Les trois grands favoris se sont battus avec vigueur sur les pavés des Flandres. Finalement, le plus rapide fut le Belge Wout van Aert, qui revenait de loin.
C’était une affiche de rêve. Ce fut une course de rêve. Comme bien souvent sur les classiques flandriennes. Comme bien souvent lorsque les cadors que sont Mathieu Van der Poel, Wout van Aert et Tadej Pogacar font la course. Et se font la course. D’ailleurs, ils font toujours la course. Et, par voie de conséquence directe, se font toujours la course ! Sinon, ils s’abstiennent de prendre le départ. Tout simplement. Et c’est une bénédiction de suivre leur baston. Car évidemment, il y a toujours baston. Une belle baston en règle.
Alors, au moment de les voir engager le sprint final – car ils sont souvent inséparables et c’est donc dans un dernier assaut, un dernier jump, que cela se termine –, il n’était pas évident de choisir son vainqueur. Même si on se disait bien que la troisième place reviendrait sûrement au coureur slovène, pourtant pas le moins valeureux sur les pavés. Mais assurément le moins rapide des trois. D’ailleurs, samedi dernier sur la Via Roma, il n’avait pu monter sur le podium de Milan-San Remo où, dans l’ordre, Mathieu Van der Poel, Wout van Aert et Matej Mohoric l’avaient passé dans un dernier souffle.
Tout change vite avec eux, mais quel que soit le terrain, ce sont eux qui dictent leur loi à tout le peloton. Et à voir la mine chiffonnée de Van der Poel à l’arrivée, on ne pouvait pas manquer de se faire la réflexion que le Néerlandais ne s’était pas appesanti longtemps sur son triomphe italien. Pas le genre de la maison, il est vrai.
Ça fait mal par où ça passe
C’est lui, le premier, à la manière d’un Tom Boonen d’autrefois, qui décrocha le premier coup de sabre sur les pentes acérées du Taaienberg, bien loin d’Harelbeke. Mais comme un aimant, Wout van Aert s’était collé à sa roue et, un bon moment, ces deux-là coopérèrent comme s’il ne restait que quelques bornes à se coltiner avant l’arrivée.
Le temps de récupérer des coéquipiers savamment placés devant (Soren Kragh Andersen et Nathan Van Hooydonck), plus Matej Mohoric, et le temps à l’insaisissable Tadej Pogacar de faire un bond dont lui seul a le secret, le bon coup filait sous le nez d’un peloton tout aussi médusé qu’impuissant. Ça faisait mal par où ça passait!
Évidemment, les choses n’allaient pas rester en l’état, et c’est d’ailleurs le Slovène, joueur en diable, qui prit un malin plaisir à finir le boulot sur le Paterberg. On se doutait bien que pour tous les poursuivants époumonés, la course était pliée. Mais le suspense redoublait. Qu’allait-il advenir ? Autant de questions auxquelles Wout van Aert, par deux fois distancé dans le Vieux Quaremont, où il s’était fait décrocher à la pédale par le duo de tête, se refusait de répondre. C’est à la force du jarret et au caractère, avec un très fort caractère, qu’il reviendrait. Pour ne plus jamais lâcher le morceau.
Tout se jouerait donc au sprint, où le Belge, manifestement requinqué, chaîne parfaitement huilée, faisait briller ses qualités et sa puissance. Du bel ouvrage. Du suspense jusqu’au bout du bout. Oui, ce vendredi de répétition générale du Tour des Flandres fut un véritable régal des yeux.
Rendez-vous au Tour des Flandres
Le public flamand pouvait hurler son bonheur au passage de son roi qui venait de signer son doublé à Harelbeke, un an après son premier succès. «C’est une confirmation de mes très bonnes jambes après quelques semaines frustrantes», commentait-il après coup. Sur les accélérations sévères de Pogacar, avait-il été proche du point de rupture? «J’étais à la limite dans le Vieux Quaremont, reconnaissait-il. Mais j’ai résisté. Pour le sprint, j’ai pensé que j’étais le plus frais des trois. Et comme le vent était favorable, je me suis lancé. Les Mondiaux de cyclo-cross, où j’avais été devancé par Van der Poel, m’ont servi de leçon. Je ne voulais pas d’un sprint trop court.»
Mathieu Van der Poel tentait de ravaler sa déception du jour face à son meilleur rival. «Je suis au sommet de ma forme et je ne veux retenir que mes excellentes sensations dans les côtes pavées», se rassurait-il avec objectivité.
Restait à écouter le troisième phénomène, Tadej Pogacar. Le Slovène, toujours bon garçon, rarement mauvais joueur, retenait simplement «des erreurs de placement dans les monts». Avec cette promesse : «Je ne les commettrai plus dans dix jours.» Car le double vainqueur du Tour de France, déjà vainqueur de Liège-Bastogne-Liège, du Tour de Lombardie et des Strade Bianche, a cette belle envie d’inscrire son nom au palmarès du Tour des Flandres, qu’il a terminé quatrième l’an passé. Entre-temps, il rentrera chez lui à Monaco pour reprendre un bain de soleil.
Toujours est-il que seul Wout van Aert sera de nouveau en course dimanche sur Gand-Wevelgem, alors que Mathieu Van der Poel reviendra mercredi à Waregem pour À Travers la Flandre. Les trois ne se retrouveront que le dimanche suivant pour le sommet de la semaine sainte. Nous aurons là de nouveau le saint des saints. Une nouvelle affiche de rêve…