Après une absence de trois mois, Bob Jungels effectuera son retour à la compétition lors du Skoda Tour. Il aura pour ambition de rallier Luxembourg.
Dans quel état d’esprit êtes-vous avant d’effectuer votre retour à la compétition au Tour de Luxembourg?
Bob Jungels : J’ai recommencé l’entraînement début août et j’ai hâte de reprendre les courses. Je suis donc très content, mais on va voir aussi comment que ça va se passer.
Comment se sont déroulés les trois derniers mois?
Après le Tour de Suisse, j’ai fait les examens et on m’a diagnostiqué cette endofibrose iliaque externe. La semaine d’après, j’ai subi les deux opérations. Après, je suis resté huit semaines sans vélo. Au début, mes déplacements se limitaient du lit au canapé… Ensuite, tout s’est très bien passé. Après six semaines, j’ai eu un premier check-up en Belgique. Le docteur m’a dit que la cicatrisation s’était très bien passée et que je pouvais reprendre doucement le vélo. Alors, je faisais 1 h-1 h 30… Je me suis rendu compte de l’impact de cette situation sur le mental, le physique que j’avais ces trois dernières années. J’ai eu du temps pour recommencer à zéro.
À la reprise, au bout d’une heure de vélo, j’étais fatigué
Avez-vous vraiment l’impression de recommencer à zéro?
C’était même pire… Normalement, la coupure après une saison, c’est entre trois et quatre semaines. D’habitude, tu recommences avec un peu de course à pied. Là, je suis resté huit semaines sans rien faire du tout. Alors, à la reprise, au bout d’une heure de vélo, j’étais fatigué. J’étais très, très loin de ce que je faisais jusque-là.
Dans notre édition du 26 août, vous déclariez rouler 3-4 heures. Où en êtes-vous aujourd’hui?
Il y a trois jours, j’ai commencé pour la première fois à mettre un peu d’intensité. J’ai forcé un tout petit peu sur 2-3 minutes. Histoire de prévenir le cœur qu’une course arrive… Pour le reste, c’est très positif. Je suis très à l’aise sur le vélo. Cette sensation durant l’effort que j’avais avec cette endofibrose n’est plus revenue. C’est très positif. Je suis capable de faire mes 5-6 heures à l’entraînement mais, bien sûr, la récupération n’est pas la même qu’il y a trois mois.
Ce diagnostic fut-il un soulagement?
Il n’y a rien de pire que d’être capable de gagner des courses, de se savoir être parmi les meilleurs, mais de ne pas pouvoir avoir ses capacités à 100%. C’était quelque chose qui apparaissait seulement en course. Donc, très difficile de percevoir les symptômes. Cette blessure explique beaucoup de moments difficiles vécus ces dernières années. Alors, quand le docteur m’a dit que j’allais être, à nouveau, capable d’utiliser à 100 % mes capacités, c’est ce que je voulais entendre. C’était un grand soulagement.
Quels étaient les symptômes?
Le problème, c’est que lors d’un effort maximal, les muscles n’étaient plus suffisamment irrigués en sang, donc en oxygène et je ressentais comme des crampes. Généralement, ça ne touche qu’une seule jambe, moi c’était les deux.
Cela peut-il expliquer les difficultés rencontrées en contre-la-montre?
Bien sûr. Le contre-la-montre a toujours été une discipline qui m’a plu, où j’avais pas mal de résultats il y a quelques années. Cette position, très basse et où l’angle entre la jambe et le haut du corps est très réduit, cela a amplifié ce problème.
Y a-t-il quelque chose de positif à retirer de cette expérience?
En fait, avant ça, ma carrière a toujours été en pente ascendante. Là, j’ai vécu quelque chose de difficile et j’ai dû gérer cette situation. Pour la première fois de ma vie, j’avais vraiment des soucis, je ne dis pas existentiels mais quand même graves. J’ai appris pas mal de choses. Sur moi, sur mon caractère. Et je ne considère pas ces dernières années comme perdues. J’ai quand même eu de bons moments. Sur le vélo, mais aussi personnels. J’ai vécu d’autres expériences : un changement d’équipe, la rencontre de nouvelles personnes. Je compte me servir de toutes ces expériences pour le futur.
Il y a, depuis longtemps, cette discussion entre votre ambition sur les Grands Tours et votre capacité à tirer votre épingle du jeu sur les Classiques. Vous dites vouloir exploiter toutes vos capacités. Dès lors, où en êtes-vous aujourd’hui dans votre réflexion?
L’année prochaine, je vais garder un peu le même plan, les mêmes buts que cette année. Je vais rester sur les courses à étapes d’une semaine. Après, peut-être qu’il y a possibilité de faire le général d’un Grand Tour un jour, mais pour l’instant, l’objectif c’est de retrouver cette sensation d’être capable de jouer la gagne. C’est quelque chose qui est un peu parti ces deux ou trois dernières années. Et puis, j’ai un contrat pour l’année prochaine, ce qui me donne un certain confort mais aussi beaucoup de motivation. Et les gens qui me connaissent savent que je ne suis pas du genre à signer un contrat et à me reposer dessus.
Quel regard portez-vous sur ce Tour de Luxembourg?
Cette année, si on voit le plateau, ça va être une très belle course. Pour les organisateurs mais aussi pour le Luxembourg, c’est vraiment bien. Pour moi, ça va être assez compliqué. Il n’y a quand même pas trop d’étapes plates. Ce qui est bien pour nos leaders de l’équipe. Notamment Benoît Cosnefroy, qui est dans un super état de forme. Clément Champoussin, Ben O’Connor… On a une équipe qui peut jouer quelque chose. Sur le plan personnel, mon but est d’arriver à Luxembourg. Comme je l’ai dit, je suis très très loin d’un état de forme qui pourrait m’amener à un résultat. Le plus important est de retrouver les sensations de course, un peu de confiance et de bonnes jambes. Mon rôle sera celui d’équipier et d’apporter ma connaissance du parcours. Et j’espère aller jusqu’au bout.
Appréhendez-vous ce retour à la compétition au Tour de Luxembourg, devant votre public, sans être capable de montrer votre plus beau visage?
Je suis très content de reprendre ici. Je sais, bien sûr, qu’il y a toujours des attentes. Même si je fais cette interview aujourd’hui dans laquelle je dis et répète que je n’ai pas d’ambition sur ce Tour de Luxembourg, il y a toujours une certaine attente. Au vu de mes sensations à l’entraînement, c’est impossible de penser à un résultat. Mais j’avais en tête de reprendre tranquillement, ici. Pour le reste, j’espère que les gens comprendront ce que je veux dire.
Le programme en cette fin de saison?
Encore un peu vague. Après le Tour de Luxembourg, mon but sera de faire partie de l’équipe pour le Tour de Lombardie. Si je suis sur la ligne d’arrivée, pour moi, ce sera déjà une petite victoire. Malheureusement, il n’y a pas de courses en Chine. D’autres sont annulées. Les quatre courses en Italie seront mon but de cette fin d’année.
Et l’année prochaine?
Il faut en parler avec l’équipe, mais ça devrait être à peu près la même que cette année. Avec, au début, quelques petites courses en plus. Mais à la base, Paris-Nice, Tirreno-Adriatico, le Tour de Catalogne ou le Tour de Suisse devraient être au menu. Le plus important est de retrouver mon niveau. Et si je suis à 100 %, est-ce que c’est suffisant pour figurer parmi les meilleurs? En deux ans, pas mal de choses ont changé…
Charles Michel