À 33 ans, Ben Gastauer a décidé de tirer sa révérence après le Tour de Luxembourg. Il explique sa décision devenue inéluctable.
On l’appelait hier pour prendre de ses nouvelles lorsqu’il a confirmé sa décision d’arrêter sa carrière à l’issue du prochain Tour de Luxembourg (14-18 septembre), qu’il disputera comme une sorte de jubilé. Depuis sa difficulté physique à surmonter les suites d’un kyste à la selle, un problème de plancher pelvien, qui le poursuivait depuis avril (il avait dû renoncer au Tour de Romandie, course préparatoire au Tour d’Italie), le Schifflangeois de l’équipe AG2R Citroën avait des difficultés à reprendre un entraînement normal. D’où sa décision, à 33 ans, de mettre un terme à sa carrière.
Expliquez-nous pourquoi vous avez pris cette décision de stopper votre carrière professionnelle…
Ben Gastauer : Début juillet, lorsque j’ai pu reprendre l’entraînement, Vincent Lavenu (NDLR : le patron de l’équipe AG2R Citroën) m’a téléphoné pour me dire de ne pas m’inquiéter, que je pouvais poursuivre encore un an avec l’équipe. Il m’a juste demandé d’être honnête avec lui et de lui assurer que j’étais encore motivé. Cette marque de confiance m’a touché. Du coup, lorsque j’étais dans le sud de la France pour m’entraîner ces derniers jours, je me suis dit que je devrais retrouver un niveau correct, avec un physique irréprochable, pour poursuivre encore l’aventure. Finalement, cela ne s’est pas passé comme ça. La blessure m’a empêché de rouler comme je l’avais espéré. Je me suis donc dit, ça suffit. C’était important d’avoir le choix. Le choix de m’arrêter. Je ne voulais pas devenir malheureux en faisant du vélo. J’ai eu peur que ce soit le cas si je continuais, car j’ai des doutes et peur que la blessure persiste. J’ai senti que c’était le moment. Je suis encore heureux de pratiquer le cyclisme et heureux de ma carrière et de mon équipe. Et je peux avoir une belle sortie avec le Tour de Luxembourg, à la maison.
Lorsque vous évoquez vos difficultés actuelles, cela veut dire que vous n’êtes pas guéri…
J’ai eu le feu vert pour reprendre le vélo. Mais je ne parviens pas à dépasser deux, trois heures de vélo. Donc, je ne suis pas placé dans des conditions correctes. Les examens ont été faits avec le regard de notre médecin, le Dr Bouvat, mais les problèmes sont revenus. Personne ne pouvait le prévoir. Je ne sais pas combien de temps je devrais être arrêté pour guérir. Maintenant, ça suffit, j’essaie de faire du mieux possible pour disputer le Tour de Luxembourg et, ensuite, sans doute faudra-t-il que je suive un long repos pour me remettre. J’aimerais courir une course avant le Tour de Luxembourg, mais je pense que c’est trop risqué d’aggraver la blessure.
Psychologiquement, comment vous sentez-vous?
Bien, car je suis soulagé. Je suis en paix avec ça. Et malgré la blessure, je suis content de rouler mes deux heures. Je reste fier de ma carrière.
Avez-vous pensé à l’après-carrière?
Oui, je me prépare, depuis quelques années, je réfléchis, j’ai des idées, mais il faut maintenant voir ce qu’il est possible de faire. Les idées sont là et il faut les mettre en pratique. J’aimerais bien reprendre les études (kinésithérapie), mais je ne suis fermé à aucune suggestion.
Quelles sont les choses qui vous rendent fier de vos douze saisons chez les pros?
D’abord que je sois resté douze ans dans la même équipe en World Tour. C’est rare. Cela me rend fier et cela montre la belle relation que j’ai eue avec mon équipe. Ils ont toujours essayé de faire progresser l’équipe. Ils m’ont donné confiance, sportivement et humainement. La preuve, cette proposition que Vincent m’a faite, montre qu’il comptait sur moi. J’en suis fier. Et puis, tout ce qu’on a pu accomplir en équipe, c’est très bien, les podiums sur le Tour de France et le Giro. Ainsi, il y a eu le podium de John Gadret en 2011 sur le Tour d’Italie. La deuxième place de Jean-Christophe Péraud sur le Tour de France 2014, la sixième place de Romain Bardet et notre succès par équipe (Ben Gastauer, 21e du Tour, avait fortement contribué à ce sacre). Des quatre podiums que l’équipe a effectués dans les grands tours, j’étais à chaque fois présent. Je suis le seul. Cela me rend un peu fier, même si ce n’est pas moi qui ai fait le podium. C’est beau.
Mon meilleur souvenir? Le Tour 2014, c’était mon premier justement. On ne savait pas ce que cela allait donner et on a réussi à faire un Tour incroyable
Et si vous deviez retenir juste une course?
Le Tour 2014, c’était mon premier Tour de France, justement. On ne savait pas ce que cela allait donner et on a réussi à faire un Tour incroyable. On avait aussi remporté une étape (Blel Kadri à Gérardmer). Être monté sur le podium à Paris avec l’équipe était merveilleux.
Si vous deviez citer un coureur qui vous a marqué?
Il y en a deux en fait, (Jean-Christophe) Péraud m’a vraiment marqué avec sa deuxième place dans le Tour 2014, j’étais avec lui en chambre. C’est quelqu’un que j’aimais bien comme personne. Ensuite, il y a (Romain) Bardet qui avait fait le même chemin que moi, du centre de formation à l’équipe pro. Il a montré que c’était un grand leader et a tiré toute l’équipe vers le haut.
Quelle grosse déception vous a marqué?
J’ai eu une carrière sans trop de problèmes, mais en 2015, sur le Tour, j’ai chuté lourdement dans la 3e étape (dans l’étape de Huy), je me suis relevé avec des côtes cassées et un gros hématome. Puis je suis tombé malade, j’ai dû quitter le Tour (abandon dans la 11e étape). C’était une grosse déception.
Votre succès dans le Tour du Haut-Var occupe quelle place?
C’est mon unique succès chez les pros, cela reste un super moment. C’était important pour moi, j’ai toujours bien aimé y retourner. Je suis fier de cette victoire…
«Il laissera une impression durable dans l’équipe»
Vincent Lavenu, le patron de l’équipe AG2R Citroën, a commenté la décision du coureur luxembourgeois : «Ben Gastauer est venu de notre centre d’entraînement et a passé toute sa carrière avec l’équipe. C’est un coureur qui est apprécié de tous et qui a été un élément essentiel dans de nombreux grands succès d’équipe tels que notre victoire au classement par équipes du Tour de France 2014. Son excellent niveau de forme physique, sa loyauté et sa gentillesse laisseront une impression durable de son temps dans l’équipe. Je lui souhaite une carrière postcycliste réussie et qu’il prenne autant de plaisir dans sa vie de famille que dans sa carrière professionnelle.»
Denis Bastien