les poules, il ne me restera plus grand-chose et je ne serai pas le seul. Nos dirigeants vont devoir se mettre à table avec nos patrons ou alors on devra prendre du sans solde…
Julien Mollereau