Les professionnels luxembourgeois n’ont pas toujours brillé à titre individuel dans cette saison spéciale. Mais cela ne reflète pas leur vitalité.
Au moment de tourner la page d’une saison 2020 très particulière, c’est finalement un tableau en trompe-l’œil qu’il nous restera en mémoire. Pour la première fois depuis longtemps, aucun succès n’est venu garnir le palmarès fourni du cyclisme luxembourgeois. Et pourtant les professionnels grand-ducaux se sont affirmés encore un peu plus que ces dernières années. C’est juste la saison, remodelée et raccourcie pour cause de crise sanitaire, qui ne leur a pas permis de s’exprimer à titre individuel. Ce n’est pas non plus qu’ils sont tous devenus des coéquipiers modèles dénués d’ambitions personnelles. Mais dans un contexte bien plus élitiste, presque seuls les leaders ont pu émerger. Et de son côté, le chef de file naturel du pays, Bob Jungels, en partance pour AG2R-Citroën pour 2021, où il retrouvera une vraie place de leader, s’est mis au service de ses coéquipiers. On peut en déduire aisément que 2020 était donc une étape de transition pour le cyclisme luxembourgeois. On notera néanmoins que toutes les grandes épreuves du calendrier, les grands tours et les monuments ont vu la participation au minimum d’un coureur du pays. Ils étaient même cinq au départ du Tour des Flandres…
JEMPY DRUCKER
Avec sa cinquième place en toute fin de saison des classiques sur Bruges-La Panne et son douzième rang fin février sur le Het Nieuwsblad, Jempy Drucker a confirmé qu’il avait retrouvé toutes ses capacités après sa terrible chute survenue en 2019 à Waregem au terme d’À Travers la Flandre. Dans cette saison vraiment particulière, où il avait carte blanche sur les classiques, le coureur, qui arrive en fin de contrat avec Bora-Hansgrohe et n’a toujours pas indiqué quelles couleurs il porterait en 2021, regrettera longtemps la malchance qui ne lui a pas permis de lutter comme il l’avait espéré sur le Tour des Flandres. «J’ai montré que je n’étais pas fini à 34 ans et que je pouvais faire encore de belles choses», s’est d’ailleurs plu à rappeler l’ancien vainqueur d’étape sur la Vuelta. Comme chaque année désormais, Jempy Drucker a collectionné plusieurs top 10. S’il a parfaitement clôturé l’exercice 2020, reste à savoir précisément où il courra en 2021. La situation n’est pas simple avec la crise sanitaire, l’arrêt de l’équipe CCC et l’incertitude persistante autour de NTT, mais ce ne sont pas les pistes qui manquent…
BEN GASTAUER
Jusqu’à sa chute survenue le 10 octobre dans la 8e étape du Giro, où il se releva avec une fracture de la clavicule (la première depuis le début de sa carrière !), Ben Gastauer effectuait une saison pleine. Il avait débuté en Australie et, comme tout le peloton, il s’était retrouvé bloqué en mars. Avant de reprendre par le Tour de Pologne. Sur toutes les courses, on l’a vu comme souvent abattre un boulot important. L’ancien vainqueur du Tour du Haut-Var 2015 s’est forgé une réputation d’équipier modèle qui n’est pas usurpée. Prolongé jusqu’à fin 2021, le coureur de 32 ans va retrouver la saison prochaine sous les couleurs d’AG2R-Citroën un certain Bob Jungels. «Je m’en réjouis par avance», souligne-t-il.
KEVIN GENIETS
Ce fut pour le nouveau champion national une saison menée tambour battant, d’ailleurs placée dans la lignée de la précédente. C’est bien simple : avec Kevin Geniets, qui n’a que 23 ans, chaque mois qui passe semble marquer un peu plus une progression. Quatrième de l’Étoile de Bessèges en tout début de saison, il accompagna ensuite les meilleurs grimpeurs en Algarve. À la reprise, sur le Tour de Wallonie, il emmena son leader Arnaud Démare vers le succès. Il devint champion national à l’issue d’une course totale où Bob Jungels, quintuple vainqueur sortant, releva que «le plus fort venait de l’emporter». Le coureur de Groupama-FDJ se montre à l’aise sur tous les terrains, même si c’est sur les courses de pavés qu’il est le plus performant. «Ce sont vraiment les courses que j’affectionne», a-t-il rappelé après le Tour des Flandres où il s’était placé au service de son leader, le Suisse Stefan Küng. Pour le champion national, la suite s’annonce passionnante.
BOB JUNGELS
Sa saison 2020 n’a pas été facile. Il avait programmé un pic pour le Tour des Flandres et Paris-Roubaix, mais la crise sanitaire est venue. À la reprise, il s’est coltiné un rôle d’équipier sur le Dauphiné et le Tour de France, spécialement taillé pour de purs grimpeurs. Il a d’ailleurs lancé son copain Julian Alaphilippe vers le succès dans la deuxième étape du Tour, du côté de Nice. «On a beaucoup travaillé dès le début de cette édition, ce qui a naturellement coûté pas mal d’énergie. Mais le niveau dans ce Tour de France, c’est sans précédent», a-t-il alors rappelé. Ayant œuvré pour permettre à Sam Bennett d’accrocher son premier maillot vert, Bob Jungels, qui avait poursuivi avec la Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège, n’a ensuite pas été retenu pour le Tour des Flandres. Ainsi se terminait, pour le champion national de chrono sa dernière saison pour le compte de Deceuninck-Quick Step, après une collaboration fructueuse de cinq ans. Et forcément, ce qui l’attend en 2021 chez AG2R-Citröen, c’est un rôle de leader sur le Tour et pas seulement.
ALEX KIRSCH
Avec la naissance de son premier enfant, Nicolas, juste au lendemain du Tour des Flandres, sa dernière course de la saison, Alex Kirsch a forcément pris un virage. À 28 ans, il est devenu l’une des piliers de l’équipe Trek-Segafredo sur les classiques de pavés où il assume un rôle décomplexé d’équipier modèle. Il sera même sans doute appelé à exercer des responsabilités accrues, car c’en est presque étonnant, le Luxembourgeois progresse encore chaque année. Dans le placement, la puissance et la science de la course. Sur une classique de pavés, il pointe son nez au moment où la course va prendre tournure et cela ne s’invente pas. Imprégné de ces épreuves, il n’a pas ménagé ses efforts tout au long de la saison, marquée d’un côté personnel par la maladie et la disparition d’Edmond, son père, qui était son premier supporter. «J’ai eu la force de disputer cette saison jusqu’au bout parce qu’il me l’avait demandé et parce que j’avais beaucoup de soutien de mes proches et de mon équipe», rappelait-il simplement. On a franchement hâte de retrouver ce professionnel méticuleux en 2021.
JAN PETELIN
Le très attachant Luxembourgeois de l’équipe italienne Vini Zabu-KTM n’a que peu couru en 2020, puisqu’il n’a accumulé que dix jours de course. À cause de problèmes physiques en début de saison. Puis à cause du nouveau calendrier faisant la part belle aux courses World Tour. Il n’a que 24 ans et encore une saison pour démontrer son dévouement.
MICHEL RIES
«Ce Tour d’Espagne était une très bonne expérience pour moi, je pense que j’ai beaucoup appris », nous rappelait dimanche Michel Ries, 61e du classement final de cette Vuelta décalée jusqu’à cette date tardive pour les raisons que l’on sait. Il s’est tiré merveilleusement bien d’affaire, le Tour d’Espagne étant très relevé et le parcours particulièrement corsé. Michel Ries, 22 ans, aura aussi été le coureur luxembourgeois le plus souvent aligné en course en 2020 (il totalise 58 jours de compétition). Le grimpeur luxembourgeois de l’équipe Trek-Segafredo s’est très bien comporté pour sa première saison, d’ailleurs idéalement commencée en Australie, où il travailla pour Richie Porte, victorieux du Tour Down Under. Vu son jeune âge et ce qu’il a démontré pour ses débuts en World Tour, il sera forcément très intéressant de le suivre en 2021.
TOM WIRTGEN
Tout aura mal commencé pour lui avec une lourde chute sur le Tour d’Arabie saoudite. Et cela aurait pu mieux finir sans une chute survenue devant lui et au mauvais moment sur le Tour des Flandres, même s’il a tenu à finir. Tom Wirtgen, 24 ans, qui vient de prolonger chez Bingoal-Wallonie-Bruxelles, est adepte lui aussi des courses flandriennes. On sait qu’il a les moyens de ses ambitions. Il a beaucoup appris de ses deux premières saisons, notamment dans l’approche collective des évènements, cela transpire à chacune de ses sorties. «Le travail collectif est la base. Ensuite, j’ai des ambitions personnelles, mais je sais être patient», précise l’aîné des deux frangins.
LUC WIRTGEN
Voici un grimpeur qui s’est plu à disputer son premier Tour des Flandres, qu’il a terminé avec son grand frère. Pour le reste on se souviendra de l’avoir vu batailler, plutôt très bien d’ailleurs, sur le final tourmenté de Paris-Tours, qu’il termina à la 30e place. «Une vraie satisfaction», nous expliquait-il récemment. Plus que des chiffres lorsqu’il s’agit de situer un néo-professionnel, c’est le genre de détail qui ne trompe pas. Et il n’y a pas beaucoup mieux que Wallonie-Bruxelles pour faire ses gammes…
Denis Bastien
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