Le Mondorfois, vainqueur en 2006 de l’Amstel Gold Race (il termina également deuxième en 2008), évoque le nouveau tracé et les favoris de ces classiques ardennaises qui débutent ce dimanche.
Vendredi en début d’après-midi, lorsque nous l’avons joint, Frank Schleck (41 ans) profitait des vacances scolaires pour passer du bon temps avec sa petite famille. Mais bien sûr, il garde un œil sur l’actualité du cyclisme. Évidemment, dimanche, il ne ratera rien de l’Amstel Gold Race qu’il avait remportée en 2006, voici déjà quinze ans…
Cela doit vous faire drôle en tant qu’ancien vainqueur de voir partir l’Amstel 2021 sur un circuit à effectuer treize fois, non ?
Frank Schleck : Cela fait beaucoup de changements, avec les restrictions, les mesures sanitaires, on n’arrive plus à suivre. Oui, ce sera un championnat du monde là! Et le niveau de la course sera encore plus haut. Car la qualité d’un peloton de championnat du monde (NDLR : qui se déroule par nations et non par équipes) est moins élevée que pour les classiques et le Tour de France. Certains petits pays sont présents au Mondial. Oui, cette Amstel sera très sportive, très dure. C’est une nouvelle donne. Et comme dans un Mondial, il y aura du suspense. On verra bien sûr les grands favoris devant.
Cette année, hormis Mathieu Van der Poel qui n’est pas au départ pour préparer les JO de VTT, on va retrouver les acteurs des classiques flandriennes et les grimpeurs qui viennent du Tour du Pays basque. Qu’est-ce que cela vous inspire-t-il ?
J’ai regardé mercredi la Flèche Brabançonne et le succès de Tom Pidcock devant Wout Van Aert. Il vient seulement de faire son pic. Il sera forcément là, il faut lui mettre cinq étoiles! Wout Van Aert est depuis longtemps sur le pont, donc à un moment donné, il va devoir ralentir un peu, s’écraser. Cela peut être quitte pou double pour lui. Mais j’ai peur que ce soit juste. Ensuite avec (Julian) Alaphilippe, il faudra compter sur (Jakob) Fuglsang où il a évolué sans pression, en bossant pour ses coéquipiers. Il sera prêt. Ensuite, il y aura les coureurs comme (Primoz) Roglic. Tous les coureurs qui viennent du Pays basque apportent une nouvelle donne. On voit ça chaque année. C’est comme ça. L’Amstel est l’occasion de revoir ces grimpeurs pour les Ardennaises.
Aujourd’hui Primoz Roglic et Tadej Pogacar font ce qu’on faisait (avec Andy). Il dispute les classiques comme objectifs avant le Tour
On voit aujourd’hui des coureurs capables de viser toutes les classiques ou presque. C’est le cas avec Julian Alaphilippe, sans doute Wout Van Aert, Mathieu Van der Poel, Tom Pidcock et d’autres encore. Quel regard portez-vous sur ce phénomène ?
À mon époque (il rit), ça fait drôle de dire ça, mais on voyait des coureurs qui y arrivaient comme Philippe Gilbert par exemple qui passait avec succès des Flandriennes aux Ardennaises. Justement, aujourd’hui Primoz Roglic fait ce qu’on faisait. Il dispute les classiques comme objectifs avant le Tour (NDLR : le Slovène, deuxième du Tour l’an passé, a remporté ensuite Liège-Bastogne-Liège déplacé à l’automne). À notre époque, avec Andy (lauréat de Liège-Bastogne-Liège 2009), on préparait ces classiques de printemps pour les gagner. Et on préparait le Tour pour le gagner. Mais nous étions les seuls à faire ainsi (NDLR : il est vrai que Cadel Evans, Carlos Sastre, Lance Armstrong, Alberto Contador, Bradley Wiggins et Chris Froome n’ont jamais fait un objectif de ces classiques ardennaises). Nous, sur les classiques ardennaises, on retrouvait face à nous Alejandro Valverde et Philippe Gilbert, même si Valverde essayait de viser le général du Tour, sans en être le grand favori, ce n’était pas le cas de Gilbert. Là, Roglic et Pogacar (Tadej Pogacar n’est pas présent sur l’Amstel, mais devrait être présent sur la Flèche Wallonne et sur Liège-Bastogne-Liège). On verra bien si Roglic est chaud pour gagner l’Amstel.
Ce n’est pas trop nerveux pour lui ?
Il y a beaucoup de chutes et on ne peut d’ailleurs pas la comparer à Liège. C’est beaucoup plus nerveux et violent dans les efforts également. C’est dur l’Amstel, la succession de petites côtes très raides alors que Liège-Bastogne-Liège est une succession de côtes beaucoup plus longues. La Doyenne est de fait plus favorable à Roglic et Pogacar.
C’est d’ailleurs un petit paradoxe que vous ayez remporté l’Amstel et non Liège-Bastogne-Liège, non ?
Oui, c’est vrai. Je finis trois sur le podium de la Doyenne, mais je n’ai jamais pu m’imposer à Liège. J’étais en forme à ce moment-là et une fois que tu es en forme et confiant, tu sais faire beaucoup de choses. L’Amstel, ce n’était pas trop pour mon gabarit, mais la motivation et la forme font beaucoup (NDLR : il avait également terminé deuxième de l’Amstel en 2007…)
J’aimerais bien voir Bob en grande forme. J’ai appris ses problèmes de dos (…) Là, je ne sais pas trop où il sera, j’espère qu’il va nous surprendre
Dimanche, il y aura au départ de Maastricht trois coureurs luxembourgeois, avec Bob Jungels et les frères Wirtgen. Vous en attendez quoi ?
Surtout, j’aimerais bien voir Bob en grande forme. J’ai appris ses problèmes de dos. Il n’a pas semblé confiant sur Paris-Nice puis sur le Tour de Catalogne où son chrono avait été moyen. Là, je ne sais pas trop où il sera, j’espère qu’il va nous surprendre. S’il a gagné une fois Liège-Bastogne-Liège, il n’y a pas de raison qu’il ne puisse pas gagner l’Amstel. J’espère qu’il va rebondir, s’il parvient dans le top 10, cela voudra dire que c’est effectivement le cas. Dans l’Amstel, lorsque tu termines ainsi, et ce n’est pas facile, cela veut dire que tu es en forme. Je l’espère pour lui. Les frères Wirtgen marchent très bien, ils apprennent à connaître ces courses. C’est toujours bon pour l’expérience.
Revenons pour finir à vous. Votre cyclosportive, « Schleck Gran Fondo« a été déplacée de mai à septembre. Vous êtes déjà dans les préparatifs ?
L’an passé, on a dû l’annuler. Là, c’était prévu pour le 29 mai, mais c’était un peu trop chaud par rapport à la situation sanitaire. C’est reporté en septembre, on est parti pour et on est en avance avec le planning. Une fois cette pandémie passée, j’ai bon espoir que tous les investissements réalisés en rapport avec le vélo, que ce soit les ventes de cycles, les épreuves, cela va donner un boom pour notre sport et ce genre d’évènements. Nous aurons, je l’espère, une belle édition 2021 en septembre.
Entretien avec Denis Bastien