Les statistiques de Leandro Barreiro, que ce soit avec Mayence ou en Bundesliga, le prouvent : il est installé!
Alors que Christopher Martins était attendu en Bundesliga l’été prochain, mais a accepté, cet hiver, l’offre du Spartak Moscou, il y a des chances de voir Leandro Barreiro continuer à être le seul représentant luxembourgeois en D1 allemande pendant encore quelque temps.
Mais si récemment Laurent Jans n’a fréquenté le niveau qu’une saison avec Paderborn, l’Erpeldangeois, lui, s’est installé et commence à y prendre ses aises : 68 matches de championnat déjà disputés à seulement 22 ans. Avant la réception d’Hoffenheim.
Alors que Mayence n’avance plus en ce moment, nous sommes allés rencontrer l’un des hommes qui avaient sauvé le club la saison passée et qui garde la tête sur les épaules.
Vous avez disputé 29 matches de Bundesliga la saison passée. Déjà 20 cette saison. Peut-on dire que ça y est, à 22 ans, vous êtes installé dans l’un des meilleurs championnats de la planète ?
Leandro Barreiro : Cela fait surtout six ans que je suis installé dans ce club respectueux et familial. En arrivant, je ne doutais pas de moi et j’ai su très tôt que j’étais prêt à montrer mes qualités.
J’ai toujours su montrer qu’on pouvait compter sur moi sur et en dehors du terrain, que je faisais du bien à l’équipe.
C’est beaucoup d’humilité pour un garçon qui valait 500 000 euros en janvier 2020 et est estimé à 11 millions deux ans plus tard.
C’est vrai que du point de vue des sommes, c’est allé très vite. Quand au bout de quelques mois, je valais 4 millions, des gens sont venus m’en parler, c’était déjà toute une histoire et j’ai tout fait pour que ça ne me perturbe pas. Normalement, je ne m’attache pas à ces détails, mais fatalement, tous mes amis m’en ont parlé.
Puis c’est passé à 7 millions et tout le monde est revenu me le signaler. Et j’en suis venu à me dire que cette somme, ce n’est pas un reflet exact de ce que je produis sur un terrain, que cela ne doit pas m’influencer. Oui, je sais que j’ai eu mon importance dans le maintien, la saison passée.
Et oui, quand j’ai su que ma valeur marchande était passée à 11 millions, cela m’a rendu fier. Mais je sais aussi que cela peut rebaisser et que ce n’est pas pour ça que je n’aurai plus le niveau. La valeur d’un joueur, ce n’est pas forcément lié qu’à son niveau sur le terrain. Il y a plein de critères. Comme son âge.
Mais vous arrive-t-il de vous dire, aussi, que cela peut être lié à la rareté de votre profil ?
Je ne me casse pas la tête avec ça. Qui choisit ces critères ? Sur quelle base ? Moi, j’évite de me stresser avec ça. Le football écrit tant de belles histoires qui ne sont pas liées à ça…
Quand j’ai su que ma valeur marchande était passée à 11 millions, oui, cela m’a rendu fier
Le football, justement, s’est chargé depuis longtemps de faire comprendre à tous ceux qui pensaient qu’il fallait un certain physique pour exister au plus haut niveau, qu’un petit gabarit comme le vôtre pouvait y survivre et même y exceller. Avez-vous rencontré beaucoup de ces chantres d’un football physique qui ont essayé de vous décourager ?
Jamais personne ne m’a fait sentir ça. J’ai toujours utilisé d’autres capacités, mais ça, cela a à voir avec l’intelligence. J’observe les qualités de l’adversaire et si je ne peux pas gagner le ballon en allant au duel, je le fais d’une autre manière.
Quand on a affronté le Sénégal avec les Roud Léiwen par exemple (NDLR : en mai 2018), il était vite évident que si j’allais au duel, cela n’allait pas me rapporter grand-chose. Il me fallait trouver un autre moyen. Depuis, j’ai pris trois ou quatre kilos et cela ne fait pas une différence énorme, mais j’ai beaucoup gagné en stabilité.
Une stabilité que je n’avais pas quand j’ai commencé, à 16 ans, à Erpeldange. L’expérience est passée par là aussi : pas besoin d’aller à 100 à l’heure dans un duel quand tu sais que ton adversaire est techniquement capable de t’éliminer en une touche.
Quand on a votre gabarit, il faut forcément être plus intelligent que la moyenne ?
Oh ça, ce n’est pas à moi de le dire ou de le commenter. Je sais juste qu’il me reste énormément de choses à apprendre.
Votre tout premier coach, à six ans, à Erpeldange, prétend que vous lui parliez déjà de Beckenbauer quand il vous emmenait à l’entraînement. Cela dénoterait quand même un joli quotient intellectuel footballistique.
(Il sourit) Je ne me rappelle pas ça. Je ne sais pas si je regardais des matches de Beckenbauer. Je sais que la télé de la maison était toujours allumée sur du football et que je regardais les ambiances et que j’ai su très tôt que je voulais faire ça. Mais cette histoire sur Beckenbauer, j’ai des doutes.
Au-delà des chiffres circulant sur votre valeur marchande, une autre semble cruciale : vous courez, en moyenne, un peu plus de 12 kilomètres par match. Seule une petite vingtaine de joueurs font mieux en D1 allemande.
Depuis tout jeune, j’ai toujours énormément couru. J’étais toujours partout. Je ne fatigue pas vite. Alors je joue de la même manière en pro. Je ferme les trous, je joue l’interception, et oui, ça se traduit par des kilomètres. C’est quelque chose qui parle pour moi.
On m’a déjà demandé comment je pouvais autant courir. Des gens au club, des spécialistes, ont déjà essayé de me l’expliquer, mais je n’y ai pas vraiment porté attention. Je fais juste attention à ce que je mange pour que mon corps puisse gérer toute cette énergie que ça me coûte.
Parmi les joueurs de moins de 23 ans, vous êtes, là encore, dans le top 20 des jeunes joueurs les plus utilisés en Bundesliga.
C’est une statistique parmi d’autres. J’y ai peu pensé, à mon utilisation par rapport aux autres jeunes de mon âge. Mais si vous le dites, alors c’est un fait. Et cela signifie que j’ai bien travaillé et surtout qu’on me fait confiance et que je l’ai rendue.
Voilà, je suis encore jeune, mais vous savez, à un moment, l’âge, ça ne compte plus vraiment.
L’an dernier, Jeff Strasser avait indiqué, au regard de votre progression fulgurante dans cette Bundesliga, qu’il fallait attendre trois ans avant de savoir quel niveau vous pourriez réellement atteindre. Vous êtes d’accord avec lui ?
Oui. Cela ne sert à rien d’anticiper son parcours de toute façon. Tout viendra en son temps. Par exemple, quand j’avais 16 ans, si vous m’aviez dit que j’en serais là, avec le nombre d’obstacles que j’imaginais sur la route, je ne l’aurais jamais cru.
Et pourtant, mon chemin m’a très vite conduit vers le haut.
Votre coéquipier en sélection et en club Timothé Rupil, 18 ans, peut-il suivre le même chemin ?
J’espère! J’ai été content de le voir avec nous en début de saison, mais là, il revient de blessure. Le reverra-t-on avec nous d’ici à la fin de saison? Je ne sais pas, mais il ne doit surtout pas stresser.
Je n’en suis pas encore à pouvoir m’asseoir à un piano dans le lobby d’un hôtel et à me mettre à jouer. Ce sera un long chemin
Avez-vous vu le discours des supporters de Mayence évoluer sur le Luxembourg ?
Pas qu’à Mayence. Mais ça continue de m’énerver quand j’entends des gens qui me disent qu’avant on prenait 6-0 et que maintenant, on est « tout proches« …
Non, on n’est pas « tout proches« : on a montré qu’on pouvait être au même niveau que tout le monde et on n’a pas encore le respect qu’on mérite. Mais certains sont simplement fiers de nous et me le disent. Ça, ça me donne de la force.
Que doit viser Mayence en cette deuxième partie de saison? Vous imaginez-vous pouvoir aller tutoyer les places qualificatives pour la Conference League ?
On s’est rendu compte, sur les deux derniers matches, qu’on devait respecter les bases à 100 %. Actuellement, on travaille pour revenir à une certaine rigueur. Si on le fait, tout le monde a du mal contre nous. Alors c’est ce qu’on se remet à travailler.
Quant à la Conference League… c’est dans un certain temps quand même. Moi, je pense au présent, pas au futur. On verra où on en sera au moment d’aborder les cinq derniers matches.
On vous y reverra avec les cheveux rouges, la couleur que vous arboriez en début de saison ?
(Il sourit) Ah ça, c’est arrivé pendant les vacances. Cela faisait un bout de temps que je voulais avoir les cheveux rouges, parce que c’est ma couleur préférée et que ça colle bien avec Mayence et la sélection.
J’aime jouer avec mes cheveux, mais là, je ne voulais pas continuer, cela n’avait plus rien de spécial. J’aime être innovant, donc quand j’aurai retrouvé une idée, je changerai.
En 2020, vous aviez commencé le piano quand vous alterniez séances d’entraînement et confinement. Vous continuez ?
Je n’ai pas encore trouvé le bon rythme pour ça. Il y a trop de matches. Je paie toujours l’application sur l’ordinateur, qui me permet de travailler les bases.
Je n’en suis pas encore à pouvoir m’asseoir à un piano dans le lobby d’un hôtel et à me mettre à jouer. Ce sera un long chemin, mais je ne vais pas lâcher l’affaire. Ce n’est pas mon genre.