Henri Roemer, l’ancien président de la FLF, a passé cinq ans, entre 2001 et 2006, à la commission juridique de la FIFA. Et ne regrette pas d’avoir pris ses distances.
Il nous a notamment raconté comment un rapport de 100 pages qu’il avait rédigé à la demande du comité exécutif de l’UEFA, avait trouvé porte close à la FIFA.
Quel est votre ressenti sur la situation actuelle à la FIFA ?
Henri Roemer : Mon ressenti, c’est que ce n’est pas une bonne chose pour le football. Il y a de ça dix ans, j’avais réalisé une étude d’une centaine de pages sur la corruption dans le football. J’avais même donné des conférences, jusqu’au Guatemala. C’était un instrument qui émettait un certain nombre de propositions. Malheureusement, certains ont estimé qu’il n’était pas encore temps de les mettre en œuvre. La FIFA, de son côté, a aussi dit que c’était « trop tôt »…
Ç’aurait été contre-productif pour son comité exécutif ?
Ou peut-être que Blatter n’a pas eu la majorité…
Vous faites partie de ceux que le grand déballage de ces deux dernières semaines n’a pas refroidi vis-à-vis du président démissionnaire de la FIFA ?
Moi, je navigue contre le courant. Et je dis que Blatter a fait beaucoup de bonnes choses pour le football. Tant que personne ne me prouve qu’il a lui-même commis des fautes personnelles. À mon avis, tout le comité exécutif aurait dû démissionner en même temps que lui la semaine dernière. Parce que les décisions qui ont été prises ne l’ont pas été par lui, mais par plusieurs personnes.
Mais toutes ces révélations sont quand même bien embarrassantes pour lui.
Des révélations? Mais tout le monde était déjà au courant. Tout le monde savait que c’étaient des escrocs, les Glazer, Warner… C’était connu! Tous ceux qui étaient au courant de comment cela se passait à la FIFA savaient. À part cette histoire avec l’Afrique du Sud (NDLR : qui aurait versé 10 millions au titre de solidarité panafricaine), qui l’était peut-être un peu moins.
Quelle était l’ambiance dans les couloirs, vis-à-vis des Chuck Glazer ou Jack Warner, aujourd’hui au cœur du cyclone ?
Mon successeur à la FLF (NDLR : Paul Philipp) ne peut pas prétendre qu’il ne les connaît pas en tout cas : tout le monde les a fréquentés dans les couloirs de l’instance. Tout le monde savait qu’ils étaient corrompus. Seulement, il fallait laisser le temps à la justice de rassembler les preuves, de trouver les témoins. Parce que vous savez, quand il y a du feu, il y a souvent de la fumée… mais pas toujours. Rien que les aveux de Glazer, c’est bien beau mais la parole d’un escroc, il faut la vérifier.
Mais vous comprenez que tout cela déteigne forcément de manière très négative sur la FIFA et son image ?
Mais quand la FIFA donne 1 ou 2 millions à chaque fédération pour développer son football et que certains détournent cet argent, ce n’est pas de la faute de la FIFA.
Non, mais elle pourrait mieux contrôler la destination des fonds.
Effectivement, elle aurait dû mettre en place des systèmes de prévention.
Voire faire le ménage plus tôt parmi ses cadres ?
Vous savez, quand une association régionale en Afrique ou Amérique vous envoie une personne élue, vous ne pouvez pas lui dire non. C’est comme à l’ONU, il y a des gens honnêtes et d’autres qui le sont un peu moins. Peut-être faudrait-il changer la nomination. En tout cas, je suis content d’avoir pris mes distances! Il est cependant urgent que la FIFA se réforme, sinon elle explose. Et pour ça, il va falloir trouver un président au-dessus de tout soupçon et qui ait de l’autorité.
Michel Platini l’est-il, dans un sens ou dans l’autre ?
Platini aurait été le président le plus logique s’il avait démissionné du comité exécutif de la FIFA en même temps que Blatter. Et puis, pour mémoire, Platini a voté pour le Qatar. Pas Blatter. Le prince Ali aurait pu être crédible s’il avait atteint au moins 100 voix lors de l’élection (NDLR : le 29 mai) et Figo n’a pas l’autorité nécessaire. Mais moi, je me demande si un triumvirat ne serait pas une bonne idée. Un gestionnaire, un réformateur et un diplomate. Et un de leur boulot pourrait être de trouver une alternative à l’actuel mode de désignation des membres du comité exécutif.
Sepp Blatter a dit vouloir initier des réformes…
Je lui avais rédigé une lettre avec des propositions, juste avant qu’il ne démissionne. Là, ça m’étonnerait qu’il ait encore la poigne pour le faire…
Julien Mollereau