Alex Kirsch (Trek-Segafredo) qui se remet d’une grosse chute sur le Circuit de la Sarthe, explique ses aspirations à réussir un bon Paris-Roubaix et à porter son leader, Mads Pedersen, vers un succès.
Des points de suture, une dent endommagée et des égratignures. Alex Kirsch porte encore sur son visage les stigmates de la violente chute qui l’a fauché en tête de peloton, le 8 avril dernier, alors qu’il restait quatre kilomètres à couvrir sur le Circuit de la Sarthe, ultime épreuve préparatoire à Paris-Roubaix qui refermera définitivement dimanche la campagne des classiques flandriennes (après une coupure bien méritée, Alex Kirsch reprendra avec le Tour de Norvège fin mai et le Tour de Belgique à la mi-juin).
L’an passé, il nous avait fait part de ses ambitions pour ce Paris-Roubaix, exceptionnellement disputé début octobre, pandémie oblige. Mais des pavés, il n’avait rien vu puisqu’il avait été la victime d’une grosse chute collective à plus de 160 kilomètres de l’arrivée, c’est-à-dire, avant même les premiers secteurs. Sur la reine des classiques, une malchance insigne continue de poursuivre le précieux capitaine de route de l’équipe Trek-Segafredo, qui roule assurément cette année à son meilleur niveau. Une fois hors délais (2019) et deux abandons (2018 et 2021), il en sera à sa quatrième participation. Il espère bien cette fois figurer dans le classement. Le plus haut possible. Et avec Mads Pedersen, son leader qu’il protège avec la constance des grands équipiers, en vainqueur si possible. C’est envisageable !
Tout d’abord, comment vous sentez-vous après votre chute survenue voici une semaine sur le Circuit de la Sarthe ?
Alex Kirsch : Cela commence à aller mieux, mais j’avoue que j’avais un peu mal les premiers jours qui ont suivi la chute. J’ai eu des points de suture au visage et j’ai eu une partie d’une dent cassée. C’était une chute assez dure, violente avec la vitesse. Nous sommes tombés dans un long virage avec la pluie, on ne pouvait pas freiner. On glissait et tout le peloton n’a pas réussi. Nous avons aussi heurté des pierres dans un petit ravin.
Vous êtes resté longtemps sans rouler ?
Un seul jour. Mes blessures étaient concentrées sur le visage, le reste allait assez bien, même si bien sûr, j’avais mal aux épaules et au thorax. Je me suis entraîné doucement ces derniers jours, mais comme j’avais beaucoup fait auparavant, ce n’est pas si grave. C’était prévu que je récupère.
Sur ce qu’on a pu voir du Circuit de la Sarthe, vous sembliez costaud…
Costaud, je ne dirais pas ça forcément. J’ai acquis un niveau qui me permet de m’acquitter de mon travail. Mads était leader jusqu’à cette chute à seulement quatre kilomètres de l’arrivée finale. Ces deux dernières semaines ne se sont pas super bien passées pour moi. Je pense que j’ai payé un peu mes efforts pour revenir dans le coup pour le Tour des Flandres (NDLR : il avait déjà chuté sur le final d’À travers la Flandre). Cela valait le coup, puisque j’étais fier de mon Tour des Flandres justement. Du boulot que j’ai effectué. Même au Circuit de la Sarthe, même si je n’avais pas la super jambe, j’ai servi à quelque chose. C’était assez bien pour entretenir la forme jusqu’à ce dimanche à Roubaix.
Je suis toujours là comme équipier et l’amitié ne joue pas dans ma façon de faire le métier. Je me donne toujours à 100 %
Qu’attendez-vous justement, à titre individuel puis collectif, de ce Paris-Roubaix ?
Personnellement, il faut que je sois réaliste, les deux dernières semaines ne sont pas trop bien passées. Il faut voir comment je vais récupérer jusqu’à dimanche. Là, je suis plutôt optimiste, j’ai vu une bonne amélioration. Je vais essayer de rester sur un niveau correct pour aider l’équipe. Avec Mads (Pedersen), nous avons un candidat très sérieux et je sais qu’il compte sur moi. Il faut que je sois au niveau, c’est ça en fait mon objectif personnel. On attend beaucoup de Mads. Depuis que je suis dans l’équipe, je pense que c’est notre meilleure saison au niveau de la régularité. Il nous manque juste une grande victoire…
Mads Pedersen et vous, vous semblez être devenus inséparables en course…
Oui, c’est vrai. C’est venu plus de lui que de moi. Je suis toujours là comme équipier et l’amitié ne joue pas dans ma façon de faire le métier. Je me donne toujours à 100 %. L’an passé, Mads m’a fait part de sa déception de ne pas me voir à ses côtés pour le Tour de France (NDLR : pressenti, Alex Kirsch n’avait finalement pas été sélectionné par son équipe, qui comportait deux axes, le classement général avec Vincenzo Nibali et Bauke Mollema et les étapes avec Mads Pedersen et Jasper Stuyven, ce qui laissait peu de place pour les équipiers). Oui, ça marche bien. Il peut profiter de mon travail et moi, cela me fait plaisir de le voir jouer la gagne.
Il sera d’ailleurs l’un des grands favoris, dimanche…
Oui, il est toujours là. Sur le Tour des Flandres il ne lui a manqué que quelques mètres dans les montées, mais dans Paris-Roubaix, c’est plat. Il sera donc l’un des grands favoris.
Vous le sentez prêt ?
Il l’est, oui. Il a changé d’entraîneur depuis cette saison, comme moi, d’ailleurs. Il s’agit de Mattias Reck, un Suédois qui est dans l’équipe. Mads continue d’apprendre, même s’il a déjà gagné beaucoup de courses (le coureur qui réside toujours au Danemark et continue de s’y entraîner a remporté le championnat du monde 2019, Gand-Wevelgem 2020 et Kuurne-Bruxelles-Kuurne 2021). Il n’a que 26 ans. Par le passé, il s’est retrouvé dans la position d’en faire un peu trop à l’entraînement. On voit que la nouvelle méthode a du bon, sa saison est bonne (Mads Pedersen a terminé 6e de Milan-San Remo, 7e de Gand-Wevelgem et 8e du Tour des Flandres et remporté quatre succès dont une étape de Paris-Nice). On le sent plus mature. C’est un peu la même chose pour moi, les années passent tellement vite, qu’il est temps de concrétiser avec des succès. On se rend compte qu’il ne nous reste pas forcément beaucoup de temps pour performer. Ce temps-là est venu chez Mads.
Pour en revenir à ce Paris-Roubaix, le pavé sera sec. Ce sera donc très différent de l’an passé. Vous préférez qu’il en soit ainsi ?
Oui, ce sera une édition plus classique que l’an passé (NDLR : les conditions étaient dantesques). Beaucoup de choses peuvent influencer la course, même sans pluie.
Paris-Roubaix est une classique à part, dans le sens où c’est presque la seule classique où on peut retrouver des coéquipiers comme vous sur le final, une fois le travail terminé ou à cause des pépins survenus aux leaders…
Oui, c’est vrai. C’est une course spéciale. Je n’ai pas encore connu un bon Roubaix, j’ai hâte de découvrir cela. C’est une classique qui ouvre plus de portes aux équipiers. Sur le papier, c’est le monument qui me convient le mieux. J’espère que j’y réaliserai un jour quelque chose de fort. À partir de cette année, j’estime avoir réalisé un pas en avant. Mais je le répète, ces deux dernières semaines n’étaient pas optimales. Mais je reste optimiste. Avant le Tour des Flandres, je pensais que je ne pourrais pas y participer. Pour finir, j’y étais et j’ai réalisé une belle course. On peut faire la même chose ce dimanche.
Sur les pavés du Nord, il y a des coureurs qui ont besoin de moins d’efforts que d’autres pour rouler à la même vitesse
Rappelez-nous en quoi physiquement un Tour des Flandres, avec ses monts pavés, est différent diffère d’un Paris-Roubaix, avec ses secteurs pavés plats, mais défoncés ?
Cela reste les mêmes coureurs qui sont devant. Mais c’est vrai que c’est une tout autre course. L’effort est totalement différent. Sur le Tour des Flandres, les efforts, de type sprints, sont répétés. C’est court et intense. Chaque placement exige ce type d’effort. Et sur les monts, hormis le Vieux Quaremont, les efforts sont également courts et répétés. Sur Paris-Roubaix, on se retrouve sur des efforts longs de trois à cinq minutes. Et la technique, comme le style du coureur sur le pavé, joue un grand rôle. Sur les pavés du Nord, il y a des coureurs qui ont besoin de moins d’efforts que d’autres pour rouler à la même vitesse.
Comment vous situez-vous ?
Je pense que je fais partie des coureurs qui ont la meilleure technique pour rouler sur un parcours comme celui de Roubaix. C’est une autre course, avec les mêmes coureurs! Sur un Tour des Flandres, un coureur comme Tadej Pogacar, grâce à sa classe, joue directement un rôle. Je pense qu’il aurait plus de mal sur Paris-Roubaix.
Le poids des coureurs compte beaucoup sur Paris-Roubaix…
Oui, tout à fait. On le constate de plus en plus en comparaison d’un Tour des Flandres qui me donne l’impression que c’est chaque année plus dur. Les coureurs comme Julian Alaphilippe, Tadej Pogacar viennent sur le Tour des Flandres et avec leurs poids inférieurs accélèrent le rythme dans les bosses. Et nous font souffrir. Sur Paris-Roubaix, ce ne peut pas être le cas.