La Luxembourgeoise retrouvera, samedi à Imola, la compétition après un «trou» d’un mois. L’occasion d’évoquer la difficulté du parcours mais aussi de celui menant… aux tests PCR.
Votre dernière apparition remonte au 29 août et La Course by Le Tour de France. Comment allez-vous ?
Christine Majerus : Oui, ça fait un moment déjà que je n’ai pas couru. Il n’y avait déjà pas beaucoup de courses au programme et je n’ai pas été sélectionnée pour faire le Giro. Du coup, je n’avais pas d’alternative. Ce ne n’est pas l’idéal avant les Mondiaux.
En juin, ici même dans ces colonnes, vous déclariez ceci : « Le plus grand souci reste de permettre à tout le monde de courir car tout le monde le mérite. Il faudra peut-être faire une croix sur certaines épreuves qu’on aime. » Le Giro, vous ne l’aviez disputé qu’une seule fois en 2018 (42e), est-ce que ça vous a coûté de ne pas y prendre part ?
Oui, c’est ce qui s’est passé. Après, le Giro n’est pas forcément une course que j’apprécie alors quand j’ai la possibilité de le remplacer par une autre course, je le fais, mais là effectivement, il n’y avait que ça. J’étais prête à laisser ma place, mais j’aurais bien voulu courir.
L’avez-vous suivi ce Giro féminin qui a vu la victoire, pour la troisième fois, d’Anna van der Breggen votre équipière chez Boels-Dolmans et qui s’est achevé le même week-end que la Grande Boucle ?
Oui, même s’il n’était pas télévisé, je l’ai regardé ce Giro car ça me concerne directement. Ma journée risque de changer si mes coéquipières gagnent ou non. Quant à la victoire d’Anna, ça fait plaisir. Après, si elle n’avait pas chuté et abandonné, Van Vleuten était bien partie pour l’emporter. Cela étant, Anna mérite amplement sa victoire. Elle a déjà réussi de très belles courses cette année et puis, on ne gagne pas trois fois le Giro par hasard.
Ce samedi, ce sera votre septième championnat du monde. Comment l’abordez-vous ?
En toute sincérité, sans ambition aucune. Il me sera certainement probablement impossible de faire un résultat. Le circuit est tellement difficile que, peut-être, dix filles peuvent prétendre en faire un. Les autres, dont je fais partie, essayeront simplement de survivre avec ces 2 800 m de dénivelé. Ce tracé est taillé spécifiquement pour des grimpeuses. Après, ce serait c… sous prétexte de ne pas avoir couru ces derniers temps, de dire « je ne vais pas aux Mondiaux parce que c’est trop dur ». Je suis une compétitrice et j’y vais en me fixant l’un ou l’autre petit objectif comme, par exemple, partir dans une échappée. Sinon, m’accrocher le plus longtemps possible et être satisfaite de ma performance. En termes de résultat, il n’y aura pas de miracle. Ça ne veut pas dire que mon niveau est mauvais c’est juste que le parcours ne correspond pas à mes caractéristiques.
Lors des Mondiaux précédents, vous aviez obtenu de bons résultats…
Oui mais, sans être défaitiste, il faut aussi être réaliste sur ses chances. Ce Mondial me permet de retrouver la compétition et, je l’espère, du plaisir. Ça fait longtemps que je n’ai pas couru et ça me manque.
J’espère avoir à nouveau l’occasion un jour de vivre un Mondial moins dur
Si vous deviez comparer ce parcours à une autre course…
Il n’y en a pas, je crois… C’est dix montées de trois kilomètres avec des parties à 10 %. Ce sont des choses assez rares chez les filles. À bien y réfléchir, dans le même genre, il y a peut-être une étape du Giro. Et encore… J’espère avoir à nouveau l’occasion un jour de vivre un Mondial moins dur. L’an dernier aussi, c’était déjà costaud en Angleterre avec 2 500 m de dénivelé (NDLR : elle avait pris la 11e place). Mais celui-ci s’expliquait par une accumulation de petites montées et cela me convenait peut-être plus. Cette fois, ce sont des montées longues et raides. Et jusqu’à présent, je n’ai jamais fait de grandes performances sur des bosses comme ça. À moins d’avoir la chance de se retrouver dans la bonne échappée… Mais des échappées dans une course féminine, c’est assez rare.
Votre dernier mondial en Italie (2013), vous ne l’aviez pas terminé…
(Elle coupe) Il y en a d’autres que je n’ai pas terminés. Avec le niveau qui est le mien aujourd’hui, j’aurais fini ces Mondiaux à Florence. En revanche, ceux d’Imola sont incontestablement plus durs.
Votre dernier séjour date des Strade Bianchi que vous avez rejoints depuis l’Espagne après trois jours de bus…
C’était un petit road trip. Un vrai parcours du combattant pour faire des compétitions en ce moment. On nous demande des tests PCR avant chaque épreuve. Je n’ai fait que ça ces derniers jours. J’étais récemment en stage à Gérardmer et après celui-ci je devais passer un test, mais c’est une véritable pagaille en France. Et l’UCI ne nous aide pas. D’un côté, je comprends que ces tests PCR soient obligatoires pour le bon déroulement des opérations afin de réduire au maximum l’exposition au virus. Sur le papier, le protocole est bien beau, ça marche bien sur le Tour de France et tout le monde applaudi mais le cyclisme ne se limite pas uniquement au Tour de France. Si j’exagérais à peine, je dirais avoir passé plus de temps à faire des tests PCR qu’assise sur mon vélo. Lundi, j’ai fait un test mais l’Italie a ensuite annoncé imposer aux personnes venant de plusieurs villes françaises, dont Paris, un test PCR datant de moins de trois jours. Et comme je décolle de Paris jeudi soir (NDLR : l’entretien s’est déroulé mardi), celui de lundi n’était plus valable, j’ai dû en refaire un mardi, deux en deux jours…
On vous sent fatiguée…
Oui parce qu’on n’est pas aidé. Et c’est ce que je reproche à l’UCI. On doit se débrouiller seul et advienne que pourra.
Dans quelle mesure la fédération internationale pourrait faciliter la situation ?
Premièrement, l’UCI devrait avoir des collaborations avec les grands groupes laboratoires dans chaque pays. Au Luxembourg, on est plutôt bien loti mais en France, où il y a vraiment un souci, il faudrait que dans chaque département, un laboratoire référent où les coureurs puissent venir se faire tester pour participer à des compétitions. C’est à l’UCI de négocier. Ou alors passer par des tests salivaires que l’on enverrait à des labos privés. Chacun doit être sûr de pouvoir fournir ce qu’on lui demande. Après, si t’es positif tu restes à la maison, il n’y a pas de problème. Par contre, empêcher quelqu’un d’exercer son métier parce qu’il est dans l’incapacité de trouver un rendez-vous ou de recevoir les résultats de son test à temps, c’est vraiment très frustrant. Bien sûr, c’est une année exceptionnelle mais si cette stratégie de test doit encore continuer sur le long terme ce qui sera sans doute le cas. Il faut vraiment soulager l’athlète. Parce que comme ça, ce n’est pas possible. L’UCI ne peut pas nous laisser dans cette galère !
Entretien avec Charles Michel