Maxime Chanot vit reclus dans son appartement de Manhattan en attendant que la MLS reprenne. Mais il est un observateur attentif de l’évolution du Covid-19 à New-York.
Alors que près de 67 000 cas confirmés avaient été diagnostiqués à New York (contre 436 il y a deux semaines), lundi soir, jour de cette interview, Big Apple s’est longtemps enfoncé dans une crise sanitaire historique en toute insouciance. Plus de 1 500 morts (sur les quelque 4 000 au pays) déjà, l’installation d’un hôpital militaire sous tente à Central Park et l’arrivée d’un navire-hôpital d’une capacité de 1 000 lits pour aider des hôpitaux littéralement débordés, n’empêchaient pas encore les habitants de Manhattan de sortir prendre l’air printanier. Au beau milieu de cette situation si particulière qui est en train de gravement dégénérer (des projections annoncent qu’entre 120 000 et 200 000 Américains pourraient perdre la vie ces prochains mois), Maxime Chanot nous a raconté son quotidien. Masqué et ganté.
Les États-Unis sont en train, de manière assez fulgurante, de devenir un épicentre majeur de l’épidémie de coronavirus et New-York n’est pas épargné, loin de là. Il en est même le cœur. D’où une première question basique : comment allez-vous?
Maxime Chanot : Bien. On est calfeutrés avec ma femme et mon enfant et on fait très très attention. La Ligue nord-américaine n’autorise pas ses joueurs à quitter le pays. Elle nous a demandé de rester à disposition de nos clubs au cas où la situation s’améliore plus rapidement qu’espéré. Voilà pourquoi nous sommes restés à New York dans un premier temps, jusqu’à ce que la question de rentrer en Europe ne se pose plus puisque ses pays ont commencé à fermer leurs frontières. J’ai vu qu’en France et dans d’autres championnats, pas mal de joueurs sont rentrés chez eux, mais tout ça n’est pas très légal et leurs clubs ne contrôlent rien. Et puis franchement, voyager dans les aéroports… Je ne suis pas médecin, mais je ne crois pas que c’était la bonne solution et quand on pense à tous ceux qui ont fait ça…
Le gouverneur s’est contenté d’une annonce pour demander aux gens de rester chez eux
Mais Manhattan, où vous habitez, est particulièrement touché!
Ils ont même voulu mettre l’île en quarantaine et bloquer les entrées et sorties de l’île, mais finalement, ils se sont contentés d’un confinement, sans système d’amende pour ceux qui sortent toutefois. Cela a été considéré comme l’épicentre de l’épidémie au pays, mais les gens continuent de circuler plutôt librement. Par exemple, nous, on habite juste à côté de Central Park, il n’y a qu’une rue à traverser. Quand je vais faire mon footing, une heure chaque matin, avec gants et masques, je m’en rends compte : le parc est plein! Le gouverneur s’est contenté d’une annonce pour demander aux gens de rester chez eux, mais la situation à l’heure actuelle est juste comme en France avant que le confinement ne soit rendu obligatoire : au moindre rayon de soleil, les gens sortent se balader!
Les gens vous semblent-ils inconscients?
Les habitants de Manhattan sont très européens dans leur mentalité. Ils savent ce qui se passe dans le reste du monde. Mais comme il y a beaucoup moins de monde dans les rues… Il n’y a plus de touristes déjà et certaines personnes ont préféré aller vivre en banlieue pour un petit temps. Les restaurants et les bars sont fermés. Alors ils se promènent.
Il y a eu un temps où les livreurs venaient directement t’apporter tes courses à la porte, mais maintenant, ils laissent des courses sur le trottoir
Et le ravitaillement?
Ma femme et moi, on se fait tout livrer. Il y a eu un temps où les livreurs venaient directement t’apporter tes courses à la porte, à ton étage, mais maintenant, ils laissent des courses devant, sur le trottoir et ce sont les doormen (NDLR : l’équivalent des portiers) qui les montent aux habitants de l’immeuble. Au moins on sait qu’ils sont… « en forme » disons.
La vie de confinement, pour vous qui aviez avoué il y a quelques années souffrir d’une incapacité totale à rester en place, ce n’est pas trop difficile?
(Il sourit) C’est un peu difficile mais j’ai vieilli, j’ai grandi. J’ai une petite fille maintenant et ça me fait plaisir de passer du temps avec elle, surtout qu’on venait de faire huit semaines en préparation, souvent en déplacement. Ce confinement, on doit en tirer quelque chose de bon, se recentrer sur ce qu’on n’a pas l’habitude de faire. Je ne banalise pas la situation, elle est critique et on n’a pas de vision sur le long terme, mais psychologiquement, je gère bien d’autant plus qu’à New York, on peut sortir si on veut. Mais on ne le fait pas et j’en profite pour lire beaucoup.
Vous n’êtes pas inquiet pour votre famille, en France?
Pas spécialement : ils ont cerné la situation et ils ne sortent pas. Après, je parlais des joueurs qui ont quitté la France et franchement, je peux comprendre : quand ils sont partis, la France était très touchée et pas encore l’Amérique du Sud, où vit leur famille. Mais moi, ma famille est là, à New York.
Dans le pays qui a inventé la notion de film catastrophe, comment vit-on cette pandémie mondiale? Que voyez-vous à la télé?
Je ne regarde pas du tout la télé. J’écoute la radio française. Je le fais pour me protéger parce que je commence à regarder des chaînes comme BFM TV, LCI ou leurs équivalents américains, je ne m’en sors pas. C’est anxiogène!
Quelles sont les perspectives sportives du moment, en MLS et avec New York City?
C’est un peu compliqué. Au début, on a eu régulièrement, tous les deux ou trois jours, des mises à jour mais depuis, elles se sont espacées, de semaine en semaine. On a pris la mesure du souci et on se rend bien compte que l’arrêt total des entraînements va maintenant devoir se compter en semaines plutôt qu’en jours. La MLS a été un des premiers championnats à suspendre ses activités, il y a plus de trois semaines. On nous a d’abord dit qu’il y aurait un mois sans compétition et on a attendu un peu avant de suspendre les entraînements mais là, cela a été reprolongé d’un mois supplémentaire et maintenant, si je me souviens bien, c’est seulement aux alentours du 15 mai que l’on peut espérer reprendre. Le club en tout cas, s’est basé sur ça.
Nous avons eu des cas (NDLR : dans l’équipe) officialisés par le club
Donc vos séances d’entraînement, en ce moment…
Elles se font en visioconférence! Le club nous a fait livrer à tous le matériel qu’il faut. Des vélos, des tapis, des poids, des cordes, des medecine-ball… Et tous les jours, à 11 h, on se retrouve tous sur un canal que le club nous indique et on est face à un prof. Et quand c’est fini, on coupe. Avec les coéquipiers, on préfère discuter sur le groupe WhatsApp qu’on a créé.
Avez-vous eu des cas de coronavirus au New York City FC?
Nous avons eu des cas oui, officialisés par le club d’ailleurs. On ne sait pas de qui il s’agissait, d’où l’importance d’arrêter les entraînements. Le club a agi de manière très responsable.
En attendant, la saison de MLS prend beaucoup de retard. Cela ne signifie-t-il pas que votre club pourrait être tenté de vous interdire de revenir jouer avec la sélection cet automne, quand il s’agira vraisemblablement de rattraper la grosse dizaine de matches qu’il aura fallu remettre?
Je ne pense pas non. Les matches internationaux, quoi qu’il arrive, auront lieu. Mais la MLS, de son côté, mettra en place un système où l’on jouera sûrement deux à trois matches par semaine. Et puis dans ce championnat, on a énormément de vacances en hiver. Donc à condition qu’on reprenne la compétition en juin, ce qui n’est pas encore sûr, la MLS ne sera pas trop impactée et pourra se permettre de finir la saison en décembre. Plus tard que d’habitude mais c’est un luxe que beaucoup d’autres championnats ne peuvent pas se permettre. Mais ça, c’est dans le meilleur des scénarios, si l’on ne prend que deux mois de retard.
Il vous reste aussi un match de Ligue des champions de la Concacaf à disputer après votre défaite, le 12 mars, à domicile, contre les Mexicains de Tigres (0-1), en quart de finale. Le retour est-il déjà programmé?
Aucune idée. Mais de toute façon, ce n’est pas vraiment la priorité du club. C’est le championnat qui est l’objectif n° 1.
Recueilli par Julien Mollereau