L’ancien champion Jempy Schmitz est décédé mardi à l’âge de 85 ans. Il avait failli devenir champion du monde sur route en 1955 et avait remporté une étape du Tour en 1956.
Il aimait les fortes chaleurs. Et la discrétion. Qu’il lui aurait fallu abandonner s’il était parvenu à se hisser sur la plus haute marche du podium des championnats du monde 1955 disputés dans la touffeur romaine de Frascati.
Dans le final d’une course à suspense où les favoris italiens furent cuits à l’étouffée, Stan Ockers avait saisi le bon moment pour sceller son seul sacre mondial, et pour cause, puisque, en fin de saison suivante, le Belge succomba tragiquement à une terrible chute sur la piste d’Anvers.
Sans doute avait-il manqué à Jempy Schmitz, alors âgé de 23 ans, d’un peu de chance et d’audace pour croire en son étoile et enfiler le maillot arc-en-ciel. Qui aurait sans doute changé radicalement sa vie. Toutefois, une fois retiré des pelotons, il n’en nourrira pas une frustration démesurée. On retiendra néanmoins du coureur de Huldange qui résida après sa carrière à Moesdorf, près de Mersch, plusieurs faits d’armes retentissants. Son succès dans la 12e étape du Tour de France 1956 entre Pau et Luchon, une Grande Boucle qu’il finira 36e au classement final.
Il s’était échappé dans le col d’Aspin puis passa seul en tête au sommet de Peyresourde avant de filer triomphalement vers Luchon. Il avait sur le vélo le port altier et l’allure conquérante. Il dégageait une certaine forme de puissance.
On retiendra également ses deux succès dans le Tour de Luxembourg (1954 et 1958). Et son Midi Libre 1957. Il aurait pu aligner également le Dauphiné 1954 où il fut sacrifié par son équipe, après un épisode rocambolesque. Alors qu’il était leader, c’est lorsqu’il essuya une crevaison dans le tunnel du Galibier que son propre coéquipier français de l’équipe Terrot, Nello Lauredi, s’est enfui sans crier gare. Même son directeur sportif reste sourd aux injonctions de Jempy Schmitz…
L’épisode, cruel mais qui résumait parfaitement les mœurs du cyclisme de l’époque où la préférence nationale n’était pas une vue de l’esprit, le hanta longtemps encore après sa carrière.
«Un immense bonheur»
Jempy Schmitz avait dû construire sa carrière dans l’adversité. Avant même qu’elle ne commence. Ainsi, ses parents voyaient d’un mauvais œil leur enfant s’élancer sur les routes et après trois courses seulement, il se brisa une clavicule. C’est avec cette même blessure, «la fracture des cyclistes», qu’il terminera sa carrière en 1961 sur le Tour… de Luxembourg. Onze ans plus tard.
Au bout du compte, c’est évidemment son succès d’étape dans le Tour qui sera son plus gros morceau de gloire. «Ce jour-là, il faisait chaud comme j’aimais. Le groupe d’échappés dans lequel je figurais s’était disloqué. Mais je n’ai compris que j’allais l’emporter qu’une fois que j’ai vu la flamme rouge. Qu’est-ce que j’avais ressenti en passant la ligne ? Un immense bonheur, une très grande joie, très intense. J’étais plutôt bon grimpeur et cette 12e étape du Tour 56 était pour moi. J’avais multiplié les attaques pour me retrouver dans le bon coup et cela avait marché», nous avait-il raconté avec gourmandise quelques jours avant le grand départ du Tour 2002.
Sa carrière terminée, Jempy Schmitz intégra directement le silo agricole de Mersch où il travailla pendant plus de 30 ans.
Longtemps, Jempy Schmitz a suivi l’actualité du cyclisme luxembourgeois et il n’était pas rare de le voir sur le bord des routes, même s’il montrait là encore d’une discrétion à toute épreuve. Il s’était remis au vélo par passion 18 ans après l’arrêt de sa carrière. Et en 1993, le VC Diekirch s’est proposé d’organiser la première édition de la randonnée Jempy-Schmitz, une manifestation toujours inscrite au calendrier des cyclotouristes et à laquelle il a longtemps participé, allant jusqu’à aligner personnellement environ 10 000 kilomètres par an.
Les épreuves de la vie ne l’avaient pas épargné non plus. Avec son épouse, ils avaient eu la douleur de perdre une fille dans un accident aérien.
Depuis plusieurs années déjà, la maladie l’avait diminué et Jempy Schmitz n’était plus apparu sur les courses. Le cyclisme luxembourgeois ne l’avait pas oublié pour autant, loin s’en faut. Son nom résonne toujours aux côtés de ceux qui ont marqué sa grande histoire.
À son épouse et à ses deux enfants, Le Quotidien présente ses sincères condoléances.
Denis Bastien
• Ses équipes professionnelles : Terrot (1954 et 1955), Follis (1956), Saint-Raphaël-Geminiani (1957, 1958 et 1959), Emi (1960), Kas (1961)