Christine Majerus raconte sa reprise de compétition en Espagne qui s’est déroulée dans une atmosphère particulière. La voilà en route pour des Strade Bianche qui s’annoncent caniculaires.
Insatiable Annemiek van Vleuten. La championne du monde a signé dimanche trois succès en trois courses possibles en Espagne (après ses victoires dans l’Emakumeen Nafarroako Klasikoa, jeudi, et la Clasica Femenina Navarra, vendredi). La Néerlandaise poursuit la saison comme elle l’avait commencée après sa victoire fin février au Het Nieuwsblad.
On retiendra le bon début de saison de Christine Majerus, cinquième vendredi et qui a travaillé dimanche pour sa coéquipière, Anna van der Breggen. La championne nationale nous raconte son retour à la compétition…
Avec ces courses espagnoles, il s’agissait pour le peloton féminin d’un retour à la compétition. Comment avez-vous perçu les nouvelles contraintes du protocole de l’UCI ?
Christine Majerus : Oui, c’est très spécial effectivement. D’un côté, on est évidemment contentes de pouvoir recourir et, de l’autre, on sait que la situation n’est pas favorable du tout, voire même qu’elle empire à nouveau dans certaines régions. Ce qu’on a maintenant, cela ne veut pas dire qu’on l’aura dans deux ou trois semaines. Je suis venue sur ces courses avec l’état d’esprit de profiter de cette reprise qui est réelle. Mais j’évite de me projeter. C’est particulier en effet, car il s’agissait des premières courses, filles et garçons confondus, où le protocole mis en place par l’UCI devait être respecté. Mais cela a été chaud comme on l’a vu avec des équipes qui n’avaient pas leurs résultats des tests par PCR.
On nous avait fait croire, ou laissé croire, que le protocole permettrait, non pas d’être à cent pour cent sûr, mais au moins de limiter les risques. Mais une fois qu’on était là, les commissaires et les organisateurs se sont rendu compte que pour certaines équipes, c’était compliqué de faire des tests. Ce qui est normal. Du coup, tout le monde envisageait de laisser partir ces équipes sans les résultats des tests. Pour nous, ce n’était pas possible et on a essayé de mettre la pression sur l’organisateur pour qu’il respecte ces nouvelles règles. Deux jours avant le départ de la première course, jeudi, on n’était pas sûr de prendre le départ. Finalement l’organisateur a respecté le protocole.
Et une fois que les équipes en question ont eu le résultat de leurs tests, négatifs, elles se sont présentées au départ de la deuxième course, vendredi. Pour les équipes et les coureurs, il s’agit d’une logistique un peu compliquée. Et financièrement, ce n’est pas vivable pour certaines équipes de pouvoir fournir des tests qui, dans certains pays, ne sont pas disponibles, sont compliqués à obtenir et pas gratuits. Ça crée des inégalités entre les différentes nations et l’UCI ne gère pas elle-même ces contrôles. Donc, il faut faire confiance aux gens. Mais pas une confiance aveugle. Je pense que c’est à l’UCI de gérer les contrôles et d’être maîtresse de la situation, ce qui ne me semble pas être le cas pour le moment. J’espère que cela va s’améliorer et que, d’ici là, nous n’aurons pas de mauvaises surprises.
C’est une situation qui n’est pas gérable en fait. Il faut simplement faire au mieux. Et lorsqu’on fait au mieux, on limite les risques au maximum
En tant que compétitrice, avez-vous ressenti une ambiance particulière ?
En course, non, on retombe vite dans les automatismes d’avant. Donc, la course, c’est la course. Je ne me pose pas trop de questions. Mais ce dimanche, je me trouvais dans un petit groupe sur le circuit final et il y avait deux difficultés dans le final et la foule s’était massée dans ces bosses. En passant, je me suis dit qu’il n’y avait pas trop de distanciation sociale. J’étais lâchée pour la 25e ou 26e place, donc j’avais le temps de regarder (elle rit). J’ai vu que les gens portaient bien leurs masques. Cela a été respecté. Mais les jours d’avant, au finish, j’ai trouvé que c’était un peu olé olé. Ce sont des choses qui doivent donc être améliorées pour garantir la sécurité des coureurs mais aussi des gens qui habitent là-bas. Ce n’est pas seulement pour nous, évidemment, mais pour éviter que les gens se contaminent dans les endroits où on court. Donc, je pense que tout le monde doit s’améliorer. J’espère surtout qu’il n’y a pas eu de bug et qu’il n’y aura pas d’annulation de courses si jamais il y en a un. Je croise les doigts.
Et entre vous, dans le peloton, comment cela s’est-il passé au départ des courses ?
On en a rigolé un peu. On porte toutes le masque à l’hôtel ou pour aller signer la feuille de départ. Il faut faire tout ce qui est possible pour garantir notre sécurité. C’est une situation qui n’est pas gérable en fait. Il faut simplement faire au mieux. Et lorsqu’on fait au mieux, on limite les risques au maximum. Mais on s’est rendu compte depuis mars que le risque minimal n’existe pas. Il faut bien recommencer un jour et pour recommencer il faut qu’on tende vers le risque zéro, même si le risque zéro n’existe pas.
Au niveau de la course, était-ce étrange de reprendre la compétition après tant de mois d’attente ?
Oui, ici en Espagne, le terrain était très dur. Si on voit le résultat, notamment de cette dernière course, les trois premières sont les trois meilleures grimpeuses du monde. Les circuits étaient très compliqués. J’étais venue là pour voir où j’en étais par rapport aux autres et je pense que je m’en suis bien sortie. J’ai vu ça comme une semaine de stage, car ici au Pays basque, c’est tellement dur qu’on est tout le temps en prise et cela n’arrête jamais de grimper et descendre. En général, on ressort plutôt bien de ce type de compétition et j’espère que ce sera mon cas. Van Vleuten s’est beaucoup entraînée chez elle. Il faut relativiser et, jusque-là, j’ai appris à le faire et ce n’est sans doute pas terminé. Viendra ce qui viendra.
C’est une année très compliquée et je pense que cela le restera. Il faut prendre ce qu’on peut prendre. Je suis arrivé hors délais le premier jour et, à la limite, je m’en foutais. Anna (van der Breggen) avait terminé troisième, donc j’étais contente. Je termine la course, mon entraînement est fait. Dans une saison normale, cela m’aurait sans doute agacée. Pas là, ce n’est pas très grave. Vendredi, j’ai fait une superbe place (cinquième), je me suis battue pour rester au contact dans les bosses et j’étais beaucoup mieux que le jour d’avant. Je repars avec des ondes positives, on va dire, et j’espère que cela va porter ses fruits pour ce qui, j’espère, va suivre…
Ce qui va suivre, ce sont les Strade Bianche, samedi…
Oui, c’est une course qui me plaît beaucoup, mais ce sera différent des autres éditions. Car il est annoncé 38 degrés en Toscane et la chaleur n’est pas vraiment mon point fort. Il faut que je m’acclimate à cette chaleur. Je vais tout donner pour aller le plus loin possible. Anna (van der Breggen) a démontré ici qu’elle mérite d’être soutenue par toute l’équipe. Parce que c’est notre meilleure carte et parce que c’est juste une fille chouette. Il faut qu’on fasse le plan pour qu’elle puisse aller au bout de ses ambitions. De mon côté, je vais essayer de m’intégrer à ce plan-là.
Vous vous rendez comment en Italie ?
Là, nous avons trois jours de route en bus jusqu’en Toscane. Il n’y a pas de vol direct et on ne voulait prendre aucun risque avec des vols d’abord annoncés puis annulés. Et puis, c’est un risque de contamination. Donc, on a choisi ce transport en bus. On fait ce chemin de croix ensemble (elle rit) !
Entretien avec Denis Bastien
Le classement
Dimanche, Durango-Durango Emakumeen Saria (1.1) : 1. Annemiek Van Vleuten (Ned/Mitchelton-Scott) les 113 km en 2 h 51’17 »; 2. Anna Van der Breggen (Ned/Boels Dolmans) 18″; 3. Elisa Longo Borghini (Ita/Trek-Segafredo) 1’05 »; 4. Clara Koppenburg (All/Paule Ka) 1’07 »; 5. Marta Cavalli (Ita/Valmcar) 1’38″… 26. Christine Majerus (Lux/Boels-Dolmans) 4’02″…