Alors que la fédération de basket a annulé les finales de Coupe, samedi, la FLF est passée à un niveau d’alerte plus accru. Mais le ballon rond grand-ducal dans son ensemble reste encore confiant.
Tout le monde a un avis sur le coronavirus dans le monde du football. Le problème reste de trouver quelqu’un qui en ait un totalement pertinent et si possible totalement neutre. Ornella Nezi par exemple. La championne de karaté est devenue le médecin officiel de la Jeunesse début janvier. Sa fraîcheur dans le circuit autant que l’imminence du derby eschois la désignent de facto comme un interlocuteur privilégié et cohérent dans ce dossier. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne tourne pas autour du pot, malgré la réserve qu’elle veut bien s’imposer : «L’épidémie va avancer. On peut essayer de la retarder, mais pas l’arrêter. On sait qu’elle se propage par gouttelettes, contact ou surfaces inertes comme des sièges, des gobelets de buvette ou ce genre de choses. Alors il y a peut-être un moment où il faudra réagir : que ce soit en plein air ou dans un espace clos, cela ne change rien à la propagation. Un stade de foot n’est pas plus protégé. Quand on est dans une tribune, serrés les uns contre les autres… Au moindre regroupement, le risque sera présent.»
Voilà pour ceux, dans le monde étriqué du ballon rond, qui estiment que le côté «ouvert» des terrains est une garantie d’un caractère pathogène amoindri.
Pourtant, à Mondercange, la situation reste calme. Un peu plus surveillée du coin de l’œil que lorsque le président Philipp nous a accordé une interview pour appeler au calme, en milieu de semaine dernière, mais à peine. Le secrétaire général de la FLF, Joël Wolff, continue lui aussi de renvoyer vers le ministère de la Santé, indiquant que jusqu’alors tous les matches du week-end sont maintenus. «Mais on voit au jour le jour et si aujourd’hui mardi on joue, ce sera peut-être totalement différent demain mercredi.»
Jusqu’à présent, la commission du calendrier de Marco Richard ne s’est pas encore saisie préventivement du dossier pour échafauder des solutions de repli. Mais le fait qu’un grand nombre de footballeurs de BGL Ligue viennent de Lorraine, où le coronavirus commence à flamber, n’inquiète-t-il donc personne? «Vous savez, tous les jours, 200 000 frontaliers entrent dans le pays, rappelle Joël Wolff. Je comprends les mesures, mais il faudrait quelque chose de complet. Bus, écoles… Nous, on s’exécutera.» Personne n’indique toutefois si la fédération a demandé son avis au ministère de la Santé (qui a conseillé aux basketteurs de ne pas jouer à la Coque, samedi) et si c’est le cas, quelle a été la préconisation adressée au conseil d’administration de Paul Philipp.
Pas aux clubs de prendre les décisions…
«Ce n’est pas à nous de prendre les devants en tant que club», rappelle en tout cas Mauro Mariani, le président du Fola. L’approche du derby ne change rien à l’affaire. Pour un club qui prend une sacrée claque financière cette saison du fait de la rénovation de sa tribune, pas question de s’asseoir sur ce duel fratricide qui verra l’ouverture de 200 places sous toiture pour la première fois depuis près de cinq mois. Mais se justifier n’est pas nécessaire. Et pour cause, le football grand-ducal n’est finalement pas beaucoup plus préoccupé par le coronavirus que le reste de la société : «Ça n’a pas encore impacté l’esprit des gens ici, s’étonne Mariani. Le sportif n’est pas prioritaire sur la santé publique, mais quand je vois qu’à Berlin on ne trouve plus de papier toilette parce que les gens font des stocks et qu’ici, au pays, tout le monde continue à se serrer la main au bord des terrains…»
Après tout, oui, pourquoi le football irait-il au-delà des inquiétudes raisonnables de la population ? Par esprit citoyen ? Mais il l’a ! Suffit d’entendre à son tour Fabrizio Bei, le président du FC Differdange, qui doit accueillir Luxembourg – Italie espoirs le 26 mars. Même sens des responsabilités que son homologue, encore plus volontariste : «Moi, ce qui m’intéresse c’est la santé et je préfère prévenir que guérir. Je veux limiter et anéantir ce virus. Et toute forme de compétition arrive en deuxième ou en troisième position. Alors, cette rencontre internationale face à l’Italie qu’on doit accueillir aura-t-elle lieu? J’ai un gros doute. Certains joueurs italiens venant du nord du pays, je ne sais même pas s’ils pourront venir.»
Mais tiens d’ailleurs, qu’en pensent les joueurs, qui contrairement à ce qui se fait dans pas mal de pays voisins, continuent de se serrer la paluche avant chaque coup d’envoi, autant qu’après ? Michel Kettenmeyer, milieu de terrain offensif du Titus Pétange mais surtout employé à l’hôpital d’Esch, garantit que les vestiaires du pays sont loin d’être englués dans la psychose qui règne à l’étranger : «Les joueurs de DN ne pensent pas qu’à ça non plus ! Et quand les coéquipiers viennent me poser la question, je réponds qu’au Luxembourg on est loin d’avoir les mêmes problèmes qu’ailleurs. À l’hôpital, on ne remarque rien de particulier. Alors, par mesure de précaution, on peut bien annuler et rester chez soi, mais les gens vont devenir fous !»
Alors que l’augmentation significative des cas n’est «plus qu’une affaire de temps» selon Ornella Nezi, le foot luxembourgeois patiente. À mi-chemin entre une indifférence polie et une inquiétude qui ne dit pas son nom. Et dans trois jours, il y a derby…
Julien Mollereau
Avec 350 fans en moyenne en 2020, un sentiment d’impunité ?
Le basket a déjà bâché sur ses finales de Coupe. Les cavalcades ont été annulées. Si le football se sent peut-être un peu moins concerné en ce moment, c’est sans doute à cause de cette météo exécrable et des conditions d’accueil dans ses stades qui le sont tout autant : les affluences sont faméliques depuis la reprise. Et jamais, pas même pour Jeunesse – F91 (936 spectateurs officiels), l’on a dépassé le fameux millier de spectateurs évoqué par le gouvernement (à titre de recommandation). Les quatre premières journées de DN font un score pathétique au regard des plus de 500 spectateurs de moyenne généralement recensés à l’échelle d’une saison complète : depuis fin février, on plafonne à 350 fans par rencontre et l’on n’a dépassé que huit fois les 500 visiteurs, soit moins de 30 % des rencontres. Tout reporter ou jouer à huis clos? Avec ces chiffres, pas étonnant que les dirigeants haussent des sourcils quand on leur dit que leur activité est peut-être à risque.