Dirk Carlson n’a pas menti : il a mûri et ne se laisse plus abattre au moindre souci. Il l’a prouvé en Azerbaïdjan et c’est tant mieux car son agent l’a prévenu qu’il doit passer un cap.
Jusqu’à présent, Dirk Carlson, 22 ans, n’a pas de chance : il a toujours payé cher pour apprendre. C’est aussi pour ça qu’il n’aime pas être ramené à ce match du mars 2017 contre le Cap-Vert, alors qu’il n’avait encore que 19 ans. Cette rencontre pourrie et perdue 0-2, qui l’avait vu être remplacé à la demi-heure de jeu, l’avait plombé moralement tant la faillite du couloir gauche avait donné lieu à des remarques trop dures à supporter pour un adolescent.
Bien plus récemment, le 21 juin dernier, c’est une passe en retrait interceptée et qui fait 0-2 pour l’Arminia Bielefeld (score final 3-3), qui avait marqué sa fin de saison avec Karlsruhe, alors que son club luttait contre la relégation. Il était sorti à la pause mais une fois le maintien acquis, il nous avait dit ça, avec énormément d’aplomb : « Si un tel truc m’était arrivé il y a six mois, j’aurais quitté le terrain, je me serais sûrement mis à pleurer et je me serais même peutêtre suicidé .» Le garçon que son coach à Pétange, Manuel Correia, nous avait décrit encore un peu fragile mentalement, venait de changer de visage.
Holtz est «très exigeant sur le placement» de ses latéraux
Il l’a prouvé à Bakou. Juste avant la pause, en laissant son adversaire direct se retourner et centrer pour un but azerbaïdjanais sur leur seule occasion de but. Il y aurait eu de quoi porter sa croix pour le reste de la rencontre, même s’il n’était pas seul dans le coup, l’axe ayant manqué également d’attention sur le coup. Au lieu de ça, Carlson a livré une deuxième mi-temps solide, délivrant un centre magnifique qui conduit à un penalty et au deuxième but grand-ducal.
Ce n’est pas rien quand on connaît le passé du garçon et quand on demande à Luc Holtz de spécifier la pression qu’il met sur ses latéraux dès qu’on parle d’apport offensif. La preuve, le sélectionneur en a parlé longuement à la pause avec… Laurent Jans, situé de l’autre côté : « Je suis très exigeant sur leur placement en possession de balle. Une différence de trois mètres trop haut ou trop bas peut nous priver d’une occasion. C’est une position où l’on peut faire très mal .» Alors forcément, ce centre du deuxième but, le sélectionneur a dû l’adorer. Petite récompense honorifique : Dirk était le joueur convié à la conférence de presse, lundi. Il a pu y dire qu’il « adore venir jouer en sélection parce que la philosophie du jeu y est différente de celle qu’on rencontre en 2e Bundesliga, où seules les cinq premières équipes essayent vraiment de produire quelque chose ».
«Quand Karlsruhe aura fini son stade…»
La 2e Bundesliga l’attend d’ailleurs ce week-end. La reprise se fera à domicile contre l’Union Berlin et la présence du Roude Léiw dans les compositions d’équipe type, tout au long de la préparation, semble indiquer qu’il pourrait partir dans la peau d’un titulaire potentiel. Ce serait un grand pas en avant, pour un garçon qui découvrait le haut niveau la saison passée et a déjà gratté pas mal de temps de jeu. Un pas en avant crucial d’ailleurs, pour la suite des événements, ne cache pas son agent, l’ancien coach du F91 Didier Philippe : « Karlsruhe fait partie de ces clubs qui ont investi dans leur stade et qui, financièrement, doit patienter jusqu’à ce qu’il soit fini avant de voir plus haut. Mais quand il sera prêt, le KSC aura bien entendu envie de redevenir un grand d’Allemagne .» C’est-à-dire de jouer la montée. Il ferait alors plutôt bon y avoir son rond de serviette.
En attendant ce jour, Dirk Carlson, chouchou du vestiaire local, va se servir de son nouveau mental en fer forgé pour continuer son apprentissage international. Il est déjà parvenu à distancer la concurrence (notamment Malget) côté gauche alors qu’il ne fêtera que sa 25e sélection ce soir. Il est un peu à l’image de tout ce groupe. Jeune, fougueux, perfectible mais doté désormais d’un mental de fer.
Julien Mollereau