Après une coupure à la suite des classiques flandriennes, Christine Majerus reprend la compétition au pays avec le Ceratizit Festival Elsy Jacobs.
Dans un vaste tour d’horizon, un retour sur les classiques et les perspectives avec une fin de saison intense, Christine Majerus, lauréate en 2017 et deuxième l’année suivante, explique pourquoi elle part sans objectif précis dans le Festival Elsy Jacobs.
Tout d’abord, les classiques de printemps viennent de se terminer sur le succès d’ailleurs de votre coéquipière chez SD Worx, Demi Vollering dans Liège-Bastogne-Liège. Quel bilan personnel tirez-vous de cette première partie de la saison ?
Je peux être très satisfaite de mes classiques. On a fait du bon boulot avec l’équipe, on a récolté six succès avec le groupe dans lequel j’étais (NDLR : au total, l’équipe SD Worx a remporté huit succès, puisque la Flèche Wallonne avec Anna Van der Breggen et Liège-Bastogne-Liège avec Demi Vollering se sont ajoutées). J’ai été acteur dans ces courses et j’étais en bonne condition, du début à la fin. C’est ça que je retiens en plus de mon succès dans l’Omloop van de Westhoek (le 23 mars dernier). Après une année 2020 sans courir beaucoup (NDLR : Christine Majerus a totalisé 16 jours de course en 2020), cela m’a fait du bien d’avoir un mois où j’allais de course en course, de pouvoir recourir, profiter de la compétition. Il faut qu’on soit satisfaites de ce que nous avons fait.
Comment jugez-vous les performances de votre équipe, remaniée pour 2021 ?
On s’était bien renforcées pendant l’hiver. On a eu plus de coureurs. On avait déjà été très fortes dans les classiques. Il nous manquait peut-être une ou deux filles pour épauler Anna dans les courses qui grimpaient un peu plus. C’est ce que le management a fait et cela s’est vu dans les classiques ardennaises. Cette saison, on avait une équipe pour les classiques flandriennes et une autre pour les Ardennaises. C’est aussi pour ça que je n’ai pas du tout couru les Ardennaises. Nous avions deux programmes bien séparés pour deux profils de coureurs. Cela s’est vu, les recrutements ont été bons. Gagner la Flèche pour la 7e fois et carrément emmener Demi (Vollering) sur du velours jusqu’à la ligne, dimanche dernier à Liège, c’est fort. Anna porte vraiment l’équipe au plus haut, c’est une très grande championne. C’est aussi grâce à elle que les Ardennaises et le mois d’avril ont été très réussis, je pense.
Je ne vais pas me présenter au meilleur de ma forme ce week-end, c’est tout à fait normal
En regardant le final de Liège-Bastogne-Liège, dimanche, on pouvait se dire, que vous auriez pu y faire quelque chose…
Non, je ne pense pas, je n’ai pas de regret par rapport à ça. L’équipe qui était là a fait le mieux possible. Je ne dis pas que je n’apprécie pas Liège-Bastogne-Liège. Mais c’est juste un fait, j’ai eu onze jours de course en un mois et pour la suite de mon programme, il me fallait couper. D’ailleurs, après le Tour des Flandres, j’ai coupé cinq jours et je suis tombée malade. D’aller faire Liège en sortant de maladie et en reprise, ce n’était absolument pas un choix que je recommande (elle rit). Dans les conditions où je me serais trouvée, je n’aurais rien pu apporter à l’équipe. C’était un choix de viser les courses de mars, donc, on ne peut pas tout faire. L’équipe des Ardennaises n’avait pas couru en mars. Elles étaient fraîches et cela a été leur force ces derniers jours. D’autres filles qui n’avaient pas cette possibilité comme Elisa Longo Borghini, par exemple, ont peiné.
Vous pensez que votre place se trouve davantage sur les classiques flandriennes ?
Oui, c’est là où je peux être un poil plus efficace. Cela nécessite plus d’expérience. C’est plus nerveux et ce sont des courses que j’apprécie plus. Après, cela ne veut pas dire que physiquement, je ne serais pas capable de briller sur l’Amstel ou Liège. Mais voilà, ce sont des choix qu’on fait en tout début d’année et je n’ai pas de regret.
Le cyclisme féminin suit exactement le cyclisme masculin sur la spécialisation des compétiteurs. Il faut se spécialiser ?
Non, je pense que chez les filles, c’est possible d’être compétitrice sur les deux types de course. Les équipes s’étoffent un peu, il y a plus de coureurs. Il faut faire courir tout le monde. Si on avait deux coureurs de moins dans l’équipe, j’aurais été au départ de Liège-Bastogne-Liège. Du coup, ça pousse à avoir un double programme, pour les coureurs de mars et d’avril.
D’une manière générale, on a l’impression que le niveau est encore en train de monter et que les courses sont de plus en plus indécises, comme ce fut le cas dimanche à Liège…
Je pense que c’est comme ça depuis quelques années déjà, c’est juste que vous ne le voyiez pas ! (elle rit) Heureusement que la télé commence à retransmettre nos épreuves, les gens se rendent enfin compte que ce sont des courses très intéressantes. Mais je vous rassure, les déroulements de course, cela a toujours été comme ça. Mais je suis très contente que vous le disiez. Ce n’est pas nouveau, ça fait des années que le niveau est très élevé chez les filles. Peut-être encore un poil plus en cette année olympique. Tout le monde essaye d’élever son niveau et c’est aussi une année corona. Tout le monde a à cœur de tout faire à fond, car on ne sait pas ce qui peut arriver. Du coup, cela fait des courses très intéressantes. Je suis contente que cela puisse se voir maintenant.
Après le Festival Elsy Jacobs, quelle sera la suite de votre programme ?
J’avoue que par rapport à mon programme, Elsy Jacobs arrive de manière un peu bizarre, car juste après les classiques. Je n’avais rien avant. J’ai fait ma coupure et j’en avais besoin, c’est important que je respecte ça pour la suite de ma saison. Malheureusement, il n’y a pas grand-chose non plus derrière. Il fallait aussi faire un choix par rapport à ça. Je ne vais pas me présenter au meilleur de ma forme ce week-end, c’est tout à fait normal. C’était prévisible et programmé. Cela n’était juste pas possible de faire autrement. Je vais essayer de combler ça avec de la fraîcheur et de la motivation. Pour la suite, j’espère être alignée sur le Tour de Thuringe à la fin mai (25-30). Ce serait important pour moi d’avoir ça comme course de préparation pour les Jeux. Je ne ferai pas le Giro (2-11 juillet) car c’est trop rapproché des Jeux. Il me faut une course par étapes, donc je compte sur cette course pour augmenter mon niveau et l’améliorer jusqu’aux Jeux. Mais je dois vous dire que j’ai surtout les yeux rivés sur la fin de saison.
Je me suis déjà faite à l’idée que les Jeux ne seront pas des Jeux, mais juste une course de vélo !
Avec les championnats du monde…
Oui, avec Paris-Roubaix, le Tour d’Angleterre. L’objectif, c’est d’être au top de ma forme ces trois week-ends-là. Je dois calculer mes efforts. Je suis quelqu’un de très investi dans ce domaine, je suis tout le temps à fond à l’entraînement et en compétition, mais je dois garder en mémoire que les objectifs sont en fin de saison. Il me faut garder des forces jusque-là. Ce qui va arriver maintenant, je dois le prendre avec calme et de façon réfléchie. Pour pouvoir compter sur mes forces à la fin.
Par rapport aux Jeux olympiques, on imagine que l’incertitude actuelle ne doit pas être facile à vivre…
Je me suis déjà faite à l’idée que les Jeux ne seront pas des Jeux, mais juste une course de vélo ! Normalement, c’est le fait d’être en équipe, dans le village olympique, d’y être avant, d’aller à la rencontre d’autres sports. D’y rester un peu après. De faire partie de l’esprit olympique. Si cette année, ça a lieu, ce ne sera absolument pas ça et c’est compréhensible. Je vois ça comme une course, comme une autre. J’espère aller au Japon, faire les deux courses avec le chrono, de mon mieux. Et après, je vais repartir. Cela se résumera à ça malheureusement.
Finissons avec le Festival Elsy Jacobs. La situation sanitaire étant ce qu’elle est, il n’y aura pas de public sur le bord de la route. Cela sera donc particulier pour vous, non ?
Oui, ce n’est pas l’essence du sport professionnel qui a aussi pour but de rassembler les gens autour d’une passion et là, on ne va rien rassembler du tout (elle rit). On se rassemblera nous et heureusement que les retransmissions télé se sont bien développées avec la crise sanitaire. C’est un point positif malgré tout, au moins nos courses sont retransmises à la télé. Mais c’est vrai que le public, ça manque. Même si ce n’est pour ça qu’on fait de la compétition. Si c’est la seule condition pour continuer notre sport et notre métier, on l’accepte volontiers. C’est surtout une façon de protéger tout le monde. C’est ça le plus important, que tout le monde reste dans sa bulle et qu’on ne mette en danger personne en organisant des compétitions.
Entretien avec Denis Bastien