Classé seizième samedi des Strade Bianche, Kevin Geniets, très entreprenant, a confirmé des progrès déjà entrevus la semaine d’avant sur le Het Nieuwsblad.
Lorsqu’on le vit parvenir à tenir la roue des meilleurs, et mieux, parvenir à passer d’identiques relais, on se pinçait pour s’assurer qu’on ne rêvait pas. Certes, une semaine plus tôt sur les pavés du Het Nieuwsblad où il s’était payé son premier top 10 dans une classique du World Tour, il avait, par exemple, parfaitement collé à la roue de Greg Van Avermaet, avant un regroupement de costauds sur le final. Mais cette fois, le Belge avait disparu de la circulation et Kevin Geniets semblait promener d’égal à égal son beau maillot national aux côtés de Mathieu Van der Poel ou de Julian Alaphilippe…
Tour à tour, Stefan Kung, et Valentin Madouas, les deux leadeurs préposés de son équipe avaient disparu des radars et le luxembourgeois se retrouvait un temps en compagnie de Romain Seigle pour représenter Groupama-FDJ. Et puis, lorsque la pente se cabra sur ces Strade Bianche éclairées d’un soleil printanier, on distingua sa haute silhouette aux côtés du champion du monde, du champion des Pays-Bas, du dernier vainqueur du Tour, Tadej Pogacar, de l’avant-dernier, Egan Bernal et encore du prodige anglais Tom Pidcock, du non moins prodige américain Quinn Simmons, de l’Autrichien Michal Gogl et enfin de Wout Van Aert, dernier lauréat de la jeune mais rafraîchissante classique italienne. Excusez du peu!
Nous étions loin encore de la classieuse Piazza del Campo, à Sienne, mais le tableau méritait d’être encadré. On s’en souviendra longtemps, car les Strade Bianche ont désormais une place presque aussi importe qu’un monument dans le calendrier, d’où cette participation élitiste.
Il restait les deux derniers secteurs de gravier à passer. Quinn Simmons allait d’abord percer puis chuter. Et Kevin Geniets lâcha prise sous une accélération, la première, pas la dernière, de Mathieu Van der Poel. «Je sentais que ça roulait alors trop vite, je voulais rester à mon rythme avant que ça n’explose vraiment. J’avais de bonnes jambes, je me disais qu’au pire, je n’arriverais pas à suivre. Je voulais savoir à quel point je pouvais suivre. Finalement, je sais où j’en suis…», rapporte le champion national.
Je me suis dit, tu es là : tu ne vas pas te cacher, tu joues comme tous les autres. C’est le jeu. Je pense avoir fait une grande course.
Kevin Geniets qui avait tenu à passer ses relais comme les autres lorsqu’il était en tête, allait faire de même lorsqu’il fut récupéré par le groupe emmené par Jakob Fuglsang. «On a cru qu’on allait rentrer devant puisque nous n’avions plus que dix secondes de retard à 37 kilomètres de l’arrivée, le groupe de tête était juste devant nous, mais l’effet s’est inversé dans le 9e secteur. Cela ne roulait pas beaucoup moins vite que devant. Mais j’ai senti que c’était plus mon niveau. Mais c’était encore long avant d’aller à l’arrivée. Personnellement, j’ai termine vidé, j’ai tout donné mais je ne le regrette pas. Je me suis dit, tu es là : tu ne vas pas te cacher, tu joues comme tous les autres. C’est le jeu. Je pense avoir fait une grande course», poursuit Kevin Geniets qui reste placé en mode progression au fil des mois, des semaines et même des jours. À 24 ans, sa courbe est naturellement ascendante.
«Au départ, on voulait protéger Stefan (Kung) et Valentin (Madouas) mais on avait aussi la carte Kevin (Geniets) juste derrière, avait débriefé Sébastien Joly, directeur sportif de Groupama-FDJ. On s’était dit que ça pouvait être bien d’anticiper la course des leaders, ce que Kevin a fait à la perfection. Il a bien senti le coup partir. Il est l’un des derniers à craquer du groupe des champions.»
Kevin Geniets, lui, faisait dérouler le film dont il avait été l’un des acteurs et non un simple figurant : «C’était une course vraiment dure dès le début et ça s’est décanté assez vite. J’avais la chance d’être dans ce groupe sorti juste avant le secteur décisif, et j’avais donc un petit coup d’avance. C’est une course qui me convient aussi. Même s’il faut que je devienne plus résistant à l’avenir, il faut des qualités de grimpeur et de puncheur. Je me sentais vraiment bien, quand les plus grands noms sont sortis, j’y suis allé. On a vite été rejoints par les gros et j’ai essayé de suivre. Je me suis dit au pire, j’explose, tant pis. Je ne voulais pas avoir de regrets, je ne voulais rien m’interdire. Je me suis accroché et accroché encore, mais ça roulait un cran trop vite pour moi et j’ai senti que ça n’allait pas le faire. On n’a vraiment eu aucun moment pour récupérer, c’était full gaz quasiment jusqu’à l’arrivée…»
Le travail paie, il faut que ça continue comme ça et surtout rester concentré pour les classiques qui se profilent…
Après l’arrivée, il était forcément lessivé, mais heureux du résultat : «Je suis vraiment très content. Je pense que l’Omloop (Het Nieuwsblad) et les Strade Bianche m’apportent des réponses encourageantes. Le travail paie, il faut que ça continue comme ça et surtout rester concentré pour les classiques qui se profilent…» Il revient une dernière fois sur la course : «J’aime bien cette course, bon, il me faut passer quelques jours, car je suis bien fatigué, mais oui, ca peut devenir l’une de mes courses fétiches…»
Kevin Geniets va pouvoir souffler. («Avec le Nieuwsblad, Kuurne-Bruxelles-Kuurne et ces Strade Bianche, je viens de faire trois courses à bloc et, mentalement, c’est un peu dur de récupérer…», confesse-t-il. Avec ses équipiers, il va s’élancer dès mercredi dans Tirreno-Adriatico où Thibaut Pinot sera leader de l’équipe française («On aura une belle équipe, mais pas d’obligation personnelle, sinon de poursuivre notre préparation des classiques, faire des étapes un peu plus cool, même si on aura une belle équipe», glisse encore Kevin). Avant de retrouver Arnaud, Démare pour Milan-San Remo, le monument italien que le jeune luxembourgeois va découvrir. De découverte en découverte…
Denis Bastien
Le classement
1. Mathieu Van der Poel (NED/Alpecin-Fenix) les 184 km en 4h40’29″ (moy : 39,36 km/h); 2. Julian Alaphilippe (FRA/Deceuninck-Quick Step) à 5″ ; 3. Egan Bernal (COL/Ineos) 20″; 4. Wout Van Aert (BEL/Jumbo-Visma) 51″; 5. Thomas Pidcock (GBR/Ineos) 54″; 6. Michael Gogl (AUT/Qhubeka); 7. Tadej Pogacar (SLO/UAE) tmt; 8. Simon Clarke (AUS/Qhubeka) 2’25″; 9. Jakob Fuglsang (DAN/Astana) mt; 10. Pello Bilbao (ESP/Bahrain) 2’39″… 13. Tim Welllens (BEL/Lotto Soudal) 4’19″… 16. Kevin Geniets (LUX/Groupama-FDJ) 4’30”…18. Bauke Mollema (NED/Trek) 6’26″… 19. Greg Van Avermaet (BEL/AG2R Citroën)… 20. Romain Bardet (FRA/DSM) tmt… 23. Alebrto Bettiol (ITA/EF Education) 6’32″… 31. Stefan Kung (SUI/Groupama-FDJ) 6’43″… 47. Alejandro Valverde (ESP/Movistar) 7’04″