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Fifa : Blatter lâché par tous et ciblé par la justice


Une enquête du FBI viserait directement Sepp Blatter (photo AP).

Au lendemain de sa démission qui a ouvert un immense chantier à la Fifa, Joseph Blatter a semblé seul ce mercredi, lâché par les politiques et les sportifs qui réclament de profonds changements, et ciblé par la justice américaine.

Blatter, 79 ans dont près de 40 à la Fifa, a renoncé mardi à sa charge, à peine quatre jours après avoir été réélu pour un cinquième mandat. Selon lui, « ce mandat n’avait pas le soutien de l’intégralité du monde du football ». De fait, le Suisse a été lâché par à peu près tous les acteurs et observateurs du monde du football et la bataille pour sa succession est déjà ouverte, dans l’optique du Congrès extraordinaire prévu à Zurich entre décembre 2015 et mars 2016.

Ce mercredi, M. Blatter a ainsi subi un vrai camouflet, décrété persona non grata dans un tournoi dont il a la responsabilité: les organisateurs du Mondial des moins de 20 ans en Nouvelle-Zélande ont, en effet, annoncé qu’ils ne souhaitaient pas sa présence alors qu’il devait assister à la finale le 20 juin.

Plus largement, la presse, les institutions et bon nombre de responsables du football se satisfont de son départ. La Commission européenne a ainsi appelé à « un changement fondamental » au sein de la Fifa, estimant que la démission de Blatter représentait seulement « une étape dans un long processus qui devra suivre pour restaurer la confiance ». La chancelière allemande Angela Merkel a elle estimé que ce départ allait permettre « plus de transparence ».

« Inhabituellement intelligent »

Dès mardi, le président de l’UEFA Michel Platini avait salué « la bonne décision ». Son prédécesseur, le Suédois Lennart Johansson, candidat malheureux face à Blatter en 1998, y est allé plus fort: « C’est inhabituellement intelligent de sa part ».

La Confédération africaine (CAF), traditionnel soutien de Blatter, a été plus mesurée. Elle a pris « acte » de sa démission et a dit « soutenir les réformes allant dans le sens de la consolidation d’une Fifa qui sera acceptée par tous ». Plusieurs sponsors -Coca-Cola, Adidas, Visa, McDonald’s et Hyundai- ont pour leur part salué « un pas dans la bonne direction » pour restaurer une confiance ébranlée.

Au bout du compte, le dernier soutien de Blatter semble bien être la Fifa elle-même. Selon un porte-parole de l’instance, les quelque 400 membres du personnel devant lesquels Blatter a tenu un discours mercredi matin l’ont ainsi longuement applaudi. Ce soutien ne sera pas de trop pour celui que beaucoup pensaient insubmersible car, selon des médias américains, il est désormais clairement dans le collimateur de la justice américaine.

Pour le New York Times, les autorités « espèrent obtenir la coopération de certains des responsables de la Fifa inculpés » pour corruption pour resserrer l’étau autour de lui. La chaîne ABC News fait également état d’une enquête du FBI visant directement Blatter, en citant des responsables anonymes des forces de l’ordre et des sources proches du dossier.

Et mercredi, Interpol a émis à la demande des autorités américaines six notices rouges (avis de recherche internationaux et/ou demandes d’arrestation à des fins d’extradition) visant notamment deux ex-responsables de la Fifa: le Trinidadien Jack Warner, ancien vice-président de l’instance, et le Paraguayen Nicolas Leoz, ancien membre du comité exécutif.

Valcke : « aucun reproche »

Et pendant que les procédures se poursuivent, il est déjà question de savoir qui prendra la suite de celui qui dirigeait la maison-mère du football mondial depuis 17 ans. L’équipe du prince jordanien Ali Bin Hussein, qui avait poussé Blatter au deuxième tour vendredi avant de se retirer, a assuré qu’il était « prêt à prendre la tête de la Fifa à tout moment, si on lui demande ». L’ancien international brésilien Zico et l’ex-vice président sud-coréen de la Fifa Chung Mong-joon s’interrogent également sur une possible candidature.

Les Européens auront aussi leur mot à dire, notamment leur président Michel Platini, 59 ans, qui a annoncé le report d’une réunion de l’UEFA prévue samedi à Berlin où les dirigeants européens devaient définir leurs relations futures avec la Fifa. L’ancien N.10 des Bleus semble avoir les clés, mais l’Europe n’a pas que des alliés sur la planète football et son soutien revendiqué à l’attribution au Qatar du Mondial-2022 pourrait être un gros caillou dans sa chaussure. Quels qu’ils soient, les candidats auront en tout cas un immense chantier à mener pour tenter de rétablir l’image de la richissime instance.

Secouée depuis des années par les scandales et les soupçons de corruption, puis frappée par la vague d’interpellations du 27 mai, la Fifa a en effet été sérieusement ébranlée par la révélation mardi par le New York Times de l’implication du Français Jérôme Valcke, secrétaire général et bras droit de Blatter, dans un versement de 10 millions de dollars sur des comptes gérés par Jack Warner, déjà inculpé par la justice américaine.

Valcke a assuré qu’il n’avait « aucun reproche » à se faire et resterait à son poste jusqu’à l’arrivée du prochain président, début 2016. L’Afrique du Sud, donatrice de ces 10 millions de dollars au football caribéen, a souligné avoir agi « en toute légalité » et s’est posée en « victime collatérale d’une bataille géopolitique » la dépassant. Mais la pression reste forte autour des Mondiaux-2018 et surtout 2022. La Fifa a toujours affirmé que ces deux Coupes du monde auraient lieu en Russie et au Qatar « aux dates prévues ».

Le Kremlin a indiqué mercredi poursuivre les préparatifs de son tournoi alors que le Qatar a souligné n’avoir rien à cacher concernant les conditions d’attribution du Mondial-2022. « Les récents événements à la Fifa n’auront aucun impact sur nos préparatifs », a ajouté le comité organisateur.

AFP