TOURNOI DE QUALIFICATION DE ZONE À DIFFERDANGE Flavio Giannotte s’est longuement confié avant de prendre part à l’un des tournois les plus importants de sa déjà longue et riche carrière.
C’est votre troisième TQO. Qu’est–ce que cela vous inspire?
Lors du premier, à Prague, j’étais un rookie et je me fais sortir au premier tour. Au deuxième, à Madrid, je suis fait battre par le futur vainqueur du tournoi. Le soir, il m’a dit que j’avais été son adversaire le plus compliqué et que je n’étais pas un cadeau à tirer.
Et cette année, c’est à la maison?
On m’a proposé de l’organiser au Luxembourg. Après y avoir réfléchi, je me suis dit que si tu veux réussir quelque chose que tu n’as jamais réussi, pourquoi ne pas tenter quelque chose que tu n’as jamais tenté. On sait qu’il n’y aura qu’un vainqueur, donc autant essayer le tout pour le tout.
Dans un endroit que vous connaissez bien?
Oui, puisque c’est l’école dans laquelle je travaille. Le TQO se déroule dans le gymnase où je travaille tous les jours. Je vais pouvoir installer mes affaires dans une salle. Venir sans sac d’escrime. J’espère que le public va se déplacer en masse pour me porter.
Avec mon classement mondial, dans un autre sport, je serais qualifié
Évoluer à la maison, ça motive ou ça met plus de pression?
La pression, tu te la mets, car tu crains de décevoir les autres. Maintenant, je sais que j’ai le niveau pour gagner. Et pour être aux JO. Avec mon classement mondial (NDLR : 47), dans une autre discipline, je serais qualifié pour les Jeux. Mais j’ai choisi un sport où ça ne marche pas comme cela. Je ne peux rien y changer. J’ai mis toutes les chances de mon côté. Après, tout se jouera sur des détails. « Inch’allah« comme on dit en arabe…
Comment jugez–vous votre saison jusqu’à présent?
J’ai fait un début exceptionnel avec des résultats à la hauteur de ce que je suis capable de faire. Et, à un moment donné, j’ai réalisé que je faisais partie des meilleurs Européens et que je pouvais peut-être me qualifier directement par le classement mondial (NDLR : à l’issue de la période de qualification, les deux meilleurs Européens au ranking mondial de nations pas encore qualifiées valident leur billet pour les JO). Ça a été mon erreur. Je me suis mis trop de pression. Je suis allé en tournoi trop stressé, en voulant trop bien faire et ça m’a joué des tours. C’est dommage. Après, cela ne change rien au niveau de la perception que j’ai de mon niveau.
Qu’avez-vous fait ces dernières semaines?
Après mon dernier tournoi à Tbilissi, je suis parti m’entraîner en Italie. Et là, je reviens d’une super semaine d’entraînement à Paris. Où j’ai pu tirer contre Yannick Borel (ex-n° 1 mondial, champion olympique par équipe et champion du monde), Romain Cannone (un de ses meilleurs potes, champion olympique), Paul Allègre, Alexandre Bardenet, un Australien et un mec de Taipei. C’était la meilleure séance d’assauts au monde. J’ai battu Romain, Borel, Bardenet. J’arrive à les battre. Romain est venu deux fois pour faire une revanche, mais il n’y arrivait pas. Bref, j’ai fait la meilleure préparation possible et les choses iront comme elles iront.
On est 10-15 à pouvoir gagner le tournoi
Dimanche, c’est le jour J. Comment faire pour performer?
Selon moi, cela dépend de trois choses. La première, c’est le mental. C’est un tournoi où on sait qu’il n’y en aura qu’un qui ira aux Jeux. Il faut avoir l’envie de gagner, mais pas la peur de perdre. Celui qui fera la différence, c’est celui qui veut gagner. Qui s’en fout de perdre. Mais qui fera tout pour aller au bout. Le deuxième point, c’est contre qui tu tombes. Il y a des mecs moins forts que toi, mais qui ne te conviennent pas, et d’autres plus forts que toi, mais qui n’aiment pas ton jeu. Et le troisième, c’est le facteur chance. La bonne touche au bon moment. Le truc qui va faire la grosse différence entre les 10-15 qui peuvent gagner le tournoi.
On comprend qu’il faut de la technique, du physique. Mais également du psychologique?
C’est un de mes grands regrets. Si je devais revenir en arrière, je ferais différemment. J’aurais pris un préparateur mental. Je fais beaucoup par moi-même et je ne peux pas gérer tout, tout seul. D’ailleurs, si je repars pour quatre ans, ce sera le point de travail sur lequel je me concentrerai.
Quel est le programme jusqu’au jour J?
Pas plus d’une ou deux leçons avec Maurice (NDLR : Pizay, son mentor et maître d’armes). Et sinon, rien du tout. Tout couper. Oublier l’escrime. Faire du padel, du vélo, du tennis… M’amuser. Ne pas avoir touché une épée pendant une semaine pour arriver avec l’envie de toucher. L’envie de gagner. Et la veille, je vais regarder une dizaine de mes matches clefs, où j’ai bien tiré. Où j’ai eu les sensations que je veux avoir dimanche.
Vous a-t-on donné des conseils?
Il y a quelques semaines, à Naples, j’ai participé à un gala all star. J’ai discuté avec Nikolai Novosjolov, un Estonien, double champion du monde qui a déjà gagné un TQO et qui a participé aux JO. Et avec Bas Verwijlen, un Néerlandais qui lui a fait quatre fois les Jeux sans passer par le TQO et qui était une de mes idoles quand j’étais jeune. Ils sont tout seuls comme moi. On vit des situations similaires. Ils m’ont expliqué la mentalité qu’il fallait avoir. Verwijlen m’a dit : «Tu y vas. Tu sais que la probabilité d’aller au bout n’est pas haute. Mais tu gagnes ton premier match. Ensuite, tu gagnes ton deuxième. Si tu perds le troisième, tu perds, c’est la vie. Et sinon, tu continues. Jusqu’au moment où tu ne peux plus, car tu as gagné le tournoi. Il ne faut pas penser à la fin.» Comme ce fut le cas à Budapest. Je mène, je n’ai plus qu’une touche à mettre, mais je me suis mis la pression au lieu de faire mon match. J’espère que tous ces détails vont m’aider.
Vous connaissez vos adversaires?
Oui. Je pense qu’il y a une dizaine de tireurs qui se présentent avec l’objectif de gagner. Et une chance de le faire. Dont moi. On ajoute à cela trois ou quatre qui vont avoir le jour de leur vie. Il faudra avoir le couteau entre les dents. Ça commence dès les poules où il faudra gagner au moins deux ou trois matches, ce sera l’une des tâches les plus difficiles. Cinq touches, ça va tellement vite, c’est tellement dense… Il faudra être prêt à 200 %, se battre pour chaque touche. Il y a sur le papier des mecs qui ne me conviennent pas. Comme le Portugais (NDLR : Miguel Frazao, contre qui il s’est incliné aux Jeux européens) ou encore le Néerlandais (NDLR : Tristan Tulen). Maintenant, eux aussi auront peur de moi si on vient à se rencontrer.
C’est vrai que si vous étiez italien, vous seriez assuré d’être aux JO?
Oui. Je serais quatrième Italien au classement mondial et j’irais avec l’équipe. C’est vrai que j’ai la double nationalité, mais cette éventualité n’a jamais été une option dans ma tête. J’ai grandi au Luxembourg, j’ai trouvé un travail, j’ai le soutien de mes employeurs, du COSL. Je n’aurais jamais pu avoir la vie que j’ai sans le Luxembourg.