Les clubs reprennent enfin l’entraînement collectif ce lundi. Mais dans quel état d’esprit et avec quelles perspectives ? Trois capitaines nous répondent.
Un seul match joué entre le 21 octobre et la fin d’année dernière, neuf journées de championnat disputées soit six de moins que ce qu’aurait dû être la phase aller de cette saison si particulière et des perspectives moyennement réjouissantes. Au même titre que leurs congénères, les clubs du top 3 de la BGL Ligue retrouvent l’entraînement en groupe ce soir. Nous sommes allé trouver leurs capitaines respectifs (Mehdi Kirch au F91, Julien Klein au Fola et Geoffrey Franzoni à Differdange) pour constater qu’ils ont tous de sacrées questions en tête.
Vous sentez-vous encore footballeur en ce début d’année 2021, alors que vous n’avez, tous, joué qu’une grosse quinzaine de matches officiels en 2020 ?
Mehdi Kirch (F91) : Oui mais il est certain qu’il va y avoir du déchet pendant les premières séances. Je ne me fais pas trop de souci de ce point de vue. Mais pour le corps, de sans cesse s’arrêter, reprendre, s’arrêter, reprendre, ce n’est pas bon…
Julien Klein (Fola) : C’est compliqué puisque ces derniers mois, c’est plus de l’athlétisme qu’on a fait. On n’a plus l’habitude ni des duels ni de l’intensité. Avec le préparateur physique, on travaille la muscu pour être costaud et résister aux duels, mais c’est déjà une certitude, il y a des chocs qui vont faire plus mal que d’habitude.
Geoffrey Franzoni (Differdange) : Finalement, la trêve hivernale qu’on a d’habitude est plus longue que le temps durant lequel on est restés arrêtés. Mais on n’a plus touché le ballon depuis fin novembre, et ça c’est long. Je pense aussi que pour certains, les blessures risquent de s’enchaîner. Moi, ça m’aurait plu qu’on passe aux cinq changements. Tout le monde le fait, pourquoi pas nous?
Le Covid nouvelle version arrive lentement en provenance d’Angleterre. Pas plus méchant apparemment, mais plus transmissible. Avez-vous peur qu’on n’arrive pas à finir cette saison ?
G. F. : Surtout qu’il va aussi y avoir le contrecoup des fêtes de fin d’année. Les contaminations vont forcément repartir prochainement à la hausse. Moi, j’ai l’impression qu’on va se retrouver dans une configuration où chaque match pourrait bien être le dernier. Il suffirait d’en perdre un ou deux au mauvais moment pour planter toute la saison. Alors il vaudra mieux les jouer à fond parce que perdre une place juste avant qu’on interrompe de nouveau le championnat et peut-être même qu’on désigne le champion et les européens, ce serait dur…
M. K. : Honnêtement, je pense moi aussi que cela sera très compliqué. On a déjà dû stopper la Coupe, et la météo va se dégrader. Pas mal de clubs, nous y compris, ont des matches en retard. Il suffit d’un report pour se dire qu’il sera difficile de retrouver une date pour le jouer.
J. K. : On aimerait bien aller au bout, mais on ne peut pas se mettre dans une bulle non plus. On est tributaires des décisions du gouvernement et là ça change tous les jours. On n’est pas naïfs : certains commerces restent fermés, les restaurants aussi, alors nous… En même temps, je trouve qu’il y a un sacré acharnement contre le sport. On peut mettre 3 000 personnes ensemble à faire leurs courses dans un centre commercial, mais mettre dix joueurs sur un terrain, visiblement, ça leur pose problème.
L’arrivée des tests, c’est quelque chose que vous guettiez depuis longtemps ?
M. K. : Je me souviens avoir eu ce discours juste avant notre dernier match : je ne comprenais pas pourquoi on ne se faisait pas tester une fois par semaine. Cette nouvelle, c’est une très bonne chose parce que même si les tests antigéniques sont un peu moins fiables, cela nous permettra de mettre en quarantaine les joueurs qui doivent l’être pendant que les autres joueront. Et pas de mettre tout un club à l’arrêt comme c’était le cas avant.
J. K. : Les tests, cela n’avait pas de sens quand seuls quelques clubs les faisaient. Si tout le monde doit s’y mettre, alors là, oui… Au moins, on en aurait fini avec la politique de l’autruche. Reste à définir la logistique et ça, c’est un sacré boulot.
G. F. : C’était important parce que qui dit test, dit possibilité de jouer. Comme dans les grands championnats, quoi. Maintenant, il restera un souci : tu fais comment quand il commence à y avoir quatre ou cinq positifs dans une équipe? La FLF n’a encore rien dit là-dessus ? Cela reste du cas par cas ?
On a tous dû subir une baisse de salaire, ces efforts, tout le monde les a faits
À quel point avez-vous été impactés, tous, financièrement parlant, par le coronavirus et les efforts qu’il nécessite de la part des clubs ?
G. F. : On a tous dû subir une baisse de salaire. Ces efforts, tout le monde les a faits. Mais depuis cet été, le club a été „super réglo“. On a été touchés au tout début du coronavirus, mais depuis, ça va. Mais avec la perte de la billetterie et de la buvette, je crois que le Luxembourg a bien perdu en attractivité.
M. K. : C’est surtout dans les primes de match qu’on le sent passer. Mais cette saison, c’est le président et le directeur sportif qui sont venus nous demander si on pouvait faire un effort de seulement 10 % et nous, les joueurs, on a donné notre accord par solidarité. C’est totalement différent du début d’année dernière, quand on nous a supprimé d’office 30 % de notre salaire le premier mois puis 50 % les deux suivants. La démarche n’est pas la même. D’autant que nos salaires avaient repris un niveau normal avant la reprise de la nouvelle saison.
J. K. : Nous, on avait déjà dû faire des efforts quand Gérard Lopez était parti. Et le club s’est bien restructuré, on ne nous a pas demandé d’effort supplémentaire. Mais je me doute que le Covid, cela a fait beaucoup de mal au pays pour l’attractivité. Pour des clubs comme le Progrès, qui allait parfois chercher des joueurs de Ligue 2, cela va devenir plus difficile.
À quoi les prochains mois vont-ils ressembler ?
J. K. : Bon, nous, on a l’habitude de ne pas jouer devant beaucoup de public… Mais être là, reprendre, sans savoir si on pourra aller au bout… On va peut-être refaire toute une préparation alors qu’on n’est pas sûrs de pouvoir reprendre début février. C’est usant toutes ces échéances et cette vie de vestiaire qui n’en est plus une. G. F. : On va avoir l’impression qu’on va disputer des matches amicaux, en milieu de semaine. Psychologiquement, c’est difficile. Vous savez, moi, il y a des coéquipiers que je n’ai carrément plus revus depuis deux mois. Ce n’est pas que je n’ai pas joué avec eux, c’est juste que je ne les ai plus revus, tout simplement. Il va falloir se retrouver…
M. K. : On va tous repartir de zéro. Certains étaient sur une bonne dynamique et c’est passé. D’autres n’y étaient pas et vont revenir forts. Il va y avoir de sacrés changements même si au F91, on partira avec un tout petit avantage.
Julien Mollereau