Ahmed Nouma, l’agent de Gerson Rodrigues, pense que son poulain pourrait très bien filer dans l’un des quatre grands championnats d’ici à la fin du mois. Un Gerson superstar pour le mois d’octobre ?
Son but en Supercoupe d’Ukraine a fait le tour des réseaux et il est de notoriété publique que ses performances récentes n’en finissent plus de susciter l’intérêt de clubs encore mieux cotés que le Dynamo Kiev, où Lucescu, le nouveau coach, semble pourtant en faire une des pierres angulaires de son système offensif. Quel avenir pour l’ancien joueur du RFCU et du Fola, auquel Luc Holz aimerait, entre autres, confier les clefs du camion ? Sous quel maillot nous reviendra-t-il dans un mois ?
Le Luxembourg n’a plus joué le moindre match depuis le mois de novembre. Entretemps, Gerson Rodrigues a fait de très belles choses en prêt à Ankaragüçü et a marqué les esprits pour son retour au Dynamo Kiev, avec un but sublime contre le Shakhtar Donetsk dans la Supercoupe d’Ukraine. Il revient un peu en superstar…
Ahmed Nouma : Oui, c’est vrai. En Turquie, on parle énormément de lui car il a réalisé de belles performances là-bas. Mais les offres qui sont parvenues jusqu’à présent sont très insatisfaisantes tant pour le Dynamo Kiev que pour le joueur. Cela vient surtout du fait que les taxes sont passées, là-bas, de 20 à 40 % et qu’il n’est pas facile de répondre à certaines exigences financières dans ces conditions. Actuellement de toute façon, il est bien à Kiev mais si une offre financièrement et sportivement intéressante se présentait, le Dynamo serait ouvert pour aller de l’avant. Et pourquoi pas non plus un prêt d’une année. Mais il faut qu’il évolue et malgré tout le respect que j’ai pour la Turquie, il ne pourrait pas forcément y trouver mieux.
Le mois de septembre va être très mouvementé jusqu’à la clôture du marché des transferts
Ce lob en pleine course a dû pas mal tourner sur les réseaux. C’est plus facile de travailler dans ces conditions ?
Oui. Mais de toute façon, je suis en contact avec des clubs italiens, anglais et espagnols pour Gerson. Mais ce sont des choses qui prennent du temps. Une fois que tout le monde est d’accord, cela peut se faire en deux ou trois jours, mais on n’en est pas encore là. Il y a de l’intérêt, du suivi, mais on parle de championnats qui ont fini il n’y a pas si longtemps et qui attendent de voir où ils en sont concrètement. Le mois de septembre va être très mouvementé jusqu’à la clôture du marché des transferts, le 5 octobre. Il se peut que des offres très intéressantes arrivent mais les clubs, je les comprends : ils règlent déjà leurs deals à plusieurs millions avant de voir ce qu’ils veulent faire en matière de recrutement.
L’avenir immédiat de Gerson peut-il dépendre d’une éventuelle qualification du Dynamo Kiev pour la phase de poules de la Ligue des champions ?
Ah, ce n’est effectivement pas dit qu’il parte si Kiev entre dans la phase de groupes. Il sera même le premier intéressé à l’idée de rester. Ils auront besoin de tous leurs bons joueurs clefs pour cette campagne et il en fait partie. Sur les réseaux, en Ukraine, les supporters en sont à se demander pourquoi le Dynamo s’en est séparé autant de temps alors qu’il aurait sûrement suffi de bien communiquer avec lui. Il y a beaucoup d’éloges à son sujet.
On a l’impression que les choses ont changé avec l’arrivée de Mircea Lucescu au poste d’entraîneur.
Ah, mais il lui fait confiance à 100 % et sait le gérer. Gerson a été élu deux fois meilleur joueur du match depuis le début de saison ! Il y a juste que Gerson aime les coaches qui communiquent. Il n’y a pas besoin de dix minutes. Trente secondes suffisent. Le coach dit ce qu’il pense, Gerson dit ce qu’il pense. Et voilà ! Et Lucescu l’a fait. Avant le premier match, il lui a dit de tirer l’équipe vers le haut et voilà. Mais c’est aussi un coach qui a beaucoup travaillé avec des Brésiliens au Shakhtar Donetsk. Il a beaucoup d’expérience avec les joueurs lusophones et sans chercher à dire que cela peut être la même mentalité qu’un Luxembourgeois, au moins Lucescu parle-t-il portugais. Pas besoin d’interprète. Et ça, ça joue aussi.
Quelles sont aujourd’hui les chances de voir Gerson Rodrigues être toujours au Dynamo Kiev la prochaine fois que la sélection nationale se retrouvera, mi-octobre ?
Je dirais… du 50/50. Et c’est beaucoup lié à une éventuelle qualification en Ligue des champions.
C’est un joueur qui aime la pression
Mais quelles sont ses attentes ?
Après Kiev, il doit absolument atteindre au moins l’un des top championnats européens. Bundesliga allemande, Serie A italienne, Premier League anglaise ou Liga espagnole. Il n’a pas de préférence spécifique même s’il aime bien l’Espagne et qu’il est fan du Real Madrid. Dans l’idée, donc, c’est dans un de ces pays qu’il irait. Après, tout dépend comment. Si c’est dans le cadre d’un prêt, on ne serait pas trop regardant sur l’identité du club. L’important, ce serait alors qu’il se montre. Si c’est un transfert définitif, ce serait différent.
Quel est le plan de carrière ? Gerson n’a jamais caché qu’après avoir eu une enfance pas très nantie, il appréciait de bien gagner sa vie. Cela va-t-il compter ?
Financièrement, il est bien. Et comme tous les autres, ça l’intéresse, oui. Mais j’ai été clair avec lui, ce n’est pas uniquement ce qu’on recherche et il n’en veut pas non plus. J’ai déjà reçu et écarté des offres de destinations exotiques comme le Qatar, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite… Mais Gerson, à 25 ans, peut encore largement rêver d’un grand club européen. L’idée, c’est de mixer autant que possible le bien-être financier et le challenge sportif. C’est ce qu’on a fait avec Tim Hall à Gil Vicente.
Luc Holtz l’imagine tenir un rôle moteur chez les Roud Léiwen, en compagnie notamment d’un Christopher Martins qui s’épanouit, lui, aux Young Boys Berne. Gerson est-il assez mature pour ça ou, au contraire, est-il empêché par cette insouciance dont il a besoin dans son jeu ?
Mais si, bien sûr ! C’est 100 % sa mentalité ! Il aime les challenges des grands matches et d’ailleurs, c’est surtout dans ces rencontres qu’il brille. Contre la France avec la sélection, ou contre le Shakhtar avec Kiev… Il veut briller dans ces grands duels. La seule rencontre où il n’a pas brillé comme il l’aurait dû, c’est le Portugal mais cela se comprend. Sinon, c’est un joueur qui aime la pression. Il veut montrer qu’il est meilleur que les autres et ce n’est pas par excès d’égocentrisme.
Il est quand même plus cigale que fourmi, non ?
J’essaye de porter un jugement objectif et je pourrais comparer avec beaucoup de joueurs qui ont un peu la même mentalité. Sans chercher à les placer du tout au même niveau, mais juste pour dire qu’ils ont la même mentalité : des Neymar, des Romario, des Ronaldinho… Ils ont besoin de faire la fête pour être heureux. Vous vous souvenez de Diawara (NDLR : Souleymane, ancien joueur de l’OM et international sénégalais), le joueur de Bordeaux ? Il n’était pas bon, n’y arrivait pas et un jour, son président lui dit « sors, fais la fête ». Cela lui a rendu le sourire et il a cassé la baraque. C’est comme ça, certains joueurs ont besoin de ça. Gerson aussi mais maintenant, il a de l’expérience. Il sait s’amuser quand il le veut et travailler quand il le doit. Mais il est évident qu’il fait partie de cette catégorie de joueurs qui ne laisse pas indifférent. Soit on aime, soit on aime pas. Pour réussir, il a juste besoin d’un coach qui communique. Ce n’est pas pour rien s’il n’a jamais eu de souci avec Luc Holtz.
Luc Holtz a d’ailleurs pris son parti dans l’affaire qui a poussé Ankaragüçü à se séparer de son Luxembourgeois. Indiquant que contractuellement, Gerson ne pouvait rien dire, mais que les choses ne se sont pas passées comme l’indiquait le communiqué du club, à savoir qu’une bagarre avait poussé le club turc à rompre son contrat.
Eh bien moi je n’ai aucun droit de réserve et de toute façon, j’ai déjà donné la vraie version à un journal turc. Ce qui a été rapporté n’est pas toute la vérité. C’était partiel et partial. Au moment où cet accrochage est arrivé, le club savait très bien qu’il resterait en D1 turque, que cela avait été décidé comme ça. Ils ont donc pris cette altercation comme prétexte pour ne pas verser l’intégralité de la somme qu’il devait au joueur et au Dynamo Kiev – qui réclame son dû, d’ailleurs et je crois qu’Ankaragüçü, qui doit de l’argent a pas mal de monde, est empêché de recrutement jusqu’à ce qu’il ait réglé ses dettes. Bref, il y a eu cet accrochage. Cela peut arriver. Pour Gerson, c’était la première fois.
Et ce n’est pas lui qui a fait le premier geste mais son ancien coéquipier au Sheriff Tiraspol, Vladimir Kovacevic. Gerson, ce n’est pas un bagarreur, plutôt un fêtard peace and love qui veut bien s’entendre avec tout le monde. Là, Kovacevic a essayé de le gifler et Gerson a répondu en lui donnant un coup. Ce n’est jamais une solution, la violence, mais quand on est attaqué physiquement… On n’a pas à juger l’autodéfense. Mais Gerson se sentait mal parce que Kovacevic, c’est un homme marié, qui a des enfants. Le lendemain, Gerson a envoyé un message dont il n’a fait aucune publicité pour s’excuser auprès de son coéquipier et de sa famille. Mais le club s’est servi de cet argument pour le mettre à la porte, bien que les joueurs se soient « checkés » sans souci par la suite…
Entretien avec Julien Mollereau