Christopher Martins nous a accordé une longue interview pour faire un point décontracté après le premier titre de sa carrière, celui de champion de Suisse.
Lundi soir, contre Saint-Gall, Kiki Martins bouclait devant une assistance minimaliste une saison exceptionnelle qui l’a vu soulever le premier trophée de sa jeune carrière. Quelques heures auparavant, depuis sa chambre d’hôtel, il est revenu en toute tranquillité sur son premier grand bonheur de footballeur, lui qui a offert aux Young Boys leur troisième titre consécutif, vendredi soir.
Vous nous racontez le but du titre ?
À la base, je ne me retrouve pas souvent dans ce genre de position mais là, j’ai senti le coup. Et… Et en fait, j’essayais de centrer. Mais on m’a dit de dire que je voulais frapper si on me demandait.
Qui vous a dit ça ?
Mes coéquipiers. Ils m’ont dit de dire que c’était volontaire. En vrai, le défenseur revenait sur moi et allait tacler, alors dans la précipitation…
L’avez-vous beaucoup revu ?
On m’a beaucoup tagué ces derniers jours alors oui, je l’ai beaucoup revu mais là, ça va, j’en ai assez. Même si c’était bien de contribuer au titre.
Et cette célébration le long du poteau de corner, d’où est-elle venue ?
Je ne sais pas si vous avez vu mais au match précédent (NDLR : contre Lucerne), je me suis coincé sur le poteau de corner sans faire exprès et je suis tombé… Enfin, voilà, je protégeais le ballon, j’avais le poteau de corner entre les jambes et il est remonté quand j’ai essayé de me dégager. Je me suis bien fait chambrer par mes coéquipiers à cause de ça. Alors là, après le but, je me suis dit que ce serait marrant d’aller danser avec lui.
Marquer le but du titre, quelles sensations cela procure-t-il ?
C’est le lendemain du match qu’on se rend compte que c’est quand même un but plus important que les autres. Et c’est un sentiment agréable. Je commençais à avoir mes petites stats en cette fin de saison. Deux buts et une passe décisive sur le mois de juillet, c’est pas mal. Il faut absolument que je continue.
Qu’avez-vous fait pour fêter ça, en cette période de coronavirus ?
Un Mc Do !
Oui, il paraît que vous vous êtes effectivement arrêtés pour manger un hamburger… Sacrée soirée.
(Il rit) Bah on l’a pris en « drive ».
En bus ?
Oui. Bon, on a fait bien attention. Depuis le début de l’épidémie, on nous laisse assez libres. Pas de tests, juste des prises de température chaque jour et on nous demande d’être responsables. Je gère plutôt bien même si c’est dur d’être là, à Berne, tout seul, sans la famille. Je n’ai même pas encore de copine. Le lendemain du match, samedi, on était libres et on est allés au lac entre potes. Les gens sont venus nous saluer, mais à la cool. Au maximum pour prendre quelques photos.
Aussi avec le buteur du titre, donc ?
Non, pas trop.
Dans notre édition de lundi, Paul Bollendorff nous expliquait qu’étant assez jeune et Luxembourgeois, vous n’êtes pas excessivement médiatisé ?
Non, c’est vrai, je suis relativement anonyme ici et j’aime ça, moi, le calme. Je suis quelqu’un de discret et ça ne me déplaît pas de ne pas être au centre de l’attention. Je n’ai pas besoin de ça. Être bon sur le terrain me suffit.
Que signifie ce titre pour vous ?
Je suis content parce que c’est quelque chose qui va rester sur le CV. Les matches qu’on joue et les buts qu’on marque, on peut les oublier. Mais un titre, non. Il sera là à vie.
Un titre sans public, cela a-t-il moins de sens ?
C’est un peu moins pimenté, oui, mais vous savez, on est restés plus de deux mois enfermés à la maison et c’était très galère, alors revenir comme ça, jouer et gagner, cela fait énormément de bien. Un titre avec ou sans public, ça a la même valeur. Ce soir, je ne sais pas trop ce qui est prévu après le match, mais j’imagine que cela prendra la forme d’une petite sauterie chez l’un d’entre nous. Vous savez, à Zurich, il y a un joueur qui a attrapé le coronavirus, puis ils étaient cinq, puis le staff a été touché et c’était neuf et c’est devenu très compliqué pour eux. Alors on ne va pas prendre le moindre risque, surtout qu’on n’aura pas vraiment de pause cet été.
C’est vrai ça. Quand allez-vous couper ?
On aura peut-être une semaine mais on ne sait pas encore vraiment. Le 7 août (NDLR : en fait, le 6, à Lucerne, en quarts de finale), on doit déjà rejouer un match de Coupe. Et si on passe, on rejoue peu de temps après les demies et peut-être encore la finale. Et fin août, on a déjà la Coupe d’Europe…
Physiquement, ça n’est pas un peu effrayant, comme perspective, d’enchaîner de la sorte en sachant que la saison qui vient sera extraordinairement longue et difficile ?
J’espère que mon corps va tenir, mais je vais tout faire pour rester en forme. À la limite, moi, je préfère jouer beaucoup de matches que de faire des entraînements, donc je ne vais pas me plaindre. À moi de prendre soin de mon corps.
C’est intéressant car Mario Mutsch et Paul Bollendorff, à qui nous avons demandé de s’exprimer sur votre marge de progression pour aller voir plus haut, ont parlé de la nécessité de hausser encore votre niveau de jeu au niveau du physique, qui est pourtant l’une de vos grosses qualités.
Je suis bon dans les duels, mais si tu me regardes bien, je suis encore assez fin, je dois prendre du muscle.
Vincent Thill vient de prendre sept kilos. Cela devrait être possible pour vous de vous épaissir un peu, non ?
Ah mais moi, je ne veux pas prendre des kilos. Moi, je tiens à mes qualités d’explosivité sur les premiers mètres. Non, je veux juste prendre un peu de masse, mais pas trop. Pour le reste, je suis sur la bonne voie. Après, il faudrait encore que je m’améliore sur les petites choses simples, les contrôles tout bêtes, les détails.
Quel cap estimez-vous avoir franchi cette saison ?
Ah ça a été difficile pour moi. J’ai été blessé trois mois, je reviens et on se prend deux mois de coronavirus… Mais je trouve que je suis devenu plus sérieux. Il y a moins de fantaisie, je joue plus simple.
Sous la pression des coaches ou parce que vous-même estimez que cela devient nécessaire ?
Un peu des deux. Je me suis rendu compte qu’un grigri, c’est magnifique quand ça passe, mais si ça rate, ça pénalise toute l’équipe. Chacun sa tâche.
Ne nous dites pas que les grigris, c’est fini pour vous ?!
Non, ne vous inquiétez pas (il rit) ! J’en ferai encore, mais aux bons moments. Et puis je n’aime toujours pas dégager les ballons, ce n’est pas moi. Mais bon, je ne vous cache pas que le coach devient fou, des fois, à cause de moi (il rit).
Tout le monde vous voit partir d’ici un à deux ans en Bundesliga.
Cela fait partie de mes objectifs. Mais il faut que je continue à bosser. Je n’ai pas envie de minimiser mes objectifs : je vise le plus haut possible.
Beaucoup de gens vous comparent à Denis Zakaria, le milieu de terrain de Mönchengladbach. Ça vous agace ?
Dès mon arrivée, on a commencé à me comparer à lui. Non, ça ne m’agace pas, ça me motive plutôt. Cela me prouve que justement, je suis sur la bonne voie.
Vous retrouverez bientôt la sélection également, que vous n’avez plus fréquentée depuis un bout de temps (NDLR : il n’a plus joué depuis le déplacement en Ukraine, en juin 2019)…
Ce que ça peut me manquer, je vous jure ! Voir les potes, discuter en luxembourgeois, parler de ce qui leur arrive en club…
D’abord, la Ligue des champions.
On est passé à un cheveu de la qualification la saison passée. Berne est un club ambitieux. Il nous faudra de la chance mais on rêve de jouer les poules !
Entretien avec Julien Mollereau