La championne nationale attend avec impatience la première édition qui se déroulera samedi sur des pavés du Nord boueux…
Pour une fois, ce n’est pas nécessaire d’aller rechercher des statistiques dans les archives. Christine Majerus (34 ans), comme tout le peloton féminin présent samedi au départ de Denain, en direction de Roubaix, s’élancera pour une grande première. Une classique de 116,4 kilomètres qui devrait, dans la théorie, parfaitement convenir à la Luxembourgeoise. En effet, de par ses caractéristiques de coureur, la Luxembourgeoise qui est un pilier de l’équipe SD Worx puisqu’elle figure dans cette ossature depuis 2013, devrait être bien plus à son aise sur un Paris-Roubaix que sur un Tour des Flandres.
Vous avez reconnu le parcours de cette première édition mercredi. Qu’en retenez-vous ?
Christine Majerus : Ce n’était pas la première fois qu’on l’a fait en reconnaissance, donc ce n’était pas vraiment une découverte. Mais c’était la première fois où ce n’est pas sec, sec. Donc c’est bien d’avoir découvert le tracé avec de la boue, mais ça reste acceptable pour le moment. Bon, il faut dire que nous sommes passés en petit groupe. Après en peloton, ce sera un poil plus compliqué.
Cela vous convient dans ces conditions ?
Oui, dans la mesure où pas mal de filles ont du respect par rapport aux conditions que nous aurons samedi. C’est exceptionnel le mauvais temps, les pavés boueux. J’ai l’avantage du cyclo-cross. Cela ne me fait pas peur, mais je pense que c’est surtout sur un plan psychologique que cette météo annoncée fait une différence. Après, on peut avoir des avantages techniques, mais à la fin de la journée, ce sont les jambes qui font la différence. Si les jambes ne sont pas assez bonnes, les compétences techniques ne vous feront pas gagner. Cela reste un bel atout, mais ça ne fait pas tout.
L’importance est plus grande encore d’aborder les secteurs en tête. Il n’y a qu’une ligne, la plupart du temps
Par rapport aux autres classiques de pavés, les classiques flandriennes, quel changement pouvez-vous observer dans la manière d’aborder ces pavés du Nord ?
C’est du plat, c’est un autre effort que des monts en pavés. L’importance est plus grande encore d’aborder les secteurs en tête. Il n’y a qu’une ligne, la plupart du temps, on ne peut pas doubler si on est mal placé. Sur cette course-là, avec les cassures, cela se joue là, on ne peut pas reproduire sans cesse les efforts pour recoller. Voilà la différence. Le placement est encore plus important que dans les courses belges.
Parlez-nous de cette attente du peloton féminin qui va donc s’élancer dans ce premier Paris-Roubaix…
Oui, c’est une première qui est très attendue. C’est la course d’un jour la plus mythique au calendrier des garçons. Pour moi, cette course représente le vélo que j’aime, avec une confrontation avec les éléments. Cela manquait. C’est une sorte de reconnaissance pour nous. On est capable de rouler sur les pavés, on sait faire du vélo comme les garçons. C’est aussi pour cela qu’on voulait faire cette course, pour démontrer que le cyclisme féminin peut être aussi riche dans sa globalité que le cyclisme masculin. Et cette course-là représente bien ça.
Chez les garçons, on s’aperçoit au fil des éditions que Paris-Roubaix n’est pas une classique comme les autres, dans la mesure où chaque année des coureurs moins connus que les champions parviennent à s’illustrer et à ouvrir une porte. Vous vous attendez au même phénomène pour la course féminine ?
Je pense que celle qui va gagner cette course fait partie des filles qu’on connaît, je ne crois pas à une grosse surprise mais après, c’est vrai que les aléas techniques, le placement, pèseront. Les meilleures au monde ne sont pas forcément les plus à l’aise dans ce domaine. Il y a une chance pour des filles moins connues, mais plus techniques, de se retrouver à l’avant. Quoi qu’il en soit, je pense que ça restera une course d’usure. Assez rapidement, il devrait y avoir un petit groupe qui va se détacher. C’est si physique les pavés, que la sélection se fera. Même si ça peut être plus ouvert pour tous ces facteurs.
J’espère avoir la liberté de ne pas devoir rouler dans le vent dès le départ de la course pour espérer être là à la fin
Dans votre équipe, quelle place prend cette première édition ?
C’est une course importante pour nous. Dès 2018, par exemple, je me suis retrouvée à faire des allers et retours sur la tranchée d’Arenberg pour un film afin de mettre un peu de pression, du coup, oui, c’est important de bien y figurer. On n’a au départ que des filles habituées aux classiques et talentueuses, j’espère qu’une ou deux d’entre nous pourra survivre du carnage et être là pour se disputer la victoire (il rit).
On peut imaginer que vous aimeriez en faire partie…
Oui, ce n’est pas un secret, c’est une course que j’aime bien. Mais je sais aussi que la course et l’entraînement sont deux choses différentes. J’ai tout ce qu’il faut pour être bien, même s’il me manque un poil de puissance pour suivre les rouleuses quand elles vont embrayer sur les lignes droites. J’espère que le côté technique me permettra de m’économiser au début de la course pour rester fraîche à la fin. J’espère avoir la liberté de ne pas devoir rouler dans le vent dès le départ de la course pour espérer être là à la fin. Mais ce sera une course tellement aléatoire qu’il va aussi pouvoir changer de plan assez rapidement. Cela demande donc d’être flexible. C’est pour cela que c’est bien d’être avec plusieurs coureurs capables de bien figurer à la fin. Il faut un plan de secours au cas où le plan A ne marche pas.
Finissons avec votre état de forme. Comment vous sentez-vous après les Mondiaux ?
Je pense avoir fait de bons Mondiaux. La place (NDLR : 33e), ce n’est pas ce que j’avais en tête en début d’année, mais il faut que je sois réaliste par rapport à ce qui m’est arrivé. Ne pas courir depuis un mois (à la suite de sa chute survenue sur le Simac Ladies Tour, chute ayant occasionné une commotion cérébrale), c’est compliqué. Je m’en suis rendu compte dans les quarante dernières minutes, j’étais bien et d’un coup, je n’avais plus la distance dans les jambes. Je n’ai pas de regrets à avoir, j’ai fini avec des crampes, j’avais tout donné. La situation voulait ça. Pendant trois heures et demie, c’était bien, j’ai fait la course que j’avais en tête. Bon, cela devrait être mieux pour mes prochaines courses dont ce Paris-Roubaix. Je ne me sens pas épuisée ni au bout du rouleau. J’espère avoir progressé un peu par rapport aux autres. Ce sont les aléas du vélo, on les connaît, on signe pour…
Recueilli par Denis Bastien