Bob Jungels visera un 7e titre dans le championnat national, devenu, année après année, une chasse gardée. Mais, même en l’absence de Ben Gastauer, l’adversité sera bien réelle.
Histoire sans doute de bien nous remettre au clair avec la pandémie actuelle, l’absence de Ben Gastauer, dimanche au départ des championnats, va servir de rappel général. Comme le foot, le cyclisme, qui a repris son envol guidon en avant depuis quelques semaines, ne peut échapper à cette réalité. Le virus du sport s’incline allègrement et logiquement face au coronavirus.
Le Schifflangeois de l’équipe AG2R La Mondiale n’est pourtant pas positif pour le moment. Mais le fait d’avoir côtoyé son coéquipier américain Larry Warbasse samedi dernier sur le Tour de Lombardie suffit à l’écarter de facto du championnat national. Tout comme il n’a pu disputer vendredi la dernière étape du Tour de Limousin dont il avait été l’an passé un protagoniste majeur.
Ainsi va la vie du sport en ces temps d’épidémie, on ne badine pas avec les mesures de précaution, il n’y a d’ailleurs pas d’autre chemin à prendre pour le moment.
Sans doute nous réjouissions-nous un peu trop vite d’une belle affiche pour ces championnats nationaux déplacés de juin à ce week-end pour les raisons que l’on sait. Parce qu’on retrouvait six coureurs évoluant en World Tour, trois en Pro Team et une ribambelle d’autres en Continental. Un championnat plus dense que les années précédentes se préparait.
Bon, a priori, seul Ben Gastauer va manquer. Mais c’est justement parce que le Schifflangeois de l’équipe AG2R La Mondiale a mis chaque année un point d’honneur, l’expression n’est pas trop forte, à être présent au départ des championnats que son absence pèsera forcément. D’autant plus que son manager, Vincent Lavenu, a longtemps entretenu le souhait de le voir revêtir un jour la tunique tricolore.
Bob Jungels imbattable depuis 2015
Ce ne sera pas pour cette année encore. Mais le patron de l’équipe AG2R La Mondiale peut encore espérer voir un de ses coureurs porter le tricot… à partir de 2021. Si, bien sûr, Bob Jungels passe de six à sept titres, comme il vient de le faire jeudi soir dans le chrono.
En course en ligne, il n’a jamais été battu depuis 2015. C’est dire s’il en impose. D’ailleurs, l’intéressé ne cache pas son attachement à ce maillot distinctif. «Au niveau visibilité, c’est toujours la meilleure chose qu’on peut faire pour les sponsors», explique-t-il ainsi.
Ses titres, c’est toujours à la force du mollet qu’il est allé les chercher, jusqu’à assommer littéralement l’adversité. Cette année encore, il n’aura aucune raison de rouler en dedans, il connaît l’attachement de sa future équipe, comme de sa formation actuelle, Deceuninck-Quick Step, qui s’est effectivement toujours montrée intéressée par ces championnats.
Bref, ses adversaires sont forcément prévenus, Bob Jungels ne sera pas facile à contourner sur un parcours très rugueux qui risque de faire de gros dégâts sur le final.
S’il a pu paraître en difficulté voici une semaine sur le Dauphiné, l’intéressé a parfaitement resitué les choses dans leur contexte. «Personnellement, je vois une bonne évolution. Au niveau de l’entraînement, je suis là où je dois être. C’est clairement le rythme de course qui m’a manqué pour réussir un meilleur résultat dans le Dauphiné. Mais je ne m’inquiète pas trop, je pense que beaucoup seront fatigués après deux semaines de Tour de France…», nous disait-il en début de semaine.
Depuis un nouveau titre, celui du contre-la-montre, donc, est venu épaissir son palmarès. «Chaque titre aux championnats nationaux est spécial, mais celui-ci semble plus spécial, car nous ne savions pas si nous allions à nouveau courir cette année, donc chaque course que nous faisons et chaque victoire que nous remportons est importante. Maintenant, j’ai hâte de participer à la course sur route de dimanche», a-t-il expliqué jeudi soir.
Beaucoup de possibilités
Reste que l’adversité sera bien présente. L’équipe Trek-Segafredo aura l’avantage numérique avec le duo Michel Ries-Alex Kirsch. Ce n’est pas négligeable. Il s’agit de deux très bons coureurs aux registres certes différents mais parfaitement complémentaires dans le cadre d’un championnat où, par définition, tout peut arriver. Franchement, ils ont un bon coup à jouer.
On pourra également compter sur la fougue et la force de Kevin Geniets, un pilier dans le succès d’Arnaud Démare sur le récent Tour de Wallonie. Malgré la fatigue, il fut auteur d’un bon chrono (3e à 52 secondes de Bob Jungels). Surtout, tous les terrains semblent lui convenir et plus il y a de difficultés et plus il semble émerger. «Je me sens très bien, le travail paye et il faut en profiter!», expliquait-il avant de glisser : «J’aurai deux jours de récupération après le chrono. Je serai frais au départ. J’ai vraiment envie de jouer, oui…»
Des frères Wirtgen, Tom et Luc, (Bingoal), de Jan Petelin (Vini Zabu) comme d’Ivan Centrone (Natura4Ever), on peut attendre une course de mouvement, genre «marche ou crève». Attention, les deux frangins ont acquis une cylindrée ces derniers temps. Ils possèdent donc une vraie force de frappe et sont à l’aise sur les circuits toboggans.
Reste à évoquer le cas de Jempy Drucker qui a repris sa saison par deux courses qui n’entraient pas dans ses cordes. Le Tour de Lombardie et le Tour d’Émilie, ces classiques de grimpeurs, sont derrière lui. Nous sommes encore loin des classiques de pavés qui garniront l’automne bien après le Tour de France dans cette saison chamboule tout, sens dessus dessous.
C’est-à-dire qu’il ne possède pas encore la carburation idéale. Lui aussi aimerait et mériterait de connaître cet honneur, pas encore immunisé contre le virus du championnat qui touche chaque coureur. Sait-on jamais!
Denis Bastien