La Bundesliga est à l’arrêt et le Paderborn de Laurent Jans sous la menace directe du coronavirus. Le capitaine de la sélection ne panique pas.
Laurent Jans a passé sa matinée de samedi dans son club de Paderborn en compagnie de 44 autres joueurs, membres du staff ou de l’encadrement médical. Au programme, dépistage du coronavirus après que l’un de ses coéquipiers, le défenseur allemand Luca Kilian, a été le premier cas détecté en Bundesliga, vendredi, entraînant l’annulation de Düsseldorf – Paderborn et précipitant la fermeture de la Bundesliga.
Vous faites quoi, là, tout de suite ?
Laurent Jans : Je viens de rentrer à la maison après avoir passé la matinée au club (NDLR : l’interview a été réalisée ce samedi en fin de matinée) parce qu’on est dans un cas un peu délicat. Avec un de mes coéquipiers testé positif vendredi matin. Toute l’équipe, tout le staff, toutes les personnes qui ont été au contact ont été conviées au centre de formation pour être testées. Et maintenant, on attend les résultats pour ce début de semaine.
Avec de grandes chances de voir une partie de l’équipe placée en quarantaine ?
C’est plus compliqué que ça : il était blessé depuis quelques temps. Il était un peu moins au contact de l’équipe, s’entraînait à des horaires différents. Il convient juste de voir ceux qui étaient vraiment très proches de lui, qui sont allés chez lui pour le visiter, qui s’asseyaient à côté de lui en salle de repas… Ceux-là vont passer quatorze jours à l’isolement. Les autres, comme moi, peuvent continuer à vivre à peu près normalement même si on nous a grandement conseillé de rester à la maison jusqu’à la réception des tests.
Ils vous enfilent un coton-tige dans la bouche puis dans le nez, et ils remontent très haut
Vous êtes inquiet ?
Non. Je suis plus inquiet pour la situation générale dans le monde que pour la mienne. Parce que ce n’est peut-être que le début.
Comment se passe-t-il, ce test de dépistage ?
Cela dure vingt à trente secondes pas plus. Ils vous enfilent un coton-tige dans la bouche puis dans le nez, et ils remontent très haut.
Bon, concrètement : plus d’entraînements à Paderborn ?
Il y a plusieurs joueurs en quarantaine alors oui, c’est compliqué de s’entraîner. Ils nous ont donné des « polar » pour bosser chez nous et nous suivre à distance. Des informations plus précises vont arriver dans les prochains jours. Ils doivent s’organiser aussi… J’ai cru comprendre qu’on allait nous apporter des vélos spéciaux à la maison pour faire du spinning. Et puis je connais des endroits où je peux aller courir. On n’aura plus de séances ensemble avant un bout de temps peut-être. Imaginons qu’on nous annonce lundi que dix joueurs sont touchés… Lundi, il y a aussi une grande réunion entre les clubs de Bundesliga et la DFL, on verra comment ça va évoluer.
Vous aviez déjà coupé les contacts avec les fans depuis quelques jours ?
Chez nous, effectivement, les dernières séances étaient toutes à huis clos, par mesure de sécurité. Mais vu qu’on est dans une zone qui est plutôt très touchée par le virus…
Les huis clos, franchement, ça ne vaut pas la peine
Au moins vous serez-vous épargné la curieuse sensation d’un match à huis clos, puisque c’est ce qui était prévu contre Düsseldorf, vendredi soir.
Oui, c’est vraiment trois heures avant le coup d’envoi, alors qu’on était déjà sur place, qu’on a reçu cette info qu’un de nos joueurs était touché. On était à l’hôtel et même le coach avait dû être testé pendant la journée. Heureusement que cette rencontre a été annulée. Vous imaginez si on l’avait jouée et qu’on avait appris après coup qu’un des nôtres était positif ? Non, l’annulation était une bonne décision. Les huis clos, personne ne veut les jouer. Ca ne fait pas plaisir. On fait du sport pour nos supporters et quand on est à la lutte pour le maintien, comme nous, on a encore plus besoin d’eux. Jouer sans eux, ça n’a pas d’intérêt. J’ai regardé des rencontres européennes sans supporters, à la télé, et même Cologne – Mönchengladbach, un grand derby. Franchement, ça ne vaut pas la peine.
La Ligue a été sous le feu de lourdes critiques pour son manque de volonté évident à arrêter le championnat…
Je n’ai moi-même pas compris pourquoi on n’a pas arrêté plus tôt. Tous les grands championnats s’arrêtaient, tous les autres sports aussi, y compris la NBA, la Formule 1… Sauf la Bundesliga, qui voulait encore jouer. Je n’ai pas trop compris la logique. Ils ont fini par prendre la bonne décision.
Croyez-vous à la possibilité de finir cette saison ?
Alors là, je n’en ai aucune idée. On ne sait même pas où on en sera dans deux semaines.
Vous n’avez pas peur qu’on en arrive à une décision extrême visant à geler le championnat, ce qui condamnerait Paderborn ?
Non. Ce serait trop difficile à faire passer. Par exemple, cela ferait du Bayern le champion alors qu’avec le nombre de matches qu’il reste, il peut encore largement se faire rattraper. Mais c’est clair et net, finir cette saison sera compliqué.
Tout comme le fait de jouer des matches internationaux avant le début de la Nations League, en septembre ?
La FIFA et l’UEFA viennent de laisser aux clubs la possibilité de refuser à leurs joueurs la liberté d’honorer des sélections. J’imagine donc que la plupart ne l’accepteront pas et que cela va devenir compliqué de rejoindre les sélections. Ils ne vont pas accepter tous ces voyages. Cela risque fortement d’être annulé. Mais si on ne peut pas non plus jouer en juin avec le Luxembourg, cela va devenir complexe. C’est la plus grosse crise qui ait jamais secoué le football. Et même le sport dans son ensemble. Cela dépasse tout. On va souffrir.
Allez-vous souffrir dans votre coin, ou en famille ?
Ils nous ont dit qu’on attendait les résultats en premier lieu. Tous ceux qui ne présentent pas de risque potentiel, on pourra en discuter et éventuellement rentrer chez nous.
Recueilli par Julien Mollereau