À la veille de la première journée du 1er tour face à Madagascar, Ugo Nastasi, n°2 luxembourgeois derrière Gilles Muller, estime, à bientôt 22 ans, être à un moment charnière de sa carrière.
Ugo Nastasi fêtera demain sa quatrième sélection avec l’équipe du Luxembourg, dans la peau du numéro deux. (Photo : Julien Garroy)
> Vous êtes repassé sous la barre du 800e rang mondial depuis le début de la saison. Quel regard portez-vous sur votre niveau de ces deux derniers mois ?
Ugo Nastasi : C’est plutôt pas trop mal. J’ai pris quelques points en peu de tournois et je n’en ai aucun à défendre d’ici juillet. Donc à partir de maintenant, par rapport à mon classement, ce n’est que du bonus. Après la Coupe Davis, j’irai en Suisse, à Trimbach, et je ferai certainement deux autres 15 000 dollars en Angleterre. Depuis que je suis en dessous des 800, j’entre dans les tournois à 15 000 dollars sans passer par les trois tours de qualif.
> Votre objectif d’atteindre le top 400, voire 500, d’ici la fin de la saison vous semble-t-il réalisable? Ou placez-vous volontairement la barre très haut pour progresser ?
Non, c’est jouable. J’ai battu plusieurs mecs classés dans les 400. Après, entre les battre sur un match et atteindre leur classement, c’est différent. Je compte faire plus de tournois que l’an dernier. En 2014, je n’ai pas fait grand-chose, à part des quarts de finale à droite, à gauche…
> Vous avez 21 ans. Quel est votre but ultime ?
C’est d’entrer dans le top 100. Je sais que tout va se jouer sur ces deux prochaines années. Je ne veux pas continuer comme certains à être encore sur des Futures à 26, 27 ans. Je trouve ça un peu ridicule, ça te fait perdre de l’argent. Même si on voit aussi qu’on peut toujours progresser sur le tard, ce qui est de plus en plus fréquent sur le circuit. On le voit avec Gilles (NDLR : Muller) d’ailleurs. Je vais me donner à fond. Et ensuite, je prendrai une décision.
> Arrivez-vous à vivre du tennis ?
Pour l’instant non. Enfin… Si je veux vraiment faire tous les tournois, je perds de l’argent. J’essaie d’aller à des endroits où ça ne me coûte pas trop cher au niveau du billet d’avion, de l’hôtel… La Turquie, l’Égypte, ce n’est pas très cher. La Suisse, c’est à côté. J’y vais en voiture. Par contre, emmener mon coach (NDLR : Nicolas Perrein) avec moi, ce n’est même pas envisageable.
> Vous faites tout, tout seul.
Oui, par défaut, car j’aimerais bien partir avec mon coach. Mais ça triplerait mes frais, car, en plus de la nourriture, de sa chambre et des billets d’avion, il faudrait aussi prendre en charge le salaire qu’il perçoit dans son club. Les tournois +H (NDLR : qui assurent l’hébergement) sont de plus en plus rares à mon niveau.
> Vous jouez donc en sachant que vous allez perdre de l’argent.
J’étais en Tunisie où je suis allé en demi-finale sur un tournoi et deux fois en quart de finale, en double. Au total, j’ai perdu 900 euros. Il faut savoir qu’une demi-finale en tournoi Futures, avec déduction des taxes, c’est 350 euros. Je sais qu’on ne peut pas vivre des Futures. Il faut vite passer un cap et passer sur des Challengers. De toute façon, on ne vit du tennis que quand on est dans les 100. Entre 200 et 300, c’est juste qu’on ne perd pas d’argent.
> Comment faites-vous, alors, pour financer votre saison ?
Ce sont les matches par équipes, au Luxembourg au Spora et en France à Thionville, qui m’aident à financer ma saison. Je pourrai aller jouer en Belgique, en Allemagne ou en Suisse, mais je n’aurai plus de temps pour aller sur les tournois.
> Vous vous étiez lancé dans le financement participatif il y a quelques mois. Qu’est-ce que cela avait donné ?
J’avais récolté un peu d’argent, pas autant que je le pensais, mais c’était quand même bien. C’était pour aller sur un tournoi en Italie, et finalement je suis allé ailleurs. Mais j’ai arrêté, car je n’aimais pas trop l’idée. Ça se fait de plus en plus, même de grands joueurs le font. Mais ça me donne l’impression de mendier.
> Que vous faut-il pour vous rapprocher du top 400 ?
Être régulier chaque semaine. J’ai fait une demie en Tunisie, c’est bien, mais il faudrait que ça arrive plus souvent.
> Cette régularité est à chercher au niveau mental, physique ou technique ?
Un petit peu les trois. Sur le plan mental, c’est vrai que c’est difficile parce que les conditions en Futures ne sont pas évidentes. En Tunisie, les arbitres, c’était exceptionnel. On le sait qu’en Futures, ce n’est jamais rose. Il faut s’attendre à des erreurs d’arbitrage. En challenger, c’est déjà plus sympa, ne serait-ce que d’avoir des juges de ligne. Les organisateurs font tout pour que les joueurs se sentent bien. En Futures, ils n’en ont un peu rien à faire. C’est le circuit secondaire. On est un peu oublié.
> Cela vous arrive-t-il de déprimer un peu ?
Des fois, c’est vrai que c’est très dur. Surtout tout seul. Bon, on a appris à se connaître avec d’autres joueurs. On se retrouve, on est contents. Maintenant, je pars deux semaines maximum, peut-être trois.
> Avec votre entraîneur Nicolas Perrein, qui a entraîné Mike Scheidweiler, vous avez entrepris un travail du fond du court il y a quelques mois. Où en êtes-vous ?
On a bien travaillé, j’ai pas mal progressé. On est toujours dans cette optique. Maintenant, il faut être de plus en plus solide en fond de court, on fait de plus en plus de rallye. Il faut tenir physiquement, aller vite sur les jambes et c’est à ce niveau-là que je ne suis pas très bon. Je suis bon pour défendre mais j’ai un peu de mal à aller vite pour attaquer, à prendre la balle tôt. Bon, ça, il ne faut pas l’écrire, sinon les Malgaches vont le savoir (rire).
> Logiquement, vous devriez vous en sortir facilement face à Madagascar, non ?
Normalement oui, on est favoris. Mais il faut faire attention. Je connais leur n° 1 (NDLR : Antso Rakotondramanga). Il ne fait pas de Futures parce qu’il n’a pas les moyens. Mais il joue vraiment bien. En France, il est mieux classé que moi. Il tourne autour de la 80e place française, il est -30. Moi, en France, je ne suis « que » -15, même si je pense que je vais remonter.
> C’est votre quatrième sélection en Coupe Davis, la première à domicile…
(Il coupe) Oui, ça va être sympa normalement, il y aura un peu de monde, ce sera différent des autres fois.
> Que retenez-vous de vos dernières sélections ?
On a toujours en tête notre première fois en Coupe Davis. En l’occurrence, face à la Bosnie, il y a deux ans. La présentation des joueurs, tout ça, c’est sympa. Moi, je ne suis pas habitué à ce qu’il y ait du monde. Je reviens de Tunisie où il y avait trois spectateurs. C’était quand même un match avec un mec classé 350. T’es en demi-finale et tu te demandes : « Mais qu’est-ce que je fais là? » En plus, Gilles est en grande forme en ce moment. Quand il n’est pas là, ça fait une énorme différence.
> Vos matches face aux Malgaches se joueront sur dur. Est-ce une surface que vous devez toujours apprivoiser ?
C’est une surface sur laquelle on est habitués à jouer au Luxembourg. C’est assez lent. Je pense que ça convient à beaucoup de monde.
> Ce n’était pas votre tasse de thé à une époque.
Ça l’est devenu. En fait, j’ai un jeu qui fait que je peux m’adapter à tout. Je suis une éponge.
> Il n’y a pas une surface qui vous convient mieux ?
(Il souffle) Je peux faire des bons matches mais aussi être catastrophique sur une même surface… Je ne suis pas encore fixé sur une surface, comme Gilles. Je ne sers pas de manière incroyable, donc je ne peux pas dire que le dur est ma surface favorite. Je suis plus régulier sur dur, par contre, je suis plus capable de faire un exploit sur terre.
Entretien avec notre journaliste Raphaël Ferber
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