Le coureur luxembourgeois de 35 ans ne désespère pas encore complètement à l’idée de retrouver une équipe pour 2022. Mais plus les jours passent…
Il nous l’expliquait avec force à la fin du mois d’octobre. «Si je reçois une chance, je la prendrais avec les deux mains», résumait-il ainsi. Une cinquantaine de jours plus loin, rien n’a changé. Sauf que la fin de l’année approchant, les chances de voir Jempy Drucker encore professionnel en 2022 se sont logiquement amenuisées. «La situation n’est pas des plus agréables pour moi. Mais j’estime que cela fait partie de la vie. Une carrière sportive, on espère la finir par une bonne histoire, mais quelquefois, on n’a pas le choix», consent le coureur luxembourgeois qui courait cette saison pour l’équipe Cofidis.
Quelles sont les dernières nouvelles vous concernant?
Jempy Drucker : C’est un peu difficile. Je n’ai toujours pas trouvé d’équipe pour le moment. Il reste des discussions, mais ça traîne. C’est un peu difficile comme situation. J’essaie de faire comme si j’allais repartir en 2022. Je ne suis pas en stage actuellement, contrairement à tous les autres coureurs, mais je sors m’entraîner chaque jour. J’essaie de garder la forme, ce qui est bien pour la tête aussi. Et je garde toujours en tête qu’une porte peut s’ouvrir. Dans ce cas, je serai presque directement opérationnel si une équipe veut de moi avant janvier.
Récemment, des portes se sont-elles fermées?
Oui, cela a été le cas en effet. Il en reste d’autres qui sont à moitié ouvertes. Mais il faut être réaliste aussi. Je me rends compte que j’ai déjà un pied dans la retraite. La fin de ma carrière est sans doute plus proche que la poursuite de celle-ci.
On peut imaginer que la confirmation de l’arrêt de l’équipe Qhubeka a précipité les choses, non?
Oui, pour tous ceux qui restent sans équipe. Je ne sais pas combien de coureurs sont sur le marché, je dirais une quarantaine. Avec tous ces coureurs, on pourrait faire une belle petite équipe. Qhubeka n’a pas annoncé la fin de l’équipe, mais sans licence World Tour, c’est plus dur.
Cette année, j’ai roulé en dessous de ma valeur et l’idée de finir comme ça me gêne (…) Je tiens à démontrer ce que je vaux encore en tant que coureur
Dans vos recherches récentes, vous avez dû baisser vos prétentions salariales?
Oui, bien sûr, si tu veux continuer, tu te rends compte que tu ne vas pas signer un grand contrat. Mais l’envie et la motivation sont toujours là chez moi. Cela importe plus à mes yeux que le simple aspect financier. Cette année, j’ai roulé en dessous de ma valeur et l’idée de finir comme ça me gêne. C’est ma motivation, je veux prouver que cette année s’est mal passée pour moi. Comme cela arrive parfois dans une carrière. Je tiens à démontrer ce que je vaux encore en tant que coureur. Voilà mon but.
Vous avez dressé un état des lieux des places encore disponibles dans chaque équipe?
Non (il rit). Non, il n’y a plus cinq possibilités pour moi, hein. Ça, c’est sûr (il rit). Les équipes partent en stage… Et moi, je suis resté à la maison. C’est un sentiment étrange, cela fait partie de ma situation.
Et vous parvenez néanmoins à partir chaque jour à l’entraînement…
Oui, comme je viens de l’expliquer, c’est d’abord parce que je suis encore motivé et que j’aime rouler. Histoire de rester en forme s’il y a quelqu’un qui me donne la possibilité. Et pour le mental, évacuer les mauvaises pensées dans mes tiroirs, quoi…
Vous allez rester dans cette attente jusqu’au 31 décembre?
Je ne veux pas rester en attente jusqu’en janvier non plus, ça ne servirait à rien. Les courses qui sont dans mes cordes, ce sont les classiques du printemps. Elles se préparent maintenant. Si ces prochains jours, rien ne bouge, alors ce sera la fin. Je ne vais pas attendre comme ça pendant trois semaines encore. Je veux continuer, parce que j’ai quelque chose à prouver. Mais je veux aussi me donner les moyens, avec les stages, de relever ce défi. Signer en février,14 ce ne serait pas possible par exemple…
Cela est déjà arrivé des arrivées tardives dans des équipes…
Oui, je me souviens que chez Bora, Shane Archbold était arrivé comme ça (NDLR : le lanceur néo-zélandais du sprinteur Sam Bennett était arrivé le 11 avril 2019 de la modeste équipe EvoPro Racing). Il y a des exemples comme ça, mais c’est rare. Mais je ne me vois pas continuer ça encore trois mois. Il faut rester réaliste et prendre des décisions. Savoir terminer un chapitre et en ouvrir un nouveau.
Si un chapitre se ferme, à toi d’ouvrir le prochain. Chacun a ça dans ses propres mains. On va voir…
Vous participez personnellement à la recherche d’équipes?
Non, c’est toujours mon agent (NDLR : Ken Sommer). Bien sûr, j’essaie de m’aider aussi le mieux possible si je connais des gens. Je lui demande s’il faut que j’appelle directement tel ou tel manager, ne serait-ce que pour m’expliquer par rapport à ma mauvaise saison. Raconter mon histoire et montrer que je suis revanchard. Si on regarde les chiffres, on se dit que mon histoire, c’est un coureur de 35 ans qui est fini. Mais moi, je sais ce que je vaux encore. Beaucoup de gens me disent, « tu as 35 ans, une famille à la maison, c’est le moment d’arrêter… » Mais je ne me sens pas usé. Je suis passé en World Tour à 27 ans seulement, j’y suis depuis sept ans. Si tu prends un jeune avec sept ans de World Tour, il a souvent 27 ans. C’est un problème, car j’ai 35 ans, mais moi, je sais que je ne suis pas fini et encore motivé pour effectuer tous les sacrifices, partir souvent de la maison. Le métier me plaît toujours autant.
Vous avez reçu du soutien de vos pairs?
Une aide, je ne peux pas dire, mais on me demande souvent où j’en suis. Après, ils ont une saison à préparer, il faut qu’ils se concentrent sur la suite.
À quoi ressemblent vos entraînements?
J’essaie de prendre de plaisir, j’ai monté un vélo gravel et je m’éclate pas mal en forêt.
Si d’ici à deux semaines, votre carrière devait se terminer, vous penseriez à effectuer une saison de cyclo-cross, la discipline qui vous a lancé?
Non, si tout s’était passé normalement, imaginons une fin de carrière programmée, je l’aurais fait. Style, je termine ma carrière sur route et j’enchaîne avec les cross au Luxembourg, histoire de boucler la boucle. Cela aurait été une belle histoire. Mais dans ma tête, j’avais décidé de continuer la route. Après ma coupure, je n’ai pas repris le vélo dans cette optique. Si on prend l’exemple de Ben (NDLR : Gastauer) qui a eu des pépins physiques en fin de carrière, il a programmé le Tour de Luxembourg comme dernière course. C’était parfait. Si j’avais choisi que c’était ma dernière saison, pourquoi finir avec quelques cross. Mais là, non…
Comme on imagine que vous n’avez pas pensé non plus à une reconversion?
Non plus. Si un chapitre se ferme, à toi d’ouvrir le prochain. Chacun a ça dans ses propres mains. On va voir…
Entretien avec Denis Bastien