Le RFCU et son coach, Philippe Ciancanelli, qui ont affronté… sept Hesperangeoises samedi pour voir le match stoppé à 7-0 après… cinq minutes, sont fous furieux.
Samedi, le match RFCU – Swift comptant pour le championnat de Ligue 1 Dames a été interrompu après seulement cinq minutes et… sept buts du Racing. Le récit (unilatéral, certes) qu’en fait le staff du leader est inquiétant. Au point que les dirigeants du RFCU ont décidé de se fendre d’une lettre ouverte à la fédération pour dénoncer non pas l’invraisemblable gabegie dans laquelle semble s’enferrer le foot féminin du pays, mais plus largement les conditions intrigantes dans lesquelles on cantonne ces dames.
Que s’est-il exactement passé, samedi?
Philippe Ciancanelli : Aaaaah! Eh bien, c’est le grand cinéma du football luxembourgeois, enfin! Vous savez, quand on fait des réunions entre deux saisons, qu’on demande poliment si, pour le niveau du football féminin, l’un ou l’autre club ne veut pas plutôt retourner en Ligue 2 et que certains ouvrent grand leurs bouches pour dire « Non, jamais, la saison prochaine, on aura un effectif fantastique!« ? Eh bien, par exemple, le Swift était totalement contre et, aujourd’hui, ils se permettent de venir à un match de Ligue 1 avec sept joueuses juste pour ne pas être forfait. Bref, ils jouent avec le règlement et rien, visiblement, ne les empêche de le faire.
Donc, on récapitule : le Swift vous rend visite, n’a que sept joueuses. Vous leur collez sept buts en cinq minutes et là…?
En fait, tout le monde dit qu’elles étaient à neuf sur la feuille de match. Peut-être, mais pas du tout, on a la preuve, photo à l’appui, elles n’étaient bien que sept sur le terrain c’es-à-dire le strict minimum réglementaire. Les consignes, de notre côté, c’était de ne pas entrer dans le moindre contact. Je leur ai dit « personne ne touche personne« . On voulait voir combien de temps cela allait durer. Et on a vu : au bout de cinq minutes, une fille s’est mise au sol d’elle-même et on a dû arrêter le match, puisqu’elles n’étaient plus assez nombreuses. Même l’arbitre était dépité. C’est vraiment se foutre de la gueule du monde. On déplace des joueurs, des bénévoles, un arbitre – qu’il faut payer – pour… ça?
Le foot féminin au Grand-Duché, c’est un grand sketch
On sent que la colère est assez monumentale.
Mais le plus rageant dans tout ça, vous savez ce que c’est? C’est que le Swift a disputé un match en Ligue 3 avec son équipe 2. Et elles étaient… vous savez combien? Quatorze! D’ailleurs, le coach de leur équipe première était là-bas, à Wormeldange! Elle a gagné 8-3. Vous savez ce qu’ils essaient de faire? Moi je vais vous le dire : ils veulent monter leur deuxième équipe et garder la première en Ligue 1 parce qu’ils pourraient y arriver avec ce système : il leur suffit de battre les deux ou trois équipes qui sont encore un peu plus faibles qu’eux, le Fola, Diekirch, ou Bertrange. Là, clairement, l’arrêt de notre match était programmé! Tout était magouillé. Il fallait juste qu’il débute pour éviter un forfait. À notre sens, ce n’est pas la première fois que le Swift fait ça cette année. Une fille est encore arrivée en courant à vingt minutes du coup d’envoi pour faire le nombre. Mais il y a pire.
Pire que tout ce que vous décrivez et qui semble déjà excéder?
Oui, c’est qu’en Ligue 3, le Swift évolue sans le nombre requis de sept sélectionnables. Biwer a fait une protestation sur ce sujet en début de saison, pour râler sur le même thème, mais je crois qu’ils ne se sont pas rendu compte que l’avis négatif qui leur avait été transmis par la fédération ne touchait pas au fond, mais à la forme. Et depuis, tous les clubs semblent considérer qu’il ne faut pas avoir sept premières licences sur la feuille de match. On a des preuves : il suffit de regarder les feuilles de match. Le Swift piétine le règlement et autour, tout le monde regarde!
On se dit que pour vos joueuses, dont certaines sont issues du monde pro, ce genre d’histoires doit être assez démoralisant…
Naturellement. D’autant que cela fait déjà deux semaines qu’on ne joue pas. Entre la sélection, les week-ends où certains se retrouvent exemptés à cause de ce fantastique championnat à quinze… nous, cela fait déjà trois semaines qu’on ne joue pas du tout. Enfin si : cinq minutes.
Et vous savez quoi? On ne va pas jouer non plus samedi! Pourquoi? Parce que la sélection joue dimanche. Et puisque les clubs n’ont pas le droit de jouer le même jour qu’un match international, la fédération a tout décalé au samedi, le jour habituellement dévolu aux femmes. Mais comme ils ont peur qu’il n’y ait pas assez de terrains, on ne joue pas. Les femmes sont annulées. C’est de la discrimination, je dirais, non?
Mais on va où, en fait? En fin de compte, c’était presque mieux au temps du covid, au moins, on jouait! Si c’est ça, laissez partir toutes les filles jouer à l’étranger! Tant qu’il n’y aura pas de Ligue du football féminin, cela continuera dans le grand n’importe quoi. C’est ça, en fait, le foot féminin au Grand-Duché, un grand sketch, avec des filles qui viennent de l’étranger et qui secouent la tête en voyant ce qu’on leur offre ici.
Recueilli par Julien Mollereau