Frank Schleck qui fête ce vendredi ses 36 ans, prendra dimanche le départ de sa douzième Amstel Gold Race, la classique qu’il a remportée en 2006. Il sait que ses chances seront très minces, mais il n’a pas dit son dernier mot.
L’équipe Trek-Segafredo cherchera dimanche à favoriser les desseins de son puncheur, Fabio Felline. Malgré le mauvais temps, l’âge qui défile puisque Frank Schleck fête aujourd’hui ses 36 printemps, le Mondorfois reste ponctuel à l’entraînement. Pas question de faire l’impasse sur les dernières sorties et si le mauvais temps perdure, celui-lui rappelle les conditions de l’édition 2006 de l’Amstel Gold Race.
Ce qui n’est pas un mauvais souvenir, évidemment. S’il a multiplié les places d’honneur sur les Monuments que sont Liège-Bastogne-Liège et le Tour de Lombardie, c’est au sommet du Cauberg que l’intéressé a signé ce qui reste, pour l’heure, son unique succès dans une classique. Dix ans, ça se fête. Mais Frank Schleck ne s’illusionne pas pour autant. Il sait par avance que ses chances de récidiver sont minces. Le temps qui défile est là. Il espère monter en puissance, une semaine plus tard, sur les routes moins stressantes de Liège-Bastogne-Liège.
Vous avez digéré le très rude Tour du Pays basque qui s’est achevé samedi dernier ?
Frank Schleck : Pas tout à fait. C’était une course super dure, le plus dur Tour du Pays basque que je n’avais jamais disputé. La pluie qui a sévi tous les jours n’a pas arrangé les choses. Mais bon, il faut passer par là pour préparer les classiques ardennaises. En ce début de semaine, j’ai effectué mardi une belle sortie longue, ici au Luxembourg. Près de six heures. Je pense que ça suffira.
Il y a dix ans, vous remportiez l’Amstel. Comment vivez-vous cet anniversaire ?
Ça va vite, ça va vite dix ans. Je viens d’y repenser ces derniers jours et j’ai notamment revu une photo. Je me suis aperçu que j’étais plus gros. Je pesais en effet cinq kilos de plus qu’aujourd’hui! Mais ce sont peut-être mes cinq kilos supplémentaires qui m’ont permis en 2006 de m’imposer. Car il pleuvait ce jour-là et il faisait froid. La pluie s’est arrêtée sur le final. J’avais attaqué à une douzaine de kilomètres de l’arrivée.
J’avais pris une quinzaine de secondes et cela avait suffi. Derrière, les poursuivants ne s’étaient pas organisés rapidement. J’étais un peu l’inconnu. Je n’avais pas encore remporté de course pro. Et puis la plupart était à fond. Il faut dire que le parcours était assez différent d’aujourd’hui. Tout ça m’avait aidé. Par la suite, j’ai de nouveau fait de belles courses dans l’Amstel. J’ai donc terminé deuxième (en 2008), septième (2010) et encore 10e (2007). Bon, mon succès, ça remonte à dix ans. Mais je trouve que dix ans, ça passe quand même vite.
Finalement, depuis 2006, chaque année qui passait a été l’occasion pour vous de vous souvenir de ce qui reste votre unique succès dans une classique…
C’est curieux, j’ai eu l’occasion d’y repenser chaque année qui a suivi la veille du départ en lisant le palmarès dans le road book. Le classement est toujours là. On regarde son nom, les différents vainqueurs. Donc le souvenir revient. Moi qui ai gardé au fil des ans la passion du vélo, ça me motive forcément.
Mais, selon vous, êtes-vous capable de rééditer cet exploit ou vaut-il mieux ne pas y penser ?
Depuis que le parcours a été aménagé, notamment la dernière boucle, c’est devenu très compliqué, même si un coureur comme Roman Kreuziger a réussi à s’extirper des griffes des puncheurs en 2013. Mais je n’y crois plus guère. Je suis bien, en bonne forme, je me suis bien entraîné, mais clairement, je ne suis pas un favori. Bien sûr, si j’en ai la possibilité, j’espère être en mesure de réaliser une belle course.
Mais je pense que la tactique la plus raisonnable pour nous est de tabler sur une arrivée groupée, en petit comité et dans ce cas, on cherchera à placer le mieux possible notre finisseur Fabio Felline. Il peut faire un bon sprint. C’est notre meilleure carte, alors on l’aidera au mieux. Après, si le scénario est différent, alors, on avisera. De toute façon, l’Amstel reste une course plus tactique qu’un Liège-Bastogne-Liège. C’est sûr que c’est la classique ardennaise la plus difficile à gagner des trois.
Vous qui sortez du Tour du Pays basque, qui vous a impressionné ?
Moi, j’ai remarqué un coureur, l’Australien Simon Gerrans. Il s’est très bien entraîné, je le vois réaliser une très bonne Amstel. Comme je vois bien un coureur qui n’était pas au Tour du Pays basque, le Polonais Michal Kwiatkowski qui sort des classiques flandriennes (l’ancien champion du monde a remporté le Grand Prix E3 à Harelbeke).
Clairement, vous serez bien plus à l’aise une semaine plus tard, sur les routes de la Doyenne, non ?
Tout à fait. La Flèche Wallonne ne me convient guère. Des trois classiques, c’est aujourd’hui sur Liège-Bastogne-Liège que je peux le mieux m’exprimer. Sur l’Amstel c’est devenu trop nerveux pour moi, ça frotte trop. Sur la Flèche, c’est un truc de puncheur. Liège-Bastogne-Liège se gagne à l’usure. Même si j’ai souvent perdu au sprint.
Parlons-en, le changement apporté avec la nouvelle côte juste avant l’arrivée à Ans, peut-elle changer le donne ?
Je ne l’ai pas reconnue, on verra ça dans une semaine, mais je pense que malgré tout, il faudra avoir les jambes…
Et vos jambes peuvent encore vous porter vers un podium ?
Je n’ai pas encore eu la possibilité de me distinguer, je ne sais pas exactement où j’en suis. Au Pays basque, je n’étais pas super tous les jours, mais bon, je ne voulais pas prendre de risque inutile. J’ai fait mes devoirs, j’ai bossé. J’ai tout fait pour être bien dans ces classiques de printemps. J’espère que je serai là le jour J. Et faire de belles courses. Je ne vais pas dire que je suis un favori, ce serait arrogant aujourd’hui. Mais oui, j’aimerais faire de belles courses et me faire plaisir. Cela me rendrait très heureux.
On imagine que vous préfèreriez des courses lancées de loin…
Oui, plus les courses seront dures et plus cela devrait me convenir.
Quel regard portez-vous sur le cyclisme d’aujourd’hui ?
Les moyennes le prouvent, on ne roule pas plus vite aujourd’hui, mais il y a plus de monde au haut niveau. La masse de coureurs qui se trouvent au sommet est plus grande. Aujourd’hui, tout le monde sait s’entraîner. Il y a des coureurs qui ne font que les Flandriennes. D’autres les Ardennaises. D’autres encore qu’on ne voit que sur les courses par étapes. Cela s’est affiné. La base au haut niveau est plus dense qu’autrefois. C’est aussi pour ça que l’Amstel se termine souvent par un sprint. C’est aussi pour ça qu’on voit aujourd’hui un peloton de 100 coureurs qui frotte pour se placer au pied de la Redoute, là où nous n’étions déjà plus que 40 voici dix ans.
Revenons à vous, votre blessure à la suite de votre chute survenue dans Paris-Nice est-elle oubliée ?
Oui, j’ai galéré une semaine, l’hématome me faisait souffrir. Mais oui, c’est passé.
On imagine que vos chutes, quelquefois répétitives, créent quelques appréhensions…
C’est un truc qui me fait peur, oui. Ce n’est pas nouveau, mais c’est aussi vrai que j’y pense plus qu’avant. Je suis devenu plus mature. Et le risque est réel, on l’a malheureusement vu avec le décès récent et tragique d’Antoine Demoitié. Passé 35 ans, je pense que c’est tout à fait normal d’y penser. C’est aussi pourquoi à cet âge-là, les sprinters s’arrêtent.
Pas simple donc de rester concentré sur le final de l’Amstel où cela ne cesse de frotter ?
C’est en effet plus facile pour moi dans Liège-Bastogne-Liège, même si on l’a vu l’an passé, cela frottait tellement avant la Redoute que nous étions tombés l’an passé. L’Amstel, c’est vrai, demande un placement aux avant-postes dans les 100 derniers kilomètres. On y laisse donc beaucoup d’énergie. Mais c’est comme ça, on connaît la règle…
Propos recueillis par Denis Bastien