Jill De Bruyne, membre de la sélection nationale dames, est très excitée avant le tirage au sort des éliminatoires du Mondial-2023, auquel la FLF participe ce vendredi pour la première fois de son histoire.
La capitaine d’Ell, avec qui elle pèse 22 buts en 15 matches de championnat cette saison (alors qu’elle joue plutôt derrière en sélection), est ce qu’on appelle une joueuse expérimentée au regard de l’âge moyen de la sélection nationale actuelle. Mais les dates de naissance ne pèseront plus rien, en début d’après-midi, au moment où l’UEFA procèdera au tirage au sort des éliminatoires du Mondial-2023 : une même excitation agitera l’ensemble de ces pionnières puisque c’est la première fois que la FLF entrera dans l’aventure sans tour préliminaire de quelque nature que ce soit, et qu’elle pourrait très bien s’y trouver confrontée à l’Allemagne, aux Pays-Bas, à la France, à l’Angleterre ou la Suède. Jill De Bruyne nous a expliqué comment elle allait vivre ce moment historique.
Comment avez-vous réagi quand on vous a annoncé que la FLF vous inscrivait à ces éliminatoires, quinze ans après le premier match international amical pour les dames du pays?
Jill De Bruyne : Le coach (NDLR : Dan Santos) est venu nous dire que c’était à l’étude mais que ce n’était pas encore certain, qu’il fallait un projet clair qui démontrait pourquoi cela avait un sens de jouer cette qualification. Alors forcément, dans l’équipe, tout le monde attendait la réponse avec impatience. Ça a duré un ou deux mois. Et après, on joue contre le Liechtenstein (NDLR : victoire 2-1) et on se retrouve sous pression parce qu’on nous dit : « À vous de montrer de quoi vous êtes capables. » Et comme c’est un beau projet, on ne pouvait pas se permettre de perdre contre un pays moins grand que le Luxembourg…
Depuis l’annonce, avez-vous rencontré plus de personnes enthousiasmées par cette aventure ou rabat-joie qui vous disent que vous allez souffrir?
Moitié-moitié. Certains sont conscients qu’il nous faut ces matches pour apprendre. Il y en a d’autres, quand ils ont vu la première mi-temps contre le Liechtenstein, qui n’était pas bonne, qui nous ont directement dit : « Ouh là là, si vous jouez déjà comme ça contre le Liechtenstein, ça va être difficile… » Mais globalement, dans le football féminin luxembourgeois, je dirais que tout le monde est assez content.
Dan Santos a déjà prévenu qu’il y aurait peut-être des moments très compliqués, mais qu’il vous estime prêtes.
Cette aventure, il faut la commencer. Ce serait dommage de l’entamer plus tard. Nous possédons une équipe jeune et il ne faut pas perdre de temps et emmagasiner de l’expérience tout de suite. Mais c’est aussi pour ça que ce serait bien de garder ce groupe ensemble, pour que cet apprentissage dure et qu’on ne soit pas obligées de recommencer de zéro dans quelques années.
Avez-vous l’impression de faire des jalouses parmi les joueuses de Ligue 1 non sélectionnées et qui ne vont pas connaître cette première historique à partir de septembre prochain?
Quand on regarde cette équipe nationale, on se rend compte qu’il commence à y avoir des joueuses qui évoluent à l’étranger. Le niveau monte. À celles qui veulent postuler de se montrer en championnat! Il faut s’y mettre!
Le tirage de ce vendredi, comment allez-vous le vivre?
Je suis curieuse. On attend toutes ça, cela va être inoubliable. Ce sera un grand moment pour le pays. Même pour moi, qui compte parmi les plus expérimentées, c’est tout nouveau. Alors je suis impatiente. À 13 h 30, je serai au boulot, dans mon centre de rééducation (NDLR : elle est ergothérapeute), mais je vais essayer de m’isoler dans un bureau pendant une petite demi-heure. De toute façon, tout le monde comprendra au boulot : ils sont au courant, je n’arrête pas d’en parler…
Pour les éliminatoires, c’est bon, on aura les congés sportifs. C’était important
Quel serait votre équipe de rêve pour cette grande première?
Le pot 1 est très très chaud. Tout le monde y est hyper dangereux. Moi qui aime le football athlétique, j’aimerais bien rencontrer la Suède. Et puisque mes deux parents sont belges, j’aimerais bien les affronter, pour jouer Tessa Wullaert (NDLR : ancienne joueuse de Wolfsburg et Manchester City). Après, lors du déplacement au Liechtenstein pour notre match amical, tout le monde parlait un peu du groupe de ses rêves, et je ne vous cache pas qu’avec toutes les joueuses d’origine portugaise que nous avons, le Portugal revenait souvent dans les souhaits (elle rit).
Le risque de prendre un gros éclat existe…
On a bien travaillé, on peut aussi faire de belles choses. On a joué l’année passée contre la Bulgarie ou l’Estonie, qui sont juste au-dessus de nous et on n’a perdu que 3 ou 4-1. Et on a progressé depuis! Mais oui, on peut aussi avoir des jours sans et c’est pour cela qu’avoir quelques joueuses expérimentées peut aider. L’encadrement aussi, sera important, d’autant qu’il est question d’y adjoindre un préparateur mental.
C’est le début d’un très long chemin. Vous imaginez-vous en arriver un jour à ce que sont en train de produire vos homologues masculins?
Ils en étaient exactement là, il y a vingt ans. Nous aussi, on va progresser petit à petit, au fur et à mesure que des joueuses partiront à l’étranger. Les jeunes se bougent. On va suivre le même chemin. Surtout que l’un de nos gros problèmes, c’était les congés sportifs. Je ne veux pas et je ne peux pas prendre tous mes congés personnels pour faire les stages. On nous a indiqué que ça y est, pour ces matches éliminatoires, on les aurait. C’était important pour avoir l’assurance de ne pas perdre de joueuses en cours de route.
Entretien avec Julien Mollereau