Bob Jungels est resté en tête de l’épreuve pendant près de 28 km de course sur le final. «Il y avait 300 mètres de trop», nous explique-t-il.
Il a crânement résisté avant de plier les ailes au plus fort de la pente, là où les autres cadors, planqués dans les roues de leurs coéquipiers, lâchèrent les gaz selon un scénario immuable depuis 2003 et le succès de l’Espagnol Igor Astarloa, dernier vainqueur solo en haut de Huy… Bob Jungels, en tentant une échappée sur le final, comme l’an passé, mais de façon encore plus appuyée, connaissait les risques. Mais après coup, il ne regrettait rien…
Comment réagissez-vous au scénario de la course? Vous êtes déçu d’être passé près d’un succès ou heureux que la forme soit si bonne ?
Bob Jungels : Un peu les deux. Mais la satisfaction est plus grande que la déception. Le grand but était d’essayer quelque chose. On voulait mettre l’équipe Movistar sous pression. Avec le forfait de Philippe (Gilbert), il fallait changer notre tactique et essayer de bousculer les favoris. Et puis cela protégeait également Dan (Martin). En fin de compte, Movistar a bien été sous pression, mais des équipes comme Orica et Sky, qui ont roulé aussi pour, pourquoi (il sourit)? On ne sait pas vraiment. Mais je suis très satisfait avec ma forme. Bon, après, il me manquait 300 mètres, mais un Mur de Huy, il faut plus qu’une minute au pied pour espérer l’emporter.
Vous y avez cru à un moment ?
Lorsque j’attaque sur du plat, un peloton a du mal à revenir sur moi. Le problème, là, c’était le Mur de Huy. Et puis juste avant, il y avait eu le vent de face. Non, je pense que pour se voir gagner dans le Mur de Huy, tu peux t’y voir à cinq mètres de l’arrivée, peut-être. Et encore! Je me sentais très bien et c’est pour ça que je me suis lancé à l’attaque. Nous avions planifié ça. Mais je pense que les 130 premiers kilomètres de course n’avaient pas été assez durs, le peloton était encore très imposant sur le final.
Vous connaissiez les écarts ?
Oui, je les connaissais, je savais que je perdrais beaucoup dans les derniers hectomètres. Le dernier kilomètre, au plus fort du Mur, dure environ cinq minutes, donc c’est vite fait de perdre du temps. J’estime que j’ai monté vite, mais pas assez vite pour gagner (rire)!
Vous auriez préféré avoir du renfort sur le front de l’attaque ?
Oui, c’est évident. Certains coureurs font toujours la même faute. J’avais demandé à Tim Wellens de se joindre à moi, car j’avais projeté cette attaque juste après le deuxième passage au Mur de Huy. Il n’a pas voulu. Mais je l’ai vu se porter à l’attaque, au même endroit que ces trois dernières années. Résultat, ça n’a pas marché pour lui et il s’est fait reprendre tout de suite.
Vous avez le sentiment d’avoir réalisé un numéro ?
Oui, dès que je suis parti, après quelques mètres, je me suis dit que j’étais parti pour ce type de chose (rire). Je sais que je peux remporter des courses en attaquant fort. À la pédale, comme on dit.
Comme dimanche dernier, vous et votre équipe avez mis à profit un nouveau tracé pour aller de l’avant, attaquer. Cela correspondait-il à votre caractère ?
Oui, c’est ça, c’est mon style pour gagner des courses. J’aime faire la course, je ne voulais pas attendre jusqu’au dernier moment. On voit aujourd’hui des courses qui durent jusqu’à la fin avec une dernière montée. Des fois, c’est pas mal d’anticiper, je crois…
Vous ne participerez pas dimanche à Liège-Bastogne-Liège. Ce n’est pas un regret avec la forme que vous avez ?
Un peu, mais la décision est prise. Après le forfait de Philippe (Gilbert), l’équipe m’a demandé si cela ne me tenterait pas de m’aligner sur Liège. Mais j’ai expliqué que je préférais m’en tenir à mon plan de préparation pour le Giro. La Doyenne, c’est une belle course et je pense qu’effectivement, avec la forme que j’ai, j’aurais pu y tenir un rôle, mais c’est aussi un final dangereux, ça chute souvent (NDLR : il y était tombé voici deux ans en compagnie de Frank Schleck). Au final, je pense que ça ne sert à rien de prendre des risques si près du but.
Tout cela doit vous donner confiance pour le Giro et prochainement pour le Tour de Romandie…
Oui, clairement, je sais que la forme est bonne. C’est le plus important pour moi. J’ai mon plan jusqu’au Giro. Voilà, je vais le suivre. Pour le Tour de Romandie, je ne vais pas viser le classement général, mais je sais qu’il y aura deux beaux chronos et une belle étape de montagne.
Sentez-vous la pression monter?
C’est toujours plus facile de faire de beaux résultats que de les confirmer. Mais chaque année, j’ai progressé. Je pense notamment que j’ai réalisé des progrès importants en montagne, que je peux y faire quelque chose. C’est ce que j’aimerais montrer au Giro.
De notre envoyé spécial à Huy, Denis Bastien