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[Cyclisme] Pour Alex Kirsch, «ça ne fait que commencer»


Alex Kirsch veut passer un cap la saison prochaine (Photo: Jeff Lahr/Tageblatt)

Le Luxembourgeois de 27 ans est un coureur qui compte chez Trek-Segafredo dans le groupe des classiques flandriennes, son terrain de prédilection. Il revient sur la saison écoulée et se projette sur la suivante.

Jeudi, Alex Kirsch (27 ans) passait à l’hôtel de ville pour se marier avec Sophie. Nous l’avions joint la veille pour rembobiner le film de la saison 2019, la première de sa carrière en World Tour.

Vous avez terminé votre saison la semaine dernière sur Binche-Chimay-Binche. Au moment de rembobiner le film 2019, quelle est votre réflexion ?
Alex Kirsch : J’étais assez content de ma saison. Pour 2019, j’avais complètement changé de registre par rapport à mon passé. Chez Wallonie-Bruxelles, j’étais souvent protégé. Là, en passant chez Trek-Segafredo, c’était moi qui devais protéger mes leaders. C’est plus compliqué de faire des résultats dans ce contexte. Même sur des courses de moindre importance comme les dernières épreuves auxquelles j’ai participé, comme le Tour de l’Eurométropole ou Binche-Chimay-Binche, ma dernière course. Je suis content de ma saison, j’ai fait les classiques comme équipier. J’ai fait mon premier grand tour, la Vuelta. Et à côté de cela, je suis quand même parvenu à faire quelques petits résultats en Norvège, en Belgique et plus récemment encore sur le Grand Prix d’Isbergues. C’était un but de progresser en tant qu’équipier en World Tour mais aussi de garder un rôle personnel. J’aurais aimé remporter une course. Je n’ai pas encore eu cette chance. Mais ça devient plus compliqué lorsqu’on est au plus haut niveau.

Ce changement de rôle a été difficile à gérer pour vous ?
Non, pas du tout. J’y étais préparé. Mais je peux simplement vous dire que les dernières semaines de course nous ont comblés. Les succès sont venus et dans ces succès, ce n’était que du plaisir. J’étais content d’aller sur les courses. Chaque jour, on faisait la course. Dans ces conditions-là, être équipier, c’est un grand plaisir. Car on comprend que tout ce qu’on fait a une incidence sur le résultat final.

Dans le cyclisme, c’est un peu comme dans la vie, il faut toujours continuer d’y croire.

Justement, comment expliquez-vous cette euphorie tardive dans l’équipe, même si le succès de Mads Pedersen est particulier (les Mondiaux se disputant par nations et non par équipes de marque) ?
Dans le cyclisme, c’est un peu comme dans la vie, il faut toujours continuer d’y croire. On savait que depuis 2018, les leaders avaient gardé les mêmes capacités. On savait que cela allait revenir. Il fallait rester concentré. Continuer d’y croire. Mais c’est vrai que dans une même saison, tout peut vite changer. On était limite en juin-juillet avec ce qu’on avait réussi à faire. On avait eu le maillot jaune, mais ce n’était pas assez. Je trouve aussi que dans le vélo, on a souvent une mémoire courte. J’ai l’impression qu’on ne se souvient que du week-end précédent. Comme là, on va se souvenir du succès de Bauke (Mollema) sur le Tour de Lombardie.

Lorsque les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances, on ressent la pression de ses dirigeants ?
Oui, c’est normal. Mais ce sont les leaders qui endossent presque tout le poids de cette pression. Mais une fois que le succès vient, alors la spirale s’inverse et tout le monde a envie de faire plus. C’est ce qu’on remarque dans la dynamique Quick Step, par exemple. J’ai ressenti ça en fin de saison. Il n’y a pas seulement le leader qui change, mais aussi le simple équipier qui parvient à souffrir davantage en course et à l’entraînement, qu’on voit aussi plus motivé en compétition. Si on se trouve dans cette spirale positive, ils roulent tout simplement.

Et les leaders que vous côtoyez chez Trek-Segafredo, vous les trouvez fragiles ou au contraire imperturbables ?
J’ai surtout roulé avec le groupe des classiques. Je n’ai croisé Bauke (Mollema) qu’une ou deux fois. Mais lui, je l’ai trouvé très serein. Il a d’ailleurs été très régulier tout au long de la saison. Sur les classiques flandriennes, les leaders étaient jeunes. Mads (Pedersen) n’a que 23 ans. Je pense qu’il avait eu du mal à digérer sa deuxième place l’année précédente dans le Tour des Flandres. Ce n’était pas dans le mauvais sens, mais il voulait sans doute trop en faire, trop bien faire à l’entraînement. Cela a dû lui coûter pas mal d’énergie en début de saison. En deuxième partie, il est revenu à la base. Il est sans doute un peu moins serein que Mollema, mais je trouve ça normal. La même chose pour Jasper (Stuyven), on a le même âge et ça fait longtemps qu’il occupe un rôle de leader. Lui aussi, je pense, a trop voulu en faire en début de saison et ça n’avait pas marché. Il est également revenu à la base et ça a marché. À partir du Tour de France, il était très fort.

Qu’avez-vous appris chez Trek-Segafredo cette année ?
J’ai appris des choses sur le travail, sur la nourriture également. Mais finalement, ce sont des petites choses dans la mesure où je me sentais prêt. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils m’avaient engagé. J’avais appris l’essentiel lors de mes quatre premières saison en Continental Pro (chez Cult Energy, Stölting et Wallonie-Bruxelles). Je connaissais les courses et la tactique à employer. Je pense que j’étais déjà un coureur expérimenté.

Mon rêve est de faire un résultat ou deux sur une grande classique

Et vers quoi aimeriez-vous aller en 2020 pour la suite de votre carrière ?
Pour moi, ça ne fait que commencer. Longtemps, mon but était d’arriver en World Tour. J’y suis désormais et il faut que j’y reste. Mais j’ai remarqué que même en tant qu’équipier, on se met beaucoup de pression. Peut-être même davantage que si je roulais pour moi-même. Aller placer les sprinteurs au bon endroit, voir la bonne approche. Et dans les classiques, c’est la même chose. Pour les prochaines années, je veux donner le meilleur de moi-même sur chaque course. C’est le premier but d’y rester le plus longtemps possible. Le deuxième, c’est de continuer à progresser. Depuis mes débuts, j’essaie de toujours progresser. Ensuite, mon rêve est de faire un résultat ou deux sur une grande classique. Je pense que c’est conciliable avec mon travail pour mes leaders. Ça se voit régulièrement, c’est donc possible. Sinon, j’aimerais continuer à faire des grands tours.

Le Tour d’Espagne, qui était très montagneux, vous a apporté quoi ?
J’ai un autre corps! Tout le dit, le premier grand tour bouclé change le corps. Je confirme. Je l’ai senti immédiatement. Sur les dernières courses, j’ai vraiment senti que j’avais plus de vitesse qu’avant. Je me sentais capable de boucher des trous. Cela ne s’est pas vu au niveau des résultats, je n’ai pas eu ce rôle. Mais avant ça, il me fallait me cacher davantage pour émerger en tête par exemple. Là, j’ai senti que j’étais tout simplement beaucoup plus fort. S’il y avait un trou, je pouvais le boucher plus vite. Donc tout cela va beaucoup m’apporter pour l’année prochaine. Enfin, terminer un grand tour t’amène de la sérénité. Je n’ai pas eu de mauvais jours, mais il y a des étapes où le moral flanche, faut passer ces mauvaises pensées. Pour être un bon coureur, il faut être serein. Et trois semaines de course, ça te rend plus serein.

Et jamais vous n’aviez grimpé autant…
Franchement, je pensais que ce serait pire!

Comment comptez-vous faire pour passer un cap supplémentaire la saison prochaine ?
Je pense que je ne vais pas changer beaucoup de choses. Puisque ça marche. Souvent quand on force trop la nature, ça ne marche pas, il y a ce risque fréquent de se surentraîner. Dans ce cas, la fatigue t’envahit. Tu te dis, je vais encore faire une séance supplémentaire et finalement tu détruis ton corps. On va rencontrer le staff la semaine prochaine, au siège de Trek, aux USA. Et je vais parler de quelques idées avec l’entraîneur. Mais globalement, je voudrais poursuivre sur ma voie. Chaque saison, je fais davantage de jours de course. D’ailleurs cette année, je suis le coureur qui en a le plus disputé dans mon équipe (NDLR : 79 jours de course). J’ai fait plus de kilomètres à l’entraînement également. Pour progresser, c’est un mix de choses. Ce qui va m’aider, comme je l’ai dit, c’est la Vuelta. Et tout simplement le statut que j’ai dans l’équipe. À l’entame de la saison, je me suis souvent retrouvé rouler dans le vent en début de course. Le simple fait de ne devoir plus faire ça la saison prochaine va me faire passer un cap. C’est tout simplement impossible de vouloir faire le final si tu prends le vent dans les cent premiers kilomètres. Même si tu es dans la plus grande forme de ta vie.

Les stages de préparation sont déjà programmés ?
Oui, on fait les deux stages hivernaux. En décembre en Sicile et en janvier à Majorque. Mais entre les deux, je vais de nouveau partir avec Sophie à Majorque.

Et le voyage de noces ?
Il est programmé pour la Floride dans la foulée du team building, après la semaine prochaine.

Entretien : Denis Bastien