Acacio Da Silva était le dernier coureur portugais à avoir porté le maillot rose et le dernier vainqueur d’étape portugais sur le Giro. C’était avant cette édition 2020…
À près de 60 ans, Acacio Da Silva, agent et promoteur immobilier à Dudelange, garde un œil d’autant plus aiguisé sur le Giro (auquel il a participé à dix reprises, de 1982 à 1993, ne ratant que l’édition 1987), que cette édition 2020 lui apporte beaucoup d’émotion. Non seulement, il était le dernier coureur portugais à avoir porté le maillot rose de leader avant que Joao Almeida, comme un signe, ne lui succède sur les mêmes pentes de l’Etna ! C’était le 5 octobre dernier. Depuis le jeune coureur portugais de 22 ans, ne cesse d’épater, puisqu’il s’accroche admirablement à son maillot de leader.
Acacio Da Silva (qui fut également maillot jaune sur le Tour de France 1989 au départ de Luxembourg, sa deuxième nation; il est naturalisé depuis quelques années) avait remporté cinq étapes du Giro dont la dernière, la deuxième du Tour d’Italie 1989, le 22 mai. Cela restait comme le dernier succès d’un coureur portugais au Giro, avant que dimanche, Ruben Guerreiro ne s’impose dans la neuvième étape, à Roccaraso…
Joao Almeida et Ruben Guerreiro sont donc vos successeurs…
Acacio Da Silva : Oui et je suis franchement très heureux car quand même, 31 ans, c’est long, trop long. Ils ont mis du temps mais maintenant, je crois qu’il y a une nouvelle vague du cyclisme portugais qui est là. Cela va durer…
Que pensez-vous de ce maillot rose, Joao Almeida ?
Il est talentueux, c’est certain et chance pour lui, il évolue dans une des meilleures équipes du monde. Il ne pouvait pas mieux tomber. C’est une équipe formatrice qui va au fond des choses. Il retrouve avec Ricardo (Scheidecker), directeur technique et du développement, un compatriote. Je pense qu’il n’est pas pour rien dans son embauche et son éclosion chez Deceuninck-Quick Step. Je ne suis pas sûr non plus qu’Almeida en serait là, s’il était passé dans une autre équipe.
Il est en rose dans ce Tour d’Italie où plusieurs leaders ont déjà abandonné. Jusqu’à quand, à votre avis ?
On ne sait pas. Regardez Tadej Pogacar sur le Tour de France. Je pense qu’on assiste à un changement rapide de génération comme cela se passe quelquefois dans le sport et notamment dans le cyclisme. Les jeunes explosent.
Mais peut-il remporter ce Giro ?
Je ne dirais pas non, même s’il reste deux semaines de course. Franchement, c’est long deux semaines. Pour le moment, il tient le coup. De toute façon, il faut y croire. La semaine qui vient sera décisive. On verra s’il subit, ou non, une défaillance. Mais moi, je compte sur lui. Et s’il ne gagne pas ce Giro, on sait maintenant que c’est un bon coureur pour l’avenir. Il sera là ces prochaines années !
Le Portugal récolte aujourd’hui les fruits d’une politique de formation
Et comme si ça ne suffisait pas, voilà que Ruben Guerreiro remporte son étape, là encore, 31 ans après vous…
Oui et forcément, ce n’est pas un hasard. Je compare ça à l’équipe nationale de foot. Les coureurs portugais qui évoluent à l’étranger, une douzaine, ça représenterait une belle équipe. Il y a une douzaine de coureurs de grande qualité au Portugal. Cela récompense le travail de fond réalisé par la fédération nationale depuis une dizaine d’années. Pour en revenir à Guerreiro, c’est clair qu’il a des jambes solides. Je ne le connaissais pas bien, il est encore jeune (26 ans) et lui aussi est plein d’avenir. C’est le travail de formation qui paye.
Expliquez-nous…
L’ancien président de la fédération portugaise, Antunes, avait le projet de relancer le cyclisme et son successeur, aujourd’hui, poursuit le travail. Cela a commencé avec la construction d’un vélodrome, l’un des meilleurs d’Europe, situé entre Lisbonne et Porto. C’est une grande réussite. Le Portugal récolte aujourd’hui les fruits d’une politique de formation.
En 2013, Rui Costa devenait champion du monde à Florence. Cela a-t-il eu un effet ?
Oui, il courrait à l’époque chez Movistar, une belle équipe. Il a fait une belle carrière jusqu’ici (à 34 ans, il court aujourd’hui dans l’équipe UAE-Team Emirates) et il court avec les frères Oliveira (Rui et Ivo). Cela été un déclic.
On imagine que vous avez été sollicité par les médias portugais ces derniers jours…
Tout à fait, tous les journaux m’ont appelé, les télévisions et les radios également. Aujourd’hui, c’est bien plus facile qu’à mon époque de suivre les coureurs du pays. Celui qui veut suivre les étapes du Giro en direct, il le peut, ce qui était impensable il y 31 ans. Tout a changé et c’est très bien pour notre sport. Tout le monde peut apprécier que les Portugais soient si forts aujourd’hui dans le cyclisme. Et encore une fois, j’en suis le premier heureux !
Entretien notre Denis Bastien