Raymond François, ancien M-Block, désormais Compadres Tridefa, n’en revient pas de l’ambiance au stade de Luxembourg, «au-dessus de (s)es espérances».
Raymond François, corédacteur du site Huelse, est président du groupe de supporters Compadres Tridefa. Sa toute première soirée au stade de Luxembourg ne l’a pas ravi, elle l’a transcendé. Renaissance d’un homme de 39 ans et dans le supportariat de la sélection depuis 23 ans!
Vous étiez au stade, mercredi? Et si oui, qu’en avez-vous pensé?
Raymond François : Oui, j’y étais. Vu que nous sommes un club officiel, on a pu demander à la FLF de nous réserver quelques rangées à l’endroit qu’on occupait auparavant au Josy-Barthel. Sportivement, c’était une super soirée. Mais au niveau de l’ambiance, c’était fantastique! On a même surpris des Luxembourgeois qui n’appartenaient pas à un groupe de supporters en train de se lever pour encourager leur équipe nationale au moment où cela devenait difficile. Pour moi, c’est du jamais vu. Non mais voir les gens pousser le Luxembourg? C’est exceptionnel ici! D’ailleurs, je relève aussi la performance du M-Block, avec qui nous avons pu échanger des chansons… que des gens en tribunes ont chanté avec nous! Non mais c’est au-dessus de toutes mes espérances. En général, le public luxembourgeois ne fait la fête que quand il y a un but pour nous. Et encore, surtout quand c’est face à un grand pays.
Bon, on est donc d’accord : les supporters «officiels» du pays ont donc enfin l’impression d’exister et il ne suffisait que d’un stade pour ça?
Moi, j’ai commencé à être supporter il y a très longtemps. J’avais 16 ans. J’en ai maintenant 39. Avant, les matches, je les regardais à la télé avec mes parents, à entendre dire que cela ne vaut pas la peine de bâtir un nouveau stade pour des performances aussi mauvaises. J’ai fait partie des gens qui, au M-Block, ont accroché des banderoles, il y a des années, pour un nouveau stade. Alors s’y retrouver enfin et voir ça, je vous avoue, ça me semblait un peu irréaliste. C’était… physique. D’ailleurs, aujourd’hui, il n’y a pas un membre du groupe des Compadres qui ait encore de la voix (il rit)!
Cette première plus que réussie, avec seulement 2 000 spectateurs et qui laisse augurer de soirées assez magiques quand l’enceinte sera pleine, vous laisse-t-elle à penser qu’il va y avoir un effet boule de neige chez les jeunes supporters?
Ah oui! Oui, surtout chez le M-Block, qui est lui situé derrière le but, qui est plus dans la mise d’ambiance que nous, qui occupe des places moins chères que nous… Et puis nous, disons qu’on est plus élitistes (il rit). On est pères de famille de 40 ans, on n’est pas un club ouvert, on apprécie de connaître les gens avant de les laisser venir avec nous. Et puis on suit beaucoup à l’étranger. Mais chez eux, au M-Block, ça va exploser dans un futur proche. Je ne comprendrais pas, avec une ambiance comme ça, si le M-Block n’avait pas, très prochainement, dans les 500 membres présents tous les matches derrière le but. C’est clair, cela va créer des vocations. Parce que mercredi, on a vu des gens qui n’avaient pas du tout le profil se mettre à encourager l’équipe comme je ne l’avais jamais vu. Ou si! Une fois! Quand on avait gagné 3-2 contre l’Irlande du Nord (NDLR : le 10 septembre 2013).
Non mais on n’est pas des Argentins!
Dans une interview qui date d’il y a cinq ans, en marge d’un boycott du M-Block, vous vous étiez plaint de ce que les joueurs n’étaient pas assez proches de leur public. Cela avait déjà bien changé et on a l’impression que ce stade va encore vous rapprocher, non?
Bah, c’était une petite phrase, comme ça. C’est un fait que les joueurs, ça ne peut pas tous être des Laurent Jans, des Chris Philipps, des Dirk Carlson… et c’est normal. Mais je crois qu’avec ce stade, on va perdre de ce côté familial, de ce lien un peu unique qu’on avait avec les joueurs. Tous ces gars, on les connaît personnellement mais puisque j’espère un gros engouement du public, ils nous repéreront moins. Et puis avec tous ces pros, on ne les croise plus à la buvette après leurs matches en DN, chaque week-end. Mais ça ne nous empêchera pas de continuer à les suivre à l’étranger et ça, on ne sera pas beaucoup à le faire. Encore que…
Encore que?
Eh bien pour revenir à l’Irlande du Nord, on avait discuté avec des supporters de là-bas, une fois. Ils nous ont dit « mais vous savez, nous aussi, il y a quelques années, on n’était qu’une quinzaine par déplacement de notre sélection. Et maintenant…«
On a eu une autre rareté, mercredi : on a entendu, derrière la musique, chanter le Ons Heemecht. Ne faudrait-il pas pousser le vice jusqu’à supprimer la musique pour voir de quoi ce stade est capable sur l’hymne national?
La Heemecht, au Barthel, on ne l’entendait pas. Non mais on n’est pas des Argentins! On ne va jamais le crier, notre hymne. Ça restera toujours très discret. Par contre, vos pouvez l’écrire : la musique à fond après le match, c’est vraiment très embêtant parce qu’on voulait célébrer avec les joueurs, organiser quelque chose, mais ils ne nous entendaient même pas. Tout ça pour nous passer des chansons pourries du début des années 2000…
Il n’y aura encore que 2 000 fans autorisés en octobre. Agacé?
Je ne comprends pas. Les gens attendent ça depuis si longtemps. Ça fait de la peine.
Et le nom du stade? Vous avez appris à composer avec?
Non. On n’aime toujours pas. Pour nous, c’est toujours et cela restera le Leiwe Park. Je ne pense pas que la bourgmestre le changera un jour.
Julien Mollereau