La plupart des pros luxembourgeois arrivent en fin de contrat à l’issue de la prochaine saison. Une situation évidemment pas facile à vivre au vu de ce qui se passe dans le monde sportif actuellement.
De Bob Jungels à Jempy Drucker en passant par Ben Gastauer ou encore Tom Wirtgen et Kevin Geniets, le nombre de coureurs luxembourgeois dont le contrat s’achève à l’issue de cette saison est conséquent.
En ces temps très incertains, où on n’a aucune idée de quand ni même de si on va pouvoir courir à nouveau, où les sponsors se posent de plus en plus de questions quant à leur soutien des formations cyclistes et où les organisateurs annulent à tour de bras leurs différentes manifestations, être coureur cycliste est tout sauf une sinécure.
Tous sont privés de courses, bon nombre d’entre eux ne peuvent ou ne veulent pas s’entraîner sur la route et privilégient les désormais très populaires rencontres sur des applications comme Zwift ou Rouvy. Dans ces conditions, pas évident de se vendre alors qu’on doit trouver un boulot pour la prochaine saison.
C’est en effet habituellement à cette période que débutent les premières discussions pour la saison prochaine.
Évidemment, à chaque coureur sa vérité et ses facilités ou non pour trouver une nouvelle équipe ou prolonger avec son employeur actuel. Il n’empêche qu’une grande majorité des pros grand-ducaux n’ont pas de contrat pour la prochaine saison. Et doivent donc se démener pour en trouver un.
«Bora sait ce que je vaux, le peloton aussi»
Le champion national Bob Jungels achève son contrat de trois ans avec Deceuninck – Quick Step et le Dippachois ne devrait avoir aucun mal à retrouver une nouvelle équipe, si tant est qu’il ne reste pas dans une formation qui met en ce moment davantage en avant les Julian Alaphilippe, Remco Evenepoel et autre Sam Bennett. À n’en pas douter, on retrouvera l’ancien vainqueur de Liège-Bastogne-Liège (2018) dans le peloton en 2021… Si, bien sûr, il y a une saison à cette date.
Bob Jungels, en pleine force de l’âge, est loin d’être le seul concerné par cette situation. Des compatriotes bien plus expérimentés que lui doivent également décrocher un nouveau contrat. On parle là de Ben Gastauer (32 ans) et Jempy Drucker (33 ans) : «Je ne me fais pas trop de souci. Bora connaît ma valeur et je pense que, dans le peloton, on sait ce que je vaux. En revanche, la situation est plus compliquée pour des jeunes qui ont à cœur de se montrer en World Tour», explique le spécialiste des Flandriennes, qui espère décrocher, dans l’idéal, un nouveau bail pour deux saisons supplémentaires. «Et puis j’ai bien marché sur le Het Nieuwsblad, j’ai eu la chance de faire quelques bonnes courses cette saison», précise-t-il.
Pour Ben Gastauer, fidèle depuis ses débuts pros à AG2R, c’est plus tendu : «Le plan initial était de faire un gros Giro avant de commencer à discuter, mais maintenant, ce n’est évidemment pas possible. Je ne suis pas très optimiste sur le fait que je vais signer un nouveau contrat d’ici un mois. Ce n’est pas comme certaines fois où tout était réglé en mars !», souligne le Schifflangeois.
Geniets a «tout fait pour décrocher un bon contrat»
Désireux de faire les JO cet été, il a dû, là encore, revoir ses plans. Mais avec la perspective des Jeux l’an prochain, s’il veut être à Tokyo, il doit commencer par trouver une équipe.
Pour ce faire, il compte, bien sûr, sur une hypothétique saison : «J’espère avoir l’occasion de me montrer si la saison reprend en août. Mais ce n’est pas très rassurant. On ne sait pas ce qui va advenir de certaines équipes et peut-être qu’il y aura des leaders à aller chercher pour pas trop cher. Les formations vont d’abord négocier avec les grands coureurs, qui viennent avec certains coéquipiers, puis ensuite il faudra combler les cases. J’ai l’avantage d’avoir de l’expérience et donc un certain prix également, mais est-ce que l’équipe ne va pas choisir de privilégier plutôt des jeunes coureurs ? Il ne faut pas paniquer mais j’aimerais bien être fixé.»
De son côté, Kevin Geniets arrive lui également à échéance de son contrat de deux saisons au sein de la Groupama-FDJ. Et le jeune Luxembourgeois, de retour depuis peu au Grand-Duché, ne s’inquiète pas outre mesure. Car il a déjà eu l’occasion de montrer ce qu’il valait : «J’ai eu la chance de faire une belle Étoile de Bessèges, en terminant quatrième au général. Du coup, ça indique que ma bonne première saison n’était pas un coup de chance. J’ai fait tout mon possible pour décrocher un bon contrat. Normalement, ça devrait le faire mais maintenant, il est vrai qu’on n’a plus aucune certitude.»
L’incertitude. Un mot qui résume bien la situation du sport mondial. Du cyclisme mondial. Et de tous ces coureurs luxembourgeois en quête d’un nouveau contrat.
Romain Haas
«La confiance, c’est primordial»
Ken Sommer, l’agent de Jempy Drucker, sait que l’expérience et la confiance sont des atouts en ces temps difficiles.
Comment un agent de coureur vit-il ces moments tout à fait particuliers ? Pour Ken Sommer, qui s’occupe de Jempy Drucker depuis de longues années, le boulot a, certes, un peu changé mais dans les grandes lignes, il reste à peu près le même : «Normalement, à cette période de l’année, on est sur des courses chaque week-end, on va dans les hôtels pour discuter avec les coureurs, les équipes. Tout cela, bien sûr, je ne peux plus le faire. Mais on utilise les moyens modernes. On est en contact une fois par semaine avec chacun de nos coureurs, on est au téléphone ou en visioconférence avec les équipes, tout cela ne change pas», explique l’Allemand, qui s’occupe notamment du champion du monde Mads Pedersen.
Comment faire, du coup, pour vendre des coureurs qui n’ont pas de courses pour montrer ce qu’ils savent faire? Pour Ken Sommer, la question ne se pose finalement pas vraiment : «Cela fait longtemps que nous sommes installés, que les équipes nous connaissent et savent comment nous travaillons. Il y a beaucoup de confiance et c’est très primordial dans cette période compliquée.»
D’ailleurs, celui qui a été l’un des hommes à l’origine de la création de Leopard-Trek ne se montre pas d’un optimisme béat quant au fait que le Tour de France, voire même la fin de saison, puisse se tenir cette saison : «Honnêtement, je pense que le Tour va tout faire pour que la course ait lieu. Mais ce sera un immense défi. Ce n’est pas comme un stade de foot. C’est un véritable barnum qui se déplace chaque jour de ville en ville, d’hôtel en hôtel. Logistiquement, c’est très compliqué de mettre tout cela en place.» «De toute façon, ajoute-t-il, ce sont des choses sur lesquelles je n’ai aucune influence. Donc je préfère me concentrer sur ce sur quoi j’ai le contrôle, comme les contacts avec les équipes, avec les coureurs.»
«Bien sûr qu’on met Jempy sur la liste»
Concernant Jempy Drucker, même s’il ne peut évidemment pas rentrer dans les détails, Ken Sommer explique que le Luxembourgeois est heureux chez Bora et que la réciproque est vraie et qu’on connaît sa valeur : «Les équipes savent qu’il a été précieux pour les victoires de capitaines de route comme Van Avermaet ou Sagan. Quand on cherche quelqu’un pour accompagner un leader, on met bien sûr Jempy sur la liste.» Il se montre donc raisonnablement optimiste pour celui qui lui a été présenté par Martin Mortensen il y a près d’une dizaine d’années.
La crise du coronavirus devrait, selon lui, tout de même modifier à terme le boulot d’agent : «Avant, cela m’arrivait de prendre cinq fois l’avion en une semaine. Je pense que tout ça, c’est terminé!» Reste à savoir quand cette crise sera terminée. Et cela, bien malin qui peut le dire…