Classée 11e malgré une grosse chute survenue dans le final, Christine Majerus pouvait se montrer satisfaite de sa course, samedi, après le premier Paris-Roubaix féminin de l’histoire.
Fatiguée Christine Majerus ? Certes, mais pas complétement «cramée» non plus ! Détrompez-vous, il lui restait samedi soir assez d’énergie pour prendre le volant après la course pour rentrer expressément avant de repartir presque aussi vite. C’est qu’à compter d’aujourd’hui, la championne nationale sera au départ d’une autre épreuve du World Tour, la septième édition du Women’s Tour, le Tour de Grande-Bretagne, en six étapes, jusqu’à samedi. Avec ce lundi, la première, entre Bicester et Banbury (147,7 km). Mais évidemment samedi, il n’était question que de cette première édition de Paris-Roubaix, où malgré sa chute survenue à un peu plus de 18 kilomètres de l’arrivée, sur le pavé de Camphin-en-Pévèle, la championne nationale avait le sentiment, justifié, d’avoir vécu une grande journée, une grande première. D’avoir été l’une des actrices d’un spectacle qui avait tenu toutes ses promesses.
Après une telle course, si mouvementée, par où pouvons-nous commencer ?
Christine Majerus : (Elle rit) C’est à vous de voir…
Le premier sentiment qui vient à l’esprit après cette première édition de Paris-Roubaix féminin, c’est qu’il s’agit de la classique qui vous convient le mieux, non ?
Oui, très clairement. Je pense que c’est celle où je m’épanouis le plus. Mais je le savais déjà, je n’en avais pas fait de mystère, c’était celle-là ou aucune… Aujourd’hui (samedi), cela a conforté l’idée que j’en avais. C’est pour ça que je fais du vélo, pour ces courses-là, pour le fait d’être dans la confrontation, pas seulement des concurrentes, mais surtout avec les éléments. Après, c’est vrai que les conditions ont joué, mais ce sont aussi les conditions que je préfère.
Vous aviez reconnu plusieurs fois le tracé, mais en compétition, cela s’est-il avéré différent de ce que vous attendiez ?
Très franchement, je m’attendais à pire, mais je dis ça parce que je me suis sentie très bien aidée par mes coéquipières dans les trois premiers secteurs pavés. Elles ont fait tout le boulot d’approche pour moi, j’étais donc bien placée. Et lorsqu’on est bien placé, ça passe comme à l’entraînement. Je pense que j’avais une bonne journée. J’étais plutôt relax entre guillemets. Le fait de courir tout le temps devant et bien placée, ça empêche tout problème qu’on peut rencontrer. Tout a bien marché jusqu’au moment où cela n’a plus marché.
Si on repasse le film, je me dis que je n’aurais jamais dû me mettre dans la roue d’Ellen (Van Dijk)
Jusqu’à cette chute spectaculaire à un peu plus de 18 kilomètres de l’arrivée sur le secteur de Camphin en-Pévèle, une chute que vous ne pouviez pas éviter…
Oui, la chute en elle-même, je ne peux pas l’éviter. Mais si on repasse le film, je me dis que je n’aurais jamais dû me mettre dans la roue d’Ellen (Van Dijk). Elle est juste pas douée sur son vélo (elle rit). C’est l’erreur que j’ai faite. À un moment, durant la course, on a le choix entre une mauvaise et une très mauvaise solution. Pour moi, il me semblait que c’était la moins mauvaise. Je pense que c’était aussi le fait que Marianne (Vos) venait juste d’attaquer et on essayait de la suivre. Je sentais venir le truc. J’avais repris quelques places déjà, en sortant de ma ligne idéale car je sentais qu’il fallait que je replace, je n’avais pas pu faire cet effort auparavant. Tout le monde était à bloc, surtout Ellen. C’est là qu’on commet des erreurs. C’est ce qu’elle a fait, ça m’a coûté ma course.
Cela vous a coûté un podium ?
Je ne peux pas dire ça, ce serait ambitieux de ma part, mais un top 5, sans doute. C’est la vie, c’est ça aussi Paris-Roubaix. Il faut l’aimer dans les bons et les mauvais moments. Je me suis retrouvée la gueule dans la boue, mais j’ai adoré ça! Et voilà, je peux en vouloir à Ellen, mais surtout à moi-même de n’avoir pas été au bon endroit, au bon moment. Cela ne change pas mon avis que j’ai sur cette course ni le fait que j’étais parmi les plus fortes. Plusieurs fois, on s’est retrouvées à trois ou à quatre, cela aurait pu continuer. Mais on s’est regardées. Il faut penser que c’était une première pour nous, d’ordinaire sur les autres classiques, on a des références, on sait comment réagir. Là, il y avait beaucoup de monde qui avait beaucoup de respect pour la fin de course. Et on a vu que cela s’est avéré usant. Plus grand monde pouvait accélérer. Du coup, ça a peut-être bridé la course. Lizzie (Deignan) n’a pas attaqué. Il y a eu juste un trou et elle a roulé, personne ne voulait prendre ses responsabilités. D’habitude, c’est mon job de suivre des coups comme ça. Là, j’étais là, je l’ai vue partir. J’avais comme consigne de ne pas bouger. Là, elle fait un petit trou, ça part. Elle a bien joué, elle mérite de gagner, c’est beau ce qu’elle a fait. Derrière, on s’est battues avec ce qu’on avait, ce n’était pas assez.
Le vélodrome, c’est juste mythique. On l’a fait et on reviendra…
Dans tous les cas, cette classique s’est avérée très spectaculaire et intéressante à regarder…
Ça, je ne sais pas (elle rit), mais franchement, moi, j’ai pris beaucoup de plaisir sur le vélo. Cela faisait un moment que cela ne m’était pas arrivé. À force, on connaît les courses et mon rôle se ressemble aussi souvent. Avec les années, on devient un peu blasé. Là, j’étais dans mon élément, c’est tout moi, ça! Après, sans chute, cela aurait été bien aussi, mais voilà, au moins j’ai pris du plaisir.
Et quelle sensation avez-vous ressentie avec l’arrivée sur le vélodrome ?
À vrai dire, j’étais concentrée, j’étais revenue sur les deux filles qui sont derrière moi au classement. Je me suis dit que je n’allais pas encore finir par terre (elle rit). Je m’étais fait mal pour revenir sur elles après ma chute, j’avais pris une belle béquille et j’avais mis du temps pour retrouver un bon coup de pédale. Non, c’était bien, tout au long du circuit. J’ai vraiment eu beaucoup d’encouragements. Je ne sais pas si c’est le fait de courir en France, mais j’en ai eu plus qu’en Belgique. Du coup, ça fait plaisir. Oui, le vélodrome, c’est juste mythique. On l’a fait et on reviendra…
Entretien avec Denis Bastien
Le classement
1. Elizabeth Deignan (GBR/Trek-Segafredo), les 116,5 km en 2 h 56’07″ (39, 6 km/h); 2. Marianne Vos (NED/Jumbo-Visma) à 1’17″, 3. Elisa Longo Borghini (ITA/Trek-Segafredo) à 1’47″; 4. Lisa Brennauer (GER/Ceratizit-WNT Pro Cycling) à 1’51″; 5. Marta Bastianelli (ITA/Alé BTC Ljubljana) à 2’10″; 6. Emma Noorsgard (DAN/Movistar); 7. Franziska Koch (GER/DSM); 8. Audrey Cordon Ragot (FRA/Trek-Segafredo); 9. Marta Cavalli (ITA/FDJ); 10. Chantal Blaak (NED/SD Worx) tmt; 11. Christine Majerus (LUX/SD Worx) 3’03″; 12. Leah Thomas (USA/Movistar); 13. Marjolein Van ‘t Geloof (NED/Drops – Le Col) tmt; 14. Amy Pieters (NED/SD Worx) 4’26“; 15. Lotte Kopecky (BEL/LIV Racing) 4’33″; 16. Cécile Ludwig (DAN/FDJ) mt… (61 classées).
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