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[Football] Allemagne : Jupp Heynckes, l’anti-star


(Photo : AFP)

En janvier 2007, il quitte Mönchengladbach pour mauvais résultats en laissant sa voiture de service lavée, le réservoir plein, devant le siège du club. Jupp Heynckes, c’est l’anti-Mourinho: ni bling-bling ni esclandre en dépit d’un gros CV, comme joueur puis coach.

C’est l’histoire d’un homme longtemps mésestimé. Ce buteur aux cheveux longs est un peu passé aux oubliettes de l’histoire, éclipsé par la génération dorée des Gerd Müller, Franz Beckenbauer et autre Günter Netzer. Mais il fut pourtant lui aussi champion d’Europe 1972 et du monde 1974, et fer de lance de l’attaque du grand Borussia Mönchengladbach, quatre fois champion d’Allemagne dans les années 1970.

Sa carrière d’entraîneur a mis du temps à décoller, au long d’une trajectoire sinueuse qui trois fois déjà, en trois décennies, lui a permis de s’asseoir sur le banc du « Rekordmeister ». Et à 72 ans, le Bayern a encore rappelé le coach aux deux Ligues des champions (avec le Real Madrid et Munich) pour le sortir de l’ornière.

La première fois, c’était en 1987. Champion d’Allemagne deux fois consécutivement (1989 et 1990), il est pourtant évincé le 8 octobre 1991, après quatre matches consécutifs sans victoire. Dans toute l’histoire du Bayern, seul Ancelotti a été limogé encore plus tôt dans la saison!

Fidèle à Hoeness

Uli Hoeness, à l’époque tout puissant président du club, a admis depuis qu’il avait pris « la plus mauvaise décision de sa carrière ». Mais les deux hommes sont restés très liés. Lorsqu’il est sorti de prison — deux ans pour fraude fiscale — Hoeness a publiquement remercié son ancien entraîneur, neuvième d’une famille modeste de 10 enfants: « Dans cette période difficile de ma vie, tu es resté à mes côtés, solide comme un roc ».

Après sa première période bavaroise, commence pour Heynckes un long périple qui va le mener dans sept clubs différents en Allemagne, en Espagne et au Portugal. Mais son armoire à trophées ne se remplit guère, et sa réputation reste celle d’un honnête technicien, apprécié pour ses qualités humaines, mais manquant du « coup de main » magique qui fait les grands entraîneurs.

Avec le Real Madrid de Christian Karambeu et Raul, avant l’ère des Galactiques, il décroche pourtant en 1998 le Graal des entraîneurs, la Ligue des champions. Mais malgré ce titre prestigieux, l’expérience avec la « Maison Blanche » tourne court à la fin de la saison, avec une décevante quatrième place en Liga. Benfica, Bilbao, Schalke, Mönchengladbach seront ses étapes suivantes, avec des résultats toujours modestes. Avec ensuite une longue pause pour soigner son épouse, atteinte d’un cancer.

En fil rouge, des commentaires peu amènes accompagnent son parcours. En 2004, Rudi Assauer, manager de Schalke, le tacle ainsi après son renvoi du club de la Ruhr: « Jupp est un footballeur de la vieille école ».

En janvier 2007, nouvel échec à Mönchengladbach. Il va rester plus de deux ans sans engagement. Appelé au secours par le Bayern, il accepte en avril 2009 sa première mission de « pompier », pour remplacer au pied levé Jürgen Klinsmann, éjecté à cinq matches de la fin du championnat. Son bref passage permet aux Bavarois d’accrocher une deuxième place en Bundesliga qualificative pour la Ligue des champions.

Remarques assassines

Mais les dirigeants du club ne lui proposent pas de prolonger, et choisissent à l’époque de confier les clés à Louis Van Gaal. Heynckes part entraîner Leverkusen. Le Bayern a-t-il commis une autre erreur? Van Gaal est limogé avant la fin de sa deuxième saison et remplacé pour quelques semaines par Andries Jonker, considéré comme un intérimaire.

Et Heynckes signe en 2011 avec Munich pour deux saisons. Là encore, il a droit aux remarques assassines, comme ces journalistes qui prétendent en avril 2013 qu’il a pris des conseils auprès de Pep Guardiola sur Barcelone, adversaire en demi-finale de Ligue des champions.

« Un peu de respect pour moi et mon travail. Je n’ai encore jamais consulté quelqu’un pour un conseil », répond le coach à la coupe en brosse. Et c’est en feu d’artifice que s’achève sa saison avec le triplé historique de 2013 championnat, coupe, Ligue des champions, le tout premier (et à ce jour le seul) triplé de l’histoire du football professionnel allemand.

Il annonce alors à 68 ans qu’il prend sa retraite, et se retire dans sa maison du Bas-Rhin, entre Mönchengladbach et la frontière néerlandaise. Lundi, il retrouvera les terrains du Bayern.

Le Quotidien / AFP