Bertrand Crasson, premier coach à arracher une victoire en phase de groupes d’Europa League, à Nicosie, en septembre dernier, a été remercié ce week-end par le F91. Sans rancune, visiblement.
C’est un coup de téléphone de Romain Schumacher, vendredi, qui lui a fait comprendre que son contrat ne serait pas prolongé. Il a pris acte, sans trouver la décision illogique ou mesquine. En 30 ans de professionnalisme, il en a vu d’autres.
Comment regardez-vous la décision qui vous a été annoncée de ne pas vous prolonger ?
Bertrand Crasson : Je dois de toute façon repasser prendre des affaires au club donc je vais en profiter pour parler avec Flavio Becca, mais cela sera sans problème. On aura une bonne conversation, on se serrera la main et on sera sûrement amenés à se revoir. Si on a décidé de ne pas me prolonger, c’est qu’il y a des raisons. Vous savez, j’en ai vu, dans ma carrière et dans ma vie en général. Assez pour relativiser. C’est une expérience qui va me servir pour l’avenir. Je ne suis pas du style à me plaindre, à tomber dans la nostalgie. J’avance et puis c’est tout. Je respecte la décision.
Il y a une forme de logique à ne pas vous avoir prolongé ?
Dès le début, cette saison a été assez compliquée, particulière, pas de tout repos et même très mouvementée ce qui a sans doute causé ces hauts et ces bas chez des joueurs qui n’étaient pas habitués à gérer une saison dans son entièreté, surtout avec des matches tous les trois jours. J’ai hérité d’un groupe composé par Emilio Ferrera et Henri Bossi. Je n’entrais pas dans les plans initiaux. Et si je compare l’effectif dudelangeois de la saison passée, celui qui se retrouve aujourd’hui à Virton, et celui que le club a à l’heure actuelle, il n’y a pas photo ! C’était déjà incroyable ce qu’Emilio a fait avec ce groupe, qu’il a qualifié pour les poules de l’Europa League. Moi, je n’ai pas eu à changer grand-chose pour gagner un premier match en phase de poules et faire connaître le club dans le monde entier. Mais dans le football… disons rémunéré, ce que l’on demande, ce sont des résultats et en championnat…
Sans le coronavirus, où en serait le F91, justement, à l’heure actuelle ?
Avec des « si », on aurait peut-être aussi gagné l’Europa League ! Il nous restait neuf matches de championnat et la Coupe. C’est énorme. Je n’ai aucun doute sur le fait que l’on aurait été européens.
Et que vous auriez été prolongé ?
(Il sourit) Disons qu’on a tous été mis à l’arrêt et qu’il faut accepter cette réalité. Je n’ai aucun regret. Je n’oublie pas qu’à une minute près, nous aurions même signé six points dans notre groupe d’Europa League et cela vaut déjà une sacrée reconnaissance. Vous savez, j’ai déjà eu des coups de téléphone pour la suite. Pas forcément que de Belgique. L’Europa League m’a fait une bonne pub !
Si cette équipe dudelangeoise n’est pas littéralement dispersée aux quatre vents cet été, que doit-on en attendre la saison prochaine ?
Sinani ne sera plus là, il faudra voir si Stolz est guéri de son genou, une grande inconnue. Avoir à composer sans ces deux joueurs-là, cela pourrait poser un problème. Si les autres ont appris quelque chose de la saison qui vient de s’écouler alors ils peuvent espérer accrocher une des quatre-cinq premières places. Mais je ne souhaite pas trop faire d’hypothèses. C’est à mon successeur d’en faire.
Quand vous voyez votre parcours européen avec le F91 en 2019, que faut-il attendre des prochaines saisons continentales du Luxembourg ?
Ce qu’on a fait, c’est une exception. En général, il faut mettre les joueurs deux ou trois ans ensemble avant d’avoir de tels résultats. Mais ce ne sont pas toujours les moyens qui font les résultats. Parfois, les choses s’obtiennent sur le terrain et là, après la crise, chaque pays, chaque club, va devoir se réorganiser. Alors puisque le Luxembourg a prouvé qu’il peut rivaliser…
Quel avenir voyez-vous à Danel Sinani à Norwich ?
On ne peut pas comparer la Premier League à la DN où il était audessus du lot. C’était d’ailleurs son souci : trouver la motivation. Là, il va tomber dans un environnement plus dur, plus compétitif, dans lequel il va devoir se battre ne serait-ce que pour avoir sa place et avec des adversaires qui vont le découper. Mais il est jeune, il va apprendre, surtout parce qu’il a des qualités au-dessus de la moyenne. Il me fait un peu penser à Gilles De Bilde (NDLR : ancien joueur d’Anderlecht et Eindhoven notamment, appelé 25 fois en sélection belge) : gaucher, capable de grosses accélérations, doté d’une belle frappe et qui marche à l’enthousiasme. Il peut percer en Angleterre. Et même exploser.
Recueilli par Julien Mollereau