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[Football] Hamadou Karamoko : «On ferait tout pour impressionner un adversaire»


Il mesure 1,92 m et pèse 93 kilos. Hamadou Karamoko, l’imposant défenseur central du Progrès, va s’attaquer ce soir à Djurgården, actuel 2e du championnat suédois. Qui ferait presque moins flipper qu’un match «au quartier».

Dès qu’un club luxembourgeois tire un homologue scandinave en Coupes d’Europe, on a souvent tendance à vendre par avance un duel physique contre des gars qu’on assimile facilement à leurs ancêtres vikings. Pourtant, on se dit que s’il y a bien un joueur au Grand-Duché à qui cela ne doit pas du tout parler, c’est bien vous…

Hamadou Karamoko : Non, effectivement, ce n’est pas un sujet. Petits, grands, moyens, gros, tant que moi je n’ai pas de souci physique, ce qu’il y a en face…

Justement, qu’est-ce qu’il y aura en face ?

Un Turc, grand, costaud (NDLR : Deniz Hümmet, 27 ans, formé à Troyes, mesure 1,90 m et pèse 80 kilos). Il va vite et il marque beaucoup. Mais on a déjà demandé à Metin Karayer qu’il nous apprenne quelques mots à savoir en turc (il rit)…

Quel genre de mots ?

Oh ils sont tous intéressants, ces mots (il rit). Vous savez, sur un terrain, tout est important. Le regard, la gestuelle, la parole aussi… On ferait tout pour impressionner un adversaire, pour gagner le duel psychologique. Le foot, ce n’est pas qu’un duel physique ou technique.

Le psychologique, c’est quelque chose de trop délaissé par les temps qui courent ?

Je trouve qu’il y a dix ans, on en parlait beaucoup plus, oui. Aujourd’hui, techniquement et tactiquement, on met énormément l’accent sur des choses qu’on faisait déjà il y a dix ans. Sauf qu’on n’en parle plus. Alors qu’un gars peut aussi être déficient sur le plan mental et que ça, c’est important aussi.

Au quartier, tu n’as pas intérêt à faire ta star! Tu dois mettre le pied parce que là-bas, c’est sans scrupules!

Puisqu’on parle du « psychologique », avec votre gabarit, avez-vous l’impression de faire peur aux attaquants ?

(Étonné) Non. Non, je n’en ai pas l’impression. Il faudrait demander aux adversaires, mais vous savez, rien que chez nous, aux séances, j’ai des gars qui me rentrent dedans. Un « Toto » Mazure, c’est même devenu sa spécialité. Le gars, il ne veut jamais me lâcher. Mais je comprends : quand tu affrontes toute la semaine des défenseurs comme ceux qu’on a au Progrès, le week-end, tu ne peux pas ne pas être prêt!

Mais pour vous, on a l’impression que plus les gabarits montent en gamme, plus c’est facile. Votre duel face à l’Hesperangeois Lasme, un sacrément beau bébé aussi, avait été le point d’orgue de votre dernière saison…

Ah, mais clairement, je préfère avoir en face de moi des mecs qui font 1,90 m et 90 kilos. Plutôt qu’un petit gabarit qui va venir vous faire chier. Moi, un Omar Natami, je ne supporte pas. J’aime les défis physiques. C’est à celui qui sera le plus tonique, le plus costaud sur ses appuis. Lasme, c’est des kilos, des pectoraux, des quadriceps… C’est à celui qui lâchera le premier! Moi, ce qu’on m’a appris, c’est qu’il faut toujours gagner le premier duel. Qu’il soit aérien ou au sol, il faut le gagner!

Et le coach qui vous a dit ça…

… C’est Julien Stéphan, l’actuel coach de Rennes, en Ligue 1. Je l’ai eu en U17 à Lorient, alors que je devais avoir 15 ans. C’est un conseil basique mais qui marque. Comme celui de toujours assurer sa première passe. Et regardez n’importe quel match : les défenseurs centraux ne se cassent jamais la tête en début de match, ils assurent.

Vous êtes un vrai Parisien, qui a donc grandi en jouant dans les rues de l’endroit, au monde, qui forme le plus de joueurs professionnels. À quoi cela ressemblait-il ?

Moi, j’ai une très grande fratrie et petit, j’ai souvent essayé d’aller jouer, très tôt, avec mes grands frères qui me disaient que j’étais trop petit. Alors, je m’y suis incrusté dans cette cour où on jouait. Je ne vais pas vous dire que j’y ai plus appris qu’en centre de formation, mais en tout cas, ça m’a forgé. C’est là que je me suis déchiré les genoux. Je sais que ce que je vais dire va faire marrer mes coéquipiers quand ils vont lire ça, je sais que certains vont dire que je me trompe de combat, mais il y a beaucoup plus de pression sur un match de quartier que dans un centre de formation! Et ça, j’en suis sûr. Au quartier, tu ne peux pas perdre. Sinon, on t’en parle pendant des jours et des jours.

Quel est le niveau ?

Il y a des mecs là-bas, en un contre un, tu peux leur mettre n’importe qui en face, ils le passeront! C’est à se demander pourquoi et comment ils n’ont pas fait carrière. Le mental, sûrement…

Les terrains du quartier, vous y repassez souvent ?

Comme tous les joueurs pros qui viennent de là-bas ! Je ne sais pas si je suis devenu un mec à passer, quand je reviens, mais tous les gars qui vivent du foot, quand ils rentrent, ils sont attendus en bas. On veut voir comment ils sont, quel niveau ils ont et attention : si ça ne va pas, tu te fais tailler! En plus, à notre époque, tout est filmé et tourne en boucle ! Mais là, sur le terrain, il y a des pros, des joueurs de National 1… T’es obligé d’y aller! Et tu n’as pas intérêt à faire ta star ! Tu dois mettre le pied, sinon, ce n’est même pas la peine de venir ! Là-bas, c’est sans scrupules ! Tu peux te prendre une balayette juste parce que tu as passé un joueur! Mais moi, c’est comme ça que j’ai grandi ! J’ai grandi avec ces gars. Et je kiffe. Ils sont contents de te revoir. Surtout quand tu joues la Coupe d’Europe.

Moi, je suis un gars joyeux et rigolo, mais il ne faut pas me chercher

Ce que vous devez voir, faire ou entendre là-bas ne vous prépare pas à absolument tout? On a encore en tête ce clash magistral entre les joueurs niederkornois et ceux de Differdange, lors du derby de fin de saison…

Moi, je suis un gars joyeux et rigolo, mais il ne faut pas me chercher. On est des êtres humains et sur un terrain, il faut un comportement qui reste correct et la limite, c’est de parler des parents ou de la famille. Au quartier, tu peux t’insulter parce que tu peux faire la paix quelques jours plus tard. C’est des gars que tu connais depuis l’enfance. On se connaît. Mais même eux ne se permettraient pas de parler de ta famille. La famille, c’est sacré.

C’est quoi, votre vision du foot ?

Quand j’ai donné ma première interview, à Lorient, on m’a posé la même question et ce jour-là, j’avais cité un modèle : Antonio Rüdiger. À l’époque, presque personne ne le connaissait. Il jouait à Stuttgart. Aujourd’hui, les gens comprennent. Je ne m’identifiais pas à lui, mais j’essayais de faire les mêmes choses. Lui, il inspire de la crainte. Moi, je ne pense pas que j’en inspire.

Une sacrée famille de sportifs

Monumentale fratrie que celle des Karamoko, basée à Bercy, avec un père qui faisait du football et une maman qui s’épanouissait dans l’athlétisme. Parmi les sept frères et trois sœurs nés de cette union, on retrouve des champions dans pas mal de sports : football, handball et boxe notamment. Le petit frère, Mamoudou, attaquant formé au Paris FC et à Strabsourg, a joué à Wolfsburg, au LASK (Autriche) et à Copenhague. Qui, après l’avoir prêté à Fehervar la saison passée, l’a mis à la disposition d’un autre club de D1 hongroise, Ujpest, cet été. Mais au handball, le niveau s’élève encore : Fatou, la petite sœur, professionnelle en D1 avec Saint-Maur, est championne du monde U20 avec la France, tandis qu’Amara, joli bébé d’1,92 m pour 122 kilos, 19 ans et professionnel au PSG, est lui vice-champion d’Europe U21 depuis ce printemps. Pour se distinguer, Hamadou serait bien inspiré de franchir un tour de Conference League.

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