Les sportifs présents aux Jeux mondiaux militaires de Wuhan en octobre sont dans le viseur depuis quelques jours. Raphaël Stacchiotti, malade là-bas, est très sollicité. Y compris en France.
Depuis quelques jours, on évoque avec insistance des cas de coronavirus dans les rangs des soldats qui participaient aux Jeux mondiaux militaires à… Wuhan, du 18 au 27 octobre derniers.
Tout est parti d’une interview de la pentathlète Élodie Clouvel, le 25 mars dernier, donnée à la chaîne Télévision Loire 7. Interrogée sur le report des JO de Tokyo, elle avait confié être persuadée d’avoir contracté le coronavirus : «Avec Valentin (NDLR : Belaud, son compagnon), je pense qu’on l’a eu. On est tous tombés malades avec les mêmes symptômes. J’avais une grosse conjonctivite […] C’était trop bizarre, j’avais eu des trucs que j’ai pas eus avant…», expliquait-elle notamment.
Et d’ajouter : «Il y a beaucoup d’athlètes des Jeux mondiaux militaires notamment qui ont été très malades. On a eu un contact avec le médecin militaire récemment qui nous a dit : « Je pense que vous l’avez eu parce qu’il y a beaucoup de gens de cette délégation qui ont été malades ».»
«Le premier cas»
Le Luxembourg était également présent avec une grosse délégation de 27 personnes, nageurs, triathlètes, épéiste, athlète, boxeur… Et on se souvient que les nageurs Raphaël Stacchiotti et, à un degré moindre, Pit Brandenburger étaient également tombés malades.
Le 30 avril, nos confrères de L’essentiel revenaient sur cet épisode, citant notamment Bob Bertemes qui expliquait que «Raphaël avait été malade là-bas» et que «depuis, on le chambre en lui disant que c’était lui le premier cas».
Mais ce qui n’était, a priori, qu’une blague sans arrière-pensée entre bidasses a pris des proportions insoupçonnées. En effet, à la suite des déclarations d’Élodie Clouvel et face au mutisme de l’armée, les médias français se sont mis en quête d’autres témoignages concordants au sein d’autres délégations étrangères.
Stacchiotti évoqué par les médias français
C’est ainsi que mercredi soir, LCI a évoqué spécifiquement le cas du Luxembourgeois Raphaël Stacchiotti, présenté comme «nageur professionnel du Luxembourg, tombé malade pendant son séjour à Wuhan».
Invité à s’exprimer en direct, Julien Henx, sans jamais donner le nom de ses compatriotes, a expliqué qu’«ils étaient tombés malades. Ils n’ont pas nagé de toute la semaine, ils étaient à l’hôtel et sont restés au lit. Pour le docteur, ce n’était qu’une grippe. J’étais dans la même chambre qu’eux, mais je n’ai rien eu, donc je ne me suis pas plus inquiété que cela. Pour moi, c’était juste une grippe.»
Dans cette séquence, LCI revient sur les propos de Bob Bertemes et du boxeur Michel Erpelding pour faire part «d’une situation de confinement autour des sites sportifs». Et d’évoquer, toujours en reprenant l’article de L’essentiel : «La prise de température corporelle à l’aéroport, l’interdiction de manger hors du village et le nettoyage, deux fois par jour.»
Et Michel Erpelding d’ajouter : «Le patron d’un café nous a dit qu’il devait faire un rapport aux autorités de qui venait chez lui.»
La FLNS condamne les propos de Julien Henx
Les propos de Julien Henx, qui a également été interrogé par la radio française RTL et dont les propos ont également été repris sur France 24, n’ont visiblement pas plu à la fédération de natation qui a tenu, via un communiqué, à s’en désolidariser : «La FLNS se distancie résolument des commentaires donnés par Julien Henx auprès de plusieurs médias français notamment. Elle est évidemment très déçue de ces propos et les condamne avec fermeté.»
Reste à savoir ce que la FLNS, dont le président – injoignable jeudi – est Marco Stacchiotti, le père de Raphaël, reproche exactement au Dudelangeois, sachant qu’il n’a jamais cité nommément son fils, lequel se dit désormais «dans une position infernale», vivement sollicité par les médias hexagonaux.
Joint jeudi, le nageur ettelbruckois nous a renvoyés auprès des autorités militaires. Ces dernières n’avaient pas encore donné leur feu vert pour parler avec lui au moment de la rédaction de cet article.
Question parlementaire de Stéphanie Empain
Au-delà de cette polémique se posent plusieurs questions. Et la députée déi gréng Stéphanie Empain a d’ailleurs formulé une question parlementaire urgente dans laquelle elle interpelle le ministre des Sports ainsi que celui de la Défense «au sujet de la maladie d’athlètes luxembourgeois lors des Jeux mondiaux militaires à Wuhan».
Et la députée de demander «si on pouvait confirmer la maladie de plusieurs athlètes lors de cette manifestation», «si des tests avaient été effectués et si oui, quels avaient été les résultats» (Raphaël Stacchiotti a indiqué, jeudi à L’essentiel, qu’il n’avait pas été testé mais qu’il était prêt à le faire s’il le fallait) et enfin «s’il y avait eu des échanges avec d’autres délégations présentes à Wuhan à cet égard».
Sur ce dernier point, les autorités françaises se sont d’ores et déjà exprimées, mercredi, indiquant «n’avoir reçu aucun signalement de maladie pouvant « a posteriori » s’apparenter au Covid-19». «À ce jour et à notre connaissance, aucun autre pays représenté aux JMEE de Wuhan n’a, par ailleurs, rapporté de tels cas», souligne le ministère français des Armées.
Des athlètes français muselés
Rideau? Peut-être pas complètement. En effet, BFM TV rapportait, mardi, un témoignage anonyme d’un des 281 athlètes français, «tombé malade tout comme plusieurs membres de la délégation française» à son retour. Et selon Le Parisien, les athlètes auraient reçu ordre de ne pas communiquer sur le sujet.
En Suède, de nombreux athlètes sont tombés malades, mais ont été testés négatifs, a précisé mi-avril l’armée du pays. Toute cette affaire dépasse clairement le simple cadre sportif. Et on peut s’interroger sur les conséquences politiques de la révélation d’un cas de Covid-19 lors de ces JMME. Soit un mois avant la date du premier malade officialisé par les autorités chinoises…
Au Grand-Duché, il faut demander la permission pour s’adresser à un sportif d’élite de l’armée. Pour quelle raison? La grande muette porte décidément bien son nom!
Romain Haas et Charles Michel