Les trois organisateurs luxembourgeois d’épreuves internationales, toutes annulées, vivent un drôle d’hiver. Récit.
Vendredi dernier, le 1er janvier, Gilles Kneip, jeune président de l’UC Pétange, a vécu une drôle de journée. Une improbable entame d’année 2021. L’ancien coureur devenu dirigeant avait perdu l’habitude du cérémonial des vœux, des traditionnelles visites familiales. «Là, j’ai pu aller tranquillement rendre visite à mes grands-parents…», souffle-t-il, comme si un évènement extraordinaire était venu perturber ses habitudes. L’évènement peu ordinaire, c’est justement l’annulation du cyclo-cross international de Pétange pour cause de… crise sanitaire.
Pour beaucoup d’amoureux du cyclo-cross et plus largement, du cyclisme luxembourgeois, l’année n’a pas débuté comme les précédentes. Interdite cette balade au Hierschtbierg, où chaque année, on se souhaite la bonne année avec un «Alles Gudes» de bon aloi. Où il fait beau se réchauffer avec un vin chaud, avec vue imprenable sur la ligne d’arrivée et la butte technique qui suit et mène au «chantier» qu’est toujours ce cross ultra physique.
On ne manque pas d’y saluer le fidèle Jean Asselborn et le local Jean-Marie Halsdorf, chacun à leur place favorite, de la gauche à la droite de la… chaussée. Ou encore le président du COSL, André Hoffmann. Souvent également, son prédécesseur Marc Theisen. L’actuel président de la fédération luxembourgeoise, Camille Dahm. Son prédécesseur Jean Regenwetter… Où longtemps encore, au milieu de cette longue rue des Alliés, on faisait une halte chez Bim Diederich, décédé en 2012.
Le premier, il y a la course. Le deux, on démonte tout… Là, il n’y a rien eu !
Comme dans un flash, on revoit débouler tout sourire, le Duc de Grammont, coupe de champagne en main, pour une énième visite guidée de son garage, transformé en musée personnel. Depuis 1948, date de sa création, le cyclo-cross de Pétange est assurément un sacré rendez-vous. «Immanquable», diront les plus fidèles. «Me concernant, c’était un peu drôle, explique Gilles Kneip. Lorsqu’on organise notre cyclo-cross, tous les week-ends du mois de décembre sont pris pour préparer l’évènement. Le premier, il y a la course. Le deux, on démonte tout… Là, il n’y a rien eu !»
Le samedi 31 octobre dernier, c’est ce même vide, assez sidéral, qu’a ressenti Alain Conter. Le président de l’ACC Contern est resté affecté par cette annulation qui succédait à celles plus tôt, des Grand Prix Ostfenster et de la cyclosportive Charly-Gaul. Pour le cyclo-cross, la décision avait été prise le 6 octobre, ce qui laissait une marge de manœuvre. «Pour le Grand Prix Ostfenster à Bech (prévu le 22 mars 2020), nous avions dû annuler quelques jours seulement avant la course, dans la précipitation, puisque le confinement avait été décidé. C’est dur, le travail en amont avait été effectué avec les administrations, la police, les ponts et chaussées, les communes. On est forcément gêné, car on a alors le sentiment d’avoir fait travailler tout le monde pour rien», retient Alain Conter.
J’ai plus de temps, je me suis remis à rouler un peu plus sérieusement !
Seul point positif dans cette vacuité née de la pandémie, celui qui non seulement prenait un soin infini à peaufiner le cyclo-cross international de son club, mais qui ne manquait rien des autres rendez-vous locaux, voire flamands, a retrouvé du temps pour lui. Il s’en amuse même un peu : «J’ai plus de temps, je me suis remis à rouler un peu plus sérieusement !». Petite éclaircie dans un ciel constellé de mauvaises nouvelles. En veut-il aux mesures prises ? Lui pas plus que les autres présidents concernés. «Non, pas du tout. On est dérangés quelquefois de ce qu’on remarque comme inégalités entre pays frontaliers par exemple, pour le reste on sait bien que ce n’est pas le moment de polémiquer. On ne peut pas organiser et c’est assez normal de mon point de vue», tranche-t-il en président responsable.
Madame la présidente du club de l’endurance Leudelange, Claudine Conter, a pour sa part eu parfaitement le temps de se faire à l’idée que le 17 janvier prochain, le cyclo-cross international, traditionnellement dernière épreuve de la saison, passerait à la trappe. C’est même le premier club luxembourgeois qui a pris les devants. «Pour une fois, nous n’avons pas fait le tour de nos habituels sponsors, on leur a directement donné rendez-vous pour 2022.» Si son club s’est décidé si vite c’est aussi que faute de bénévoles, il fait appel à de la main-d’œuvre extérieure pour installer et démonter le site.
Pour la Coupe du monde à Namur, ça m’a fait plaisir de revenir dans le milieu
Lorsqu’on lui demande de se projeter au 17 janvier pour savoir ce qu’elle compte faire ce jour-là, Claudine Conter est forcément incapable de lire dans le marc de café. «Le 17, on avait pensé dans un premier temps procéder à notre assemblée générale, mais…» Tant de mais, si peu de certitude. Claudine Conter qui est également commissaire internationale, fut appelée le 20 décembre dernier, en tant que présidente du jury sur la manche de Coupe du monde à Namur. Comme une grande bouffée d’oxygène : «Sans public, l’ambiance était certes spéciale, mais cela m’a fait plaisir de revenir dans le milieu, de revoir les amis…»
Claudine Conter, qui était habituée à ne pas avoir un dimanche de libre, s’est découvert «le plaisir d’avoir des moments à soi et de pouvoir profiter de son foyer…» Toutefois, on sent bien que comme les deux autres présidents de clubs organisateurs de cyclo-cross internationaux, il lui brûle que l’activité revienne comme au monde d’avant.
La reprise du calendrier de route pourrait en tout cas aider Alain Conter, son collègue conternois. Pour l’heure, courant mars, le Grand Prix Ostfenster est de nouveau programmé en ouverture luxembourgeoise à Bech. «Pour l’heure seulement, car, reprend Alain Conter, on ne refera pas comme l’an passé, par simple respect de nos interlocuteurs : on ne va pas les faire travailler pour rien à nouveau si la situation est mauvaise. C’est fou, on n’aurait pas pu imaginer voici un an qu’on se retrouverait dans la même situation. Fin janvier, en fonction de la situation, on prendra une décision.»
Mais pas question de rester sur cette annulation, en ce qui concerne les cyclo-cross internationaux. Les trois présidents semblent bien d’accord là-dessus. «D’un point de vue financier, détaille encore Alain Conter, nous avons moins dépensé puisque nous n’avons pas organisé. Ce qu’on peut perdre, c’est juste un peu de notoriété. Ces annulations ne nous ont pas porté préjudice, c’est déjà ça. Et puis je sens que les gens du club sont surmotivés à l’idée de travailler à une organisation pour 2021.»
Même son de cloche chez Gilles Kneip. «On espère bien qu’on pourra à nouveau organiser notre cross pour le jour de l’an 2022. Pour cette annulation de l’édition 2021, nous n’avons pas perdu d’argent car nous étions préparés. Nous n’avions donc pas prévu de contrats pour les coureurs invités et si on avait pu organiser, pour une fois, nous n’aurions fait signer personne au préalable. Nous à l’UC Pétange, on finance notre cyclo-cross avec deux évènements, la cavalcade, qui n’aura pas lieu cette année et la randonnée, prévue en août. Si nous ne disposions pas de ces deux rentrées d’argent, on serait limités, même si le contrat de nos sponsors court encore pour quatre ans…»
Claudine Conter, elle aussi, veut se projeter vers l’avenir : «Il n’y a pas de raison qu’on ne le refasse pas.» Dans ce monde devenu un peu plus abrupt, voici le genre d’engagements qu’il fait manifestement bon entendre. Même lorsque les semaines et les mois passent, sans rien se mettre sous la dent…
Denis Bastien