Le coureur luxembourgeois de 35 ans a annoncé lundi en fin d’après-midi la fin de sa carrière professionnelle débutée sur la route en 2011.
On avait compris au fil des dernières interviews que Jempy Drucker (35 ans), de guerre lasse, continuait de livrer tel le parfait et remarquable gentleman qu’il a toujours été, car c’est à signaler, c’est un chic type, un vrai, que cette fois, il n’y croyait plus. Il n’attendait plus qu’à officialiser la nouvelle.
C’est sur Twitter, comme il l’avait convenu, que celle-ci est venue, lundi après-midi. «Un très beau et beau chapitre de ma vie se termine, mais j’attends aussi avec impatience le prochain. C’est la dernière page. Au revoir et merci à tous pour la balade… à bientôt», écrit-il nostalgique.
Le premier à le relayer sera Bob Jungels. Ses anciens coéquipiers de sa grande époque chez BMC, Greg Van Avermaet, Stefan Kung, Danylo Wyss eurent chacun un mot. Comme son ancien pote de cyclo-crossman chez Fidea, Tom Meeusen. Son ancienne équipe Wanty, devenue aujourd’hui Intermarché. Mais aussi des rivaux tels Jürgen Roelandts, Daniele Bennati, et Tao Geoghegan Hart et d’autres encore… Le Tour d’Espagne où il signa avec sa victoire d’étape (16e étape entre Alcaniz et Peniscola, le 5 septembre 2016) son plus grand succès.
En début de soirée, Jempy Drucker, décision, semblait apaisé.
Vous venez d’annoncer la fin de votre carrière. Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous ?
Jempy Drucker : Je savais que ma carrière n’allait pas encore durer cinq ans. Je savais qu’à un moment donné, cette fin allait venir. Mais je suis un peu triste de la façon dont cela s’est déroulé. Je n’avais pas la meilleure saison. Pour ma dernière course, Paris-Tours (le 10 octobre dernier) je savais ce qu’il en était, mais je n’étais pas sûr. Je cherchais d’autres pistes après cette saison chez Cofidis, mais je n’étais pas certain de pouvoir repartir. Je gardais un espoir. Avec le recul, je regrette de ne pas avoir invité ma famille là-bas pour ma dernière course. Cela aurait été sympa. Cela aurait ajouté un côté nostalgie. Mais je ne suis pas quelqu’un qui reste longtemps collé au passé.
Vous restiez en contact avec plusieurs équipes ?
Oui, j’étais toujours comme dans un bateau, mais j’ai toujours fini hors du bateau. J’étais sur la liste et il manquait constamment quelque chose pour convaincre un manager. Mais il s’agissait d’équipes de premier plan. Et puis il faut dire que ma saison 2021 n’avait pas été assez bonne.
Sur Paris-Roubaix en dépit d’incidents mécaniques, vous n’étiez pas si mal (43e)…
Pour moi, j’ai fait un bon Roubaix, mais ce n’est pas assez pour convaincre une équipe.
Vous nous confirmiez récemment que votre dernière année chez Cofidis a été difficile…
Oui, ce n’était pas une bonne année, l’une de mes pires années. De finir comme ça, ce n’est pas beau, mais ça fait partie d’une carrière sportive aussi. J’avais connu des saisons où je multipliais les top 10. Parfois, ça arrive de connaître une mauvaise saison. Dans une carrière de dix-quinze ans, ça peut arriver. Mais pour moi, il s’agissait de ma dernière saison…
Ma chute à Waregem m’a appris à savourer la vie et de ne pas croire qu’on doit toujours recevoir des cadeaux
Et pourtant, vous étiez bien parti (NDLR : il avait conduit au succès son coéquipier d’alors, Christophe Laporte, sur la première étape de l’Étoile de Bessèges)…
Oui, mais je suis tombé malade (NDLR : une bronchite) sur les classiques flandriennes. Ensuite, quand je suis revenu, j’étais aligné sur des courses qui ne me convenaient pas trop, comme le Tour de Suisse. Même en bonne condition, je ne peux pas me mettre en évidence. Ensuite, j’ai espéré pouvoir faire le Tour de France. Je n’ai pas été sélectionné. La fin de la saison, c’était une succession de hauts et de bas avec plus de bas.
Quels sont les moments qui vont ressortir de votre carrière ?
Le plus fort, c’est mon succès d’étape sur la Vuelta 2016. Pour moi, c’était la cerise sur le gâteau, la récompense de tout mon travail et des sacrifices. Gagner une étape dans un grand tour, ce n’est pas donné à tout le monde. Si je regarde mon cheminement, mes débuts en cyclo-cross, chez Fidea (2004-2008), puis j’ai fait deux années chez le « Gab » (NDLR : Gabriel Gatti alors patron du Team Differdange). De Continental, je suis arrivé chez Wanty (au départ Verandas Willems, puis Accent Jobs, puis Wanty, l’actuelle Intermarché…) où j’ai commencé à gagner des courses. Je n’en ai pas gagné des centaines, mais c’est déjà ça (NDLR : il en a gagné six chez les professionnels mais a collectionné les top 10). Mais c’est déjà ça et ça devient de plus en dur d’en remporter une. Ce sont souvent les mêmes qui gagnent…
Finalement, vous êtes resté de 2015 à 2018 chez BMC. C’est là où vous remportez la Ride London Classic et cette étape du Tour d’Espagne 2016. On peut dire que ce fut votre équipe ?
On peut dire ça, oui. Avec tous les coureurs qui étaient là dans notre groupe flandrien, les Van Avermaet, Oss, Quinziato, Kung, Oss, Schär, Dillier… On était un bon groupe avec des caractères très différents, mais ça marchait.
Lorsque Greg Van Avermaet gagne Paris-Roubaix en 2018, son premier mot est de vous remercier. « Sans Jempy, je ne gagnais pas« , dira-t-il en conférence de presse. Vous l’aviez aidé à revenir après une crevaison…
Oui, après le protocole, j’étais le dernier à être resté au bus. Les autres étaient partis pour prendre leur avion. Je tenais à le voir après les cérémonies et pour toucher le pavé (il rit).
Vous étiez un coureur qui pouvait se placer, gagner, mais surtout travailler pour ses leaders…
Oui, ces dernières années, c’était mon rôle, celui de supporter les grands leaders le plus loin possible, surtout dans les classiques flandriennes. En tant que coéquipier, j’ai gagné toutes les classiques flandriennes, mis à part le Tour des Flandres. Cela me rend fier. Et puis, j’ai fait, à gauche et à droite, des petites places. Deux fois sixième du Nieuwsblad. Une fois, quatrième à Waregem.
À Waregem, là sur l’édition 2019 d’À Travers la Flandre, vous avez connu votre plus grave blessure (NDLR : fracture de la 6e vertèbre cervicale et commotion cérébrale).
Cette chute m’a aussi beaucoup appris de la vie, donc ce n’était pas que négatif. J’ai échappé de peu à bien plus grave. Une blessure plus sérieuse encore, la fin de ma carrière et une paralysie. Cela m’a appris à savourer la vie et de ne pas croire qu’on doit toujours recevoir des cadeaux. Il faut se rendre compte qu’ici au Luxembourg, on a une belle vie. J’ai l’impression que les gens oublient ça. Mais cet accident m’a permis d’en prendre conscience.
Je n’étais pas le plus grand talent, mais j’ai su travailler dur. J’ai bien compris comment les courses fonctionnent et j’ai su être malin
D’ailleurs, dans votre carrière, vous n’avez pas toujours été épargné par les coups du sort…
Oui, dès ma carrière en cyclo-cross. J’ai eu beaucoup de crevaisons au mauvais moment. Je n’ai pas toujours été chanceux.
Savez-vous de quoi sera fait votre avenir ?
Non, je n’ai pas quelque chose de précis. J’espère pouvoir trouver quelque chose où je pourrai faire part de mon expérience. Ma vie sportive n’a pas toujours été facile. Je n’étais pas le plus grand talent, mais j’ai su travailler dur. J’ai bien compris comment les courses fonctionnent et j’ai su être malin. C’est une expérience que je peux donner aux jeunes. J’espère trouver quelque chose où je peux partager cette philosophie. Pas forcément dans le cyclisme d’ailleurs. De toutes les situations, je me suis relevé.
Vous avez un plan en tête ?
Je reste ouvert à toutes les possibilités.
On imagine que votre famille est heureuse (NDLR : Jempy est marié à Lynn et ils ont deux enfants, Emma, 4 ans, et Lenny, 1 an)…
Oui et mes amis pourront désormais me contacter le week-end (il rit). Je n’aurai plus course le lendemain… Mon métier prenait beaucoup de temps. C’est une autre vie qui commence, une vie que je ne crains pas.
Et le sport désormais ?
J’y reste attaché. Le cyclisme est ma passion. Mais désormais, je ne sortirai plus quand il gèlera comme en ce moment ! Je vais venir à d’autres sports que je n’ai pas pu pratiquer. Une page se tourne pour moi.
Sa carrière
Ses équipes :
Fidea (Cyclo-cross) : de 2004 à 2008
Differdange : de 2009 à 2010
Verandas Willems (puis Accent Jobs et Wanty) : de 2011 à 2014
BMC : de 2015 à 2018
Bora-Hansgrohe : de 2019 à 2020
Cofidis : 2021
Ses principaux succès :
RideLondon Classic 2015; prologue du Tour de Luxembourg 2015, 16e étape de la Vuelta 2016, 1re étape du Tour de Luxembourg 2017, champion national de contre-la-montre 2017, 4e étape du Tour de Wallonie 2017