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[Cyclisme] Kirsch : «Compliqué de souffrir quand on n’a plus de courses à l’horizon»


Alex Kirsch, ici en plein effort avec le champion du monde Mads Pedersen, ne sait absolument pas ce qui va se passer. (Photo : trek-segafredo)

Alex Kirsch n’est pas allé au bout de la dernière étape de Paris-Nice. Une fois son boulot fait, il a mis la flèche. Pas évident de trouver de la motivation quand l’avenir est aussi incertain.

Vous n’avez pas terminé la course. Vous avez eu un problème?

Alex Kirsch : Non, c’est simplement que j’étais lâché et après j’ai abandonné. Il faut dire que c’est un peu compliqué de souffrir quand on n’a plus de courses à l’horizon.

Vous avez compris la décision d’arrêter Paris-Nice un jour avant la date prévue?

Oui. Au début de la course, on pensait que ça irait jusqu’au bout. Mais jeudi, quand on a entendu que les premières classiques étaient annulées, on se doutait que ça serait moins évident. Bien sûr, décider d’avancer la fin de l’épreuve n’est pas facile, mais, selon moi, c’était nécessaire. De plus en plus de pays ferment leurs frontières et il fallait aussi que les coureurs puissent rentrer chez eux.

C’est pour cette raison que votre coéquipier danois Mads Pedersen, le champion du monde, est rentré plus tôt chez lui?

Oui. Et tout le monde rentre en voiture. L’équipe a privilégié ce mode de transport plutôt que l’avion, on ne voulait pas risquer d’être arrêté à la frontière.

Ce Paris-Nice s’est déroulé dans des conditions forcément très particulières. Qu’avez-vous pensé des équipes qui ont décidé de déclarer forfait?

On ne savait pas ce qui allait se passer. Personnellement, je trouve qu’elles ont pris des décisions un peu trop tôt. Il y a des gouvernements qui sont là pour prendre des décisions. S’ils disent qu’on peut courir, alors on peut courir.

Quelle a été la conséquence de l’annulation de Tirreno-Adriatico pour vous?

Ce qui a changé, c’est que Vincenzo Nibali a rejoint l’équipe et il fallait donc l’aider dans la plaine. Et le fait que je sois resté dans l’équipe pour Paris-Nice est une belle marque de confiance de leur part. D’autres coureurs voulaient également venir, mais Trek-Segafredo a décidé de laisser en place la majeure partie du groupe des classiques.

Forcément, cela fait un peu bizarre au début mais je tiens à signaler que les organisateurs de la course ont tout fait pour qu’on soit en sécurité. À aucun moment je ne me suis senti en danger

Qu’est-ce que cela fait de rouler sans spectateurs au départ ni à l’arrivée?

Forcément, cela fait un peu bizarre au début mais je tiens à signaler que les organisateurs de la course ont tout fait pour qu’on soit en sécurité. À aucun moment je ne me suis senti en danger, ils ont pris les mesures nécessaires pour que tout se passe bien. On était seulement avec une seule autre équipe dans l’hôtel, on faisait très attention à l’hygiène, on fréquentait toujours les mêmes personnes. On était plus en sécurité que si on était à la maison. Après, spectateurs ou pas, ça reste un boulot. On est là pour le faire et on le fait.

On imagine que ce n’est pas facile de se motiver au vu du contexte?

C’est vrai que je suis venu ici parce que je voulais souffrir en vue des classiques. Mais maintenant, on sait très bien que ça va être compliqué. Je crois qu’officiellement, tout est annulé jusqu’au 4 avril, le Tour des Flandres c’est un ou deux jours après… en France, tout est à l’arrêt aussi. Donc ça ne devrait pas avoir lieu. Mais de toute façon, ce n’est pas le plus important. Ce qui prime, c’est la santé de tous. Le vélo, ça ne reste que du vélo.

C’est d’autant plus dommage que, si on prend le plan purement sportif, vous êtes en grande forme. On a le sentiment que vous avez franchi un palier. Comment l’expliquez-vous?

Je pense que la saison dernière et notamment la Vuelta, tout cela m’a fait du bien. Le fait d’avoir beaucoup de jours de course m’a incontestablement servi pour cette saison. C’est un mélange d’un peu tout : j’ai bien travaillé tout au long de l’hiver, je me sens très bien dans l’équipe, j’ai plus l’occasion de rouler pour moi et sur le plan personnel, tout se passe bien, je suis marié, j’ai de la stabilité. J’essaie chaque année de progresser et c’est le cas cette saison encore.

De quelle course êtes-vous le plus content pour le moment?

Je dirais le Het Nieuwsblad. Au-delà de mon simple résultat (NDLR : il avait terminé), on a gagné avec l’équipe et j’étais présent dans le final.

Sur ce Paris-Nice, on vous a également vu très à l’aise, notamment sur la deuxième étape, dans les bordures?

Je pense que je suis un des meilleurs du peloton dans les bordures. Il faut avoir certaines qualités dont je dispose. Il faut un physique, comprendre rapidement les situations, voir la course. Sur ce cas particulier c’était beau, mais la plus grande difficulté c’est que ma mission, c’était de faire en sorte que Nibali soit dans la première bordure. On a bien travaillé avec Mads (Pedersen) et lâché de nombreux concurrents. On était les plus forts physiquement.

Sur la dernière étape, on vous a même vu un court instant à l’avant?

Oui. J’ai tenté de partir. L’idée était de se lancer dans une échappée pour aider Nibali par la suite, mais j’ai été repris dans le premier col. Je ne pouvais plus l’aider, mon boulot était fait.

Dans ma tête, c’est le vide. Je vais me reposer un ou deux jours et ensuite reprendre l’entraînement

Et maintenant, quelle est la suite?

Dans ma tête, c’est le vide. Je vais me reposer un ou deux jours et ensuite reprendre l’entraînement.

Tant que vous le pouvez…

Là encore, on verra bien ce qui se passera. Le plus important, comme je l’ai déjà dit, c’est de faire attention à son entourage. On ne peut rien changer à la situation, on ne peut faire que ce qu’on nous dit de faire. Si on ne peut plus sortir, on peut toujours faire du rouleau!

Quel est votre état d’esprit?

Forcément, je ressens un grand vide. J’ai passé tout l’hiver et bien travaillé pour faire une bonne saison. Ça a plutôt bien commencé et j’attendais avec impatience les classiques. Maintenant, avec ce qui se passe, la motivation n’est pas au top. Mais ma situation n’est pas la pire, je ne suis pas en fin de contrat, je n’ai pas la pression de voir me montrer.

Vous pensez pouvoir courir quand?

C’est forcément impossible à dire. J’ai le feeling qu’on pourrait reprendre début mai, mais je n’en sais rien du tout. Peut-être qu’on ne courra plus de toute l’année…

Entretien avec notre journaliste Romain Haas