La Luxembourgeoise de l’équipe Andy Schleck-CP NVST-Immo Losch s’est surprise elle-même en montant sur le podium d’une épreuve internationale, dimanche dernier en Belgique, alors qu’il s’agissait d’une reprise.
Troisième dimanche du Grand Prix Beerens, une épreuve classée 1.2 de 140 kilomètres, Claire Faber a fait son retour dans une course en ligne par la grande porte. Certes, elle avait signé le 28e temps du chrono des championnats d’Europe, presque un mois plus tôt du côté de Trente. Mais il s’agissait d’un autre type d’effort qu’elle a abordé tambour battant, dans le reflet de sa fugue début avril sur les routes de Liège-Bastogne-Liège. Entretemps, à l’avant-veille du Festival Elsy-Jacobs, il y eut ce terrible accident à l’entraînement (maxillaire cassée, clavicule cassée, trois côtes cassées, deux vertèbres cassées) qui aurait pu lui coûter la vie, puis sa lente mais sûre reconstruction. C’est elle qui se raconte le mieux.
Vous venez donc de terminer troisième de cette épreuve. On imagine que ce podium vous a procuré beaucoup de plaisir ?
Claire Faber : Oui, c’était une grande surprise en fait. Je n’aurais jamais pensé que ma première course de reprise pouvait si bien se terminer en fait. Je m’étais beaucoup entraînée mais c’est une course, quand même, de là à finir sur le podium…
Comment cela s’est-il passé ?
C’était une épreuve assez longue, j’ai attaqué plusieurs fois après dix kilomètres seulement et dans la perspective de voir un petit groupe me rejoindre. Mais non, j’ai effectué vingt kilomètres toute seule. Puis deux filles (NDLR : l’Autrichienne, deuxième à l’arrivée et la Belge, Naomi de Roeck, laquelle finira cinquième). On a roulé ensemble, puis après 80 kilomètres, Thalita De Jong (la Néerlandaise qui l’emporta) et la Française Gladys Verhulst (7e à l’arrivée), sont revenues. On avait encore 60 kilomètres à rouler pour rejoindre la ligne d’arrivée. Et à vrai dire, sur ce circuit (cinq tours d’un parcours relativement plat de 28 kilomètres étaient à couvrir), jamais je n’ai été optimiste. C’était bien de se faire reprendre à ce moment-là, car elles avaient de la fraîcheur. Comme pas mal d’équipes étaient représentées, le peloton a tardé à rouler derrière nous.
On peut imaginer que, psychologiquement, ce podium a dû vous procurer beaucoup de bonheur…
Oui, honnêtement, je ne pensais pas monter sur le podium. Après 60 kilomètres, j’étais déjà crevée. J’ai pensé : « purée, on n’est même pas à la mi-course!« . Non, 120 kilomètres d’échappée, je n’ai jamais fait ça. C’était énorme…
Finalement, votre course en ligne précédente et qui remontait à avril était Liège-Bastogne-Liège et vous étiez également échappée…
(Elle rit) Oui, c’est vrai…
Je pense que je suis sur un meilleur niveau qu’avant. Les tests le démontrent
Physiquement, c’est aussi la preuve que vous avez récupéré toutes vos capacités…
Oui, je pense que je suis sur un meilleur niveau qu’avant. Les tests le démontrent. Je sais où j’en suis là-dessus. Je suis surprise de me retrouver sur le podium de cette course de reprise. Mais je ne suis pas surprise de mon niveau.
C’est le résultat d’un entraînement intensif ou d’une détermination à toute épreuve ?
(Elle coupe) C’est juste beaucoup de boulot ! Ce n’est pas un miracle. C’est juste travailler, travailler, travailler. C’est ce que j’ai fait ces derniers mois. Je n’ai pas obtenu la sélection pour les championnats du monde, mais je ne me suis pas démotivée. J’ai continué à m’entraîner. C’est juste que j’ai beaucoup roulé, j’ai aussi passé beaucoup de temps avec les kinés. C’est un tout. L’accumulation d’un tout.
Physiquement, vous avez dû vous reconstruire après votre accident. Expliquez-nous…
Après mon accident, j’avais perdu beaucoup de muscle, je suis restée juste au lit pendant dix semaines. J’ai beaucoup travaillé avec mon entraîneur sur le vélo, effectué des séances de kinésithérapie et de fitness. J’ai retrouvé mes muscles progressivement et la force est également revenue. Je ne pense pas avoir beaucoup changé. Je me trouve en meilleure forme et j’en suis satisfaite. Après mon accident, j’ai beaucoup travaillé pour revenir sur le niveau.
Ce fut un long combat pour vous reconstruire ?
Oui, après j’ai souffert de vertiges pendant un mois, c’était horrible.
Qu’est-ce qui vous a aidé pour revenir ?
Je n’ai pas trop pensé à l’avenir. Je suis restée dans le présent. Je pensais juste à la guérison de mes blessures. Je ne me projetais pas plus loin. Si je pensais à l’avenir, je devenais folle. C’était trop de pression. Je vivais juste sur le moment. Comme je ne pouvais rouler sur le vélo, j’ai fait autre chose. Je pense que c’était bien pour penser à autre chose, pas uniquement de penser au cyclisme, mais aussi à mes études, aux amis. Ce qu’on n’a normalement pas le temps de faire pendant une saison.
Les personnes qui me sont proches me disent que j’ai acquis de la maturité après l’accident
Cette reconstruction physique, comment s’est-elle matérialisée ?
J’ai travaillé d’abord avec mes kinés. J’habite à Rumelange et mon kiné est à Schifflange. J’ai commencé par faire à vélo ces dix kilomètres. Ce concept imaginé avec mon entraîneur (Alexander Bauer, un Autrichien qui réside à Cologne) était l’idéal, je ne prenais pas la voiture pour aller chez le kiné, mais à vélo. Tout doucement, c’est revenu.
On imagine également que vous voyez la vie d’une manière un peu différente aujourd’hui…
Oui, sûrement. Les personnes qui me sont proches me disent que j’ai acquis de la maturité après l’accident. Je vois les choses d’une autre façon, je suis plus calme, j’essaie de résoudre les problèmes.
Quelle sera la suite de votre programme ?
Avec mon équipe, il y aura le chrono des Nations le 17 octobre, et la semaine suivante, j’enchaînerai deux épreuves aux Pays-Bas, l’épreuve Drentse Acht van Westerveld (1.2) le vendredi et le samedi, Ronde van Drenthe, une épreuve du World Tour. Et ensuite, la saison sera finie. D’un côté, j’ai assez de boulot avec l’université (elle poursuit ses études à la Lunex University, un master en management du sport et digitalisation) et puis il faut que je me repose, je viens de faire deux saisons en une. Pour revenir en bonne condition la saison prochaine.
Entretien avec Denis Bastien