Le meilleur buteur international de l’histoire des Roud Léiwen a averti le sélectionneur il y a peu.
Il fallait s’y attendre. À 33 ans, les chances pour qu’Aurélien Joachim finisse par dire stop à la sélection nationale étaient chaque mois un peu plus élevées. Et au terme d’une épidémie, d’un long confinement et d’une reprise qui se dessine après six mois d’interruption, le grand attaquant luxembourgeois de ce début de siècle, celui qui aura marqué de son empreinte la reconquête d’un statut international décent pour le Grand-Duché, a fini par décrocher son téléphone pour mettre Luc Holtz devant la réalité de son âge.
Le sélectionneur n’a pas caché la réalité de cette conversation et s’est contenté d’en prendre acte : «Il ne veut pas continuer, effectivement. Il y a de fortes chances que sa carrière internationale soit terminée. Je vais encore essayer de le voir pour en discuter mais la question devrait plutôt être de lui trouver un dernier match pour faire ses adieux, ce qu’on lui doit. Son corps lui envoie certains signaux et Auré m’a dit qu’il voyait de plus en plus que l’équipe était en place et qu’il est temps de laisser la place aux jeunes.»
Il restera sur 14 buts et c’est déjà énorme
Le rappel au corps, pour ce grand gaillard d’1,85 m aux qualités physiques longtemps hors norme, n’est pas anecdotique. Il est même assez douloureux pour cette force de la nature qui a commencé sa carrière sous le maillot national en en faisant parfois des caisses seul en pointe, à accumuler les bornes comme un damné.
Le malheureux a multiplié les pépins physiques ces dernières années et encore en début de saison passée, Dino Toppmöller, qui venait de reprendre Virton, doutait ostensiblement de sa capacité à se remettre dans le rythme du monde pro après cette cascade de blessures successives, notamment à la cheville. C’est aussi ce qui a encouragé Joachim à revenir à Differdange, le club qui l’a vraiment lancé, pour changer de cap et commencer à combiner football et vie professionnelle.
La DN est sans doute loin d’en avoir fini avec lui. Mais c’est la fin d’une carrière internationale de quinze ans riche de 79 sélections et 14 buts. Si Leon Mart (16) et Gusty Kemp (15) en comptent officiellement plus que lui, les deux hommes – comme bon nombre de ceux qui gravitent au sommet de la hiérarchie des meilleurs artilleurs de l’histoire – en ont inscrit beaucoup contre des équipes B. C’est quand même deux fois plus que Louis Pilot, six de plus que Roby Langers ou Camille Dimmer. Cinq de plus que Nico Braun… Joachim est donc, et de loin, le plus prolifique de tous. Une référence du nouveau siècle.
Convoqué pour la première fois en septembre 2005 pour un déplacement au Liechtenstein, expulsé après un peu moins d’une heure de jeu ce jour-là, il n’avait pas attendu longtemps avant d’ouvrir son compteur-buts, en février 2007, contre la Gambie. Après ça, souvent, quand Joachim marquait, le Luxembourg prenait des points. Il était le déclencheur et, longtemps, l’alpha et l’omega de l’offre offensive du pays, que ce soit sous Guy Hellers ou sous Luc Holtz.
Son but de Genk marquera l’histoire
Il laissera en tout cas en mémoire un passage décisif dans cette équipe, marqué notamment par ce moment de grâce absolu à Genk, contre la Belgique, en mai 2014. Au cours de cette défaite 5-1 contre les Diables Rouges, il était parvenu à inscrire un but d’anthologie sur une relance au pied d’Anthony Moris. En appui sur Vermaelen, il s’était fendu d’un contrôle orienté, avait pivoté et déclenché du gauche, de trente mètres, pour égaliser le long du poteau, laissant Courtois médusé. Ce jour-là, tout le monde avait parlé d’un but de classe mondiale. Il aurait pu lui ouvrir d’autres portes mais il faut s’y résoudre : Joachim a offert plus de choses à la sélection qu’elle ne lui a donné. Même son départ en pros, il le doit à ses exploits à répétition avec le F91, lors de la campagne d’Europa League de 2012.
C’est, doucement, peut-être la fin d’une époque qu’incarnent ou incarnaient des garçons comme Aurélien Joachim, Dan Da Mota ou Mario Mutsch. Une génération qui a réconcilié le pays avec son football de sélection en lui offrant, de nouveau, des résultats d’abord et un peu de jeu ensuite. Celle qui suit est remplie d’ambitions mais les trentenaires qui restaient partent les uns après les autres avec le sentiment évident du devoir accompli. Mutsch a passé le cap des 100 sélections avant de raccrocher. Da Mota, mis sur la touche au RFCU (dans l’optique de son procès en raison du fait divers qui l’occupe depuis plus d’un an et qui avait donné lieu à un bref placement en détention ?), pourrait devoir dire stop par défaut, malgré son envie intacte de continuer l’aventure. Joachim était l’un des derniers Mohicans. Mais sans doute le plus marquant. Un gars qui accepte de porter le numéro 13 sur un terrain mérite de toute façon tout le respect du monde.
Julien Mollereau