Installé dans la banlieue de Nancy, dans l’incapacité de se rapprocher du Luxembourg, le courageux attaquant, pour enchaîner les passements de jambes chaque week-end, doit surtout empiler les kilomètres en semaine. Nouvelle voiture, playlist aux petits oignons, kiné, il a ses méthodes…
Il a essayé de travailler en intérim fut un temps. Ça n’allait pas : en sortant du boulot, il lui fallait encore monter dans son Audi A3, s’empiffrer 1h15 de voiture pour aller taper le ballon à Hostert en sachant qu’il y aurait le retour derrière. Et Niederanven – Jarville (dans la banlieue de Nancy), ça fatigue autant qu’une séance d’entraînement.
Deux saisons maintenant qu’Achraf Drif vit à ce rythme un peu surhumain qui ne l’a pas empêché d’être l’un des tout meilleurs joueurs de PH. Du genre de ceux qu’on attend avec impatience à l’étage supérieur.
Vendredi soir, contre la meilleure équipe du pays, le F91, il n’a pas déçu. Avec notamment un superbe but en demi-volée et quelques inspirations bien senties qui ont ébranlé ce routinier qu’est Clayton Moreira de Sousa, contraint, en fin de rencontre, de mettre les mêmes tampons que ceux que les défenseurs de PH avaient coutume de lui imposer ces deux dernières années. Ce qui l’énervait : «Je veux bien que mon style ne plaise pas trop aux défenseurs mais avec eux, si le ballon passe, le joueur reste sur place. À la fin, ça devenait lourd.»
Pas autant que le trajet quotidien. Enfin, cinq fois par semaine. Soit 135 kilomètres aller, 270 retour, plus de 1 000 par semaine. Ce qui nécessite des concessions. Il a troqué l’Audi A3 pour le confort d’une Golf S boîte automatique qui lui a changé la vie dans les bouchons de fin d’après-midi au Grand-Duché. Il a appris presque par cœur le positionnement des radars sur la route («Euh attendez, il y en a quatre : Thionville, Mondelange, Pont-à-Mousson et… et un autre») ce qui est bien utile quand on «gagne » 15 minutes sur le temps de parcours théorique («Oui, j’avoue, tard le soir, quand il n’y a personne sur la route, je monte un tout petit peu, entre 120 et 140 km/h, mais je n’ai jamais pris la moindre amende»). Et puis il va chez le kiné. Beaucoup. «Je me suis fait faire des bas de contention sur mesure et je fais des séances presque tous les après-midis pour mon dos.»
Rap US et raï marocain
S’il n’était pas aussi bon sur le terrain, ce rythme de vie justifierait à lui seul qu’il soit l’un des plus hauts salaires du club. Il faut la payer, l’essence. Et l’entretenir, cette Golf S boîte automatique. Le covoiturage avec Thomas Battaglia et Guillaume Mura, qu’il passe parfois prendre à Metz, a allégé la pression sur son portefeuille et sauvé de l’ennui que la playlist de rap US et français ou de raï marocain ne suffit pas toujours à enrayer. «Ça fait du bien de parler un peu. Sinon, ce ne serait pas possible.»
En deux saisons, Drif a bien pensé à déménager. Mais il y a un hic : s’il vit du football, il n’est pas un salarié du ballon rond. Il n’a donc aucune fiche de paie à produire à d’éventuels propriétaires désireux de louer leur bien immobilier à l’un des techniciens les plus excitants de la nouvelle saison de BGL Ligue. Et quand il a sollicité l’US Hostert pour se porter caution, c’était à un moment flottant de leur collaboration.
Allez savoir, la question se reposera peut-être l’été prochain, si son contrat est prolongé, c’est-à-dire si aucun gros club ne chercher à réaliser une OPA sur le garçon. Et on a hâte de voir ce que donnerait un Achraf Drif débarrassé du souci d’avoir à faire la route chaque jour. «Il y a des jours, quand je sais que je vais rentrer après 23 h, je n’ai pas envie de monter en voiture. Je me motive en pensant aux potes qui m’attendent et au ballon.» Ou alors, il reste s’entraîner à Lunéville, club de National 3, où il se frotte à l’ancien gardien de l’ASNL Gennaro Bracigliano. Ça aussi, ça fait voyager !
Julien Mollereau