La championne nationale ne jouera pas la gagne, mais va soutenir dans ce but sa coéquipière Demi Vollering dans le Ceratizit Festival Elsy Jacobs qui part demain à Cessange.
C’est un passage obligé. Un rendez-vous qu’elle honore avec fidélité. Même si la date coïncide mal avec son actualité, puisque, après les classiques de printemps, Christine Majerus aspire à souffler pour mieux repartir vers la deuxième partie de la saison. Ce week-end, la championne nationale fera le métier, comme toujours avec application. Et enthousiasme.
Vous disiez l’an passé que, malheureusement pour vous, ce Festival Elsy Jacobs se trouve assez mal placé par rapport à l’articulation de votre saison. Comment faites-vous pour ne pas être à court de condition ?
Christine Majerus : Je pense que je suis un peu à court de condition (rire). Bon, avec Paris-Roubaix qui ne s’est pas passé comme je l’aurais souhaité, à cause du refroidissement que j’ai contracté la semaine avant Roubaix, je n’ai pas réussi à retrouver mon niveau. C’était frustrant. La seule motivation pour que je puisse continuer à m’entraîner, c’est que le Festival Elsy Jacobs, c’est la course à la maison. Malgré tout, je respecte cette épreuve et je veux faire de mon mieux.
Même si j’arrive ainsi avec une condition qui n’est pas optimale. Je dois dire que le fait que Paris-Roubaix se soit déroulé une semaine plus tard que les autres années (NDLR : en raison de l’élection présidentielle en France) a compliqué ma préparation du Festival Elsy Jacobs. Même si j’avais été en bonne condition. Les années d’avant, il y avait une semaine de plus entre ma dernière classique et le Festival.
Auparavant, ma dernière classique était le Tour des Flandres et, après quelques jours de repos, j’avais le temps de recommencer par un gros bloc que je faisais soit dans les Vosges, soit dans les Alpes. Au départ de l’Elsy Jacobs, j’étais un peu en fin de course, mais avec une charge de travail intéressante. Là, avec deux semaines de battement, ce genre de préparation n’aurait pas été possible. Cette année, il faut que je fasse avec ce que j’ai et on verra bien.
On peut penser que tous les grands noms se retrouvent dans votre cas, non ?
Oui, c’est vrai que cela a été une année compliquée pour beaucoup de personnes. On a quand même été chanceuses. J’ai dû sauter le premier week-end (NDLR : le Het Nieuwsblad), car j’étais cas contact. Pas mal de filles ont été positives (au Covid-19). D’autres sont tombées malades, un peu comme moi avant Roubaix. Sans être positives, on était malades. Pas mal d’équipes ont galéré.
Avec les effectifs que nous avons et le nombre de courses qui nous sont proposées en ce moment, c’est compliqué. C’est sûrement un challenge pour l’avenir, pour le cyclisme féminin, que les équipes ne se trouvent pas dans des impasses logistiques et humaines en cas de maladie d’une ou plusieurs filles.
Car là, c’est compliqué, pas mal d’équipes ont pris le départ des dernières courses avec un effectif incomplet. Ce qui veut dire que les équipes ne sont pas encore prêtes, même s’il faut admettre qu’il s’agit des « années corona ». J’espère que ce sera différent à l’avenir. Mais là, c’était compliqué pour tout le monde.
C’est intéressant pour moi, car je sais qu’elle (Demi Vollering) est en forme. Si elle vient, c’est avec l’intention de jouer la gagne
Vous concernant, cela paraît difficile de partir avec un objectif…
Je sais que je ne serai pas compétitive. J’ai fait, certes, quelques bons entraînements. Mais il me manque les hautes intensités qui font d’habitude ma force. Je sens que mon corps a besoin de repos et doit repartir avec une programmation d’entraînement pour reconstruire tout cela. Là, je n’ai pas le choix. Il y a des moments comme ça dans une carrière où on n’a pas le choix. Mais je suis réaliste sur mes propres chances.
Et je suis très contente d’avoir Demi Vollering dans notre effectif (l’une des leaders néerlandaises qui viennent de faire une belle campagne de classiques de printemps). C’est intéressant pour moi, car je sais qu’elle est en forme. Si elle vient, c’est avec l’intention de jouer la gagne. Et moi, cela me donne de la motivation pour me mobiliser afin de faire mon travail pour elle et d’essayer de repartir avec une performance collective qui va nous satisfaire. Ma motivation a du coup repris un petit boost. Mais personnellement, je m’attends à souffrir. Je sais qu’il est temps de récupérer.
Vous vous êtes imposée dans ce Festival Elsy Jacobs en 2017. Quel souvenir en gardez-vous aujourd’hui ?
J’ai de très bons souvenirs dans cette course. J’avais mis longtemps à la gagner. J’étais souvent placée, jamais gagnante. Deux années de suite, j’ai gagné des étapes, j’étais leader du général, puis je l’ai perdue pour une seconde. Je suis fière de l’avoir gagnée au moins une fois, à la maison, ce qui est des fois plus compliqué que de l’emporter à l’étranger dans des courses qui n’intéressent personne.
Ce n’est pas que je n’ai plus aucune ambition dans cette course : si j’avais été en forme, j’aurais de nouveau eu l’ambition de jouer la gagne. Mais ce n’est pas le cas cette année, il faut juste revoir ses objectifs. Le fait que Demi (Vollering) sera là, ce sera bon pour ma motivation et cela participera à un week-end réussi.
Quel regard portez-vous sur le parcours, qui est le même que l’an passé ?
Le parcours a changé l’an passé, je le trouve plus dur qu’avant, même si cela se termine au sprint dans des pelotons réduits. J’avais trouvé que c’était plus compliqué l’an passé que les années précédentes. C’est bien, de temps en temps, de changer. C’est le feedback que les équipes donnent de cette course et que j’essaie également de donner envers mon club qui est l’organisateur.
Cette course a une certaine longévité, les scénarios se ressemblent. Pour attirer d’autres noms, ce serait bien de changer de temps en temps, d’offrir quelque chose de différent. Cela avait été le cas l’an passé, et c’était bénéfique pour la course, même si, au final, cela s’est quand même terminé dans un sprint. C’est très probable que cette année, cela n’arrivera pas au sprint.
Je ne pense pas que quelqu’un se dise consciemment sur le vélo : « celui-là, je vais le mettre en danger »
Après le Festival Elsy Jacobs, on imagine que vous allez couper…
Oui et je vais passer des examens médicaux. Pour voir s’il n’y a pas un bug. Si j’ai le feu vert, alors, après du repos, je repartirai en stage du côté d’Annecy pour construire la base de mon été. Ce sera un bel été avec toutes les courses en Angleterre, puis, j’espère, le Tour de France. Il faudra être prête.
Donc, c’est important de mettre son corps à zéro pour repartir. Après, je pense que mon printemps était plus que réussi. Je pense que c’était l’un de mes meilleurs printemps. C’est un peu dommage que cela ait été gâché par mon refroidissement des dernières semaines, mais cela n’enlève rien à ce que j’ai pu faire en avril. C’est frustrant, mais j’arrive à passer outre.
Pour terminer, dans Liège-Bastogne-Liège masculin, la grosse chute dont a été victime Julian Alaphilippe a suscité des réactions, dont celle de Romain Bardet qui expliquait, entre autres et en tant que témoin, que le peloton, notamment les jeunes coureurs, prenait davantage de risques aujourd’hui qu’hier. Vous voyez la même chose dans le peloton féminin ?
Je pense que le cyclisme reste le cyclisme. Chez nous aussi, tout le monde veut être à l’avant. Chez nous aussi, tout le monde connaît le circuit, les points dangereux, les points stratégiques où il faut être placé. Il y a la bataille de la position. La plupart du temps, cela se passe bien, des fois cela ne se passe pas bien. C’est facile de dire que tout le monde doit respecter l’autre.
Je ne pense pas que quelqu’un se dise consciemment sur le vélo : « celui-là, je vais le mettre en danger ». Tout le monde roule avec en tête que nous ne sommes pas là pour nous entretuer. Mais des fois, c’est la course. Des accidents comme ça arrivent. Et cela ne sert pas à grand-chose de rejeter la faute sur les uns ou les autres dans les réseaux sociaux. Le plus important, c’est de réaliser que c’est un sport dangereux et qu’il faut réfléchir à deux fois avant de se lancer tête baissée. Et de se dire que cela ne reste que du sport.
Je sais moi-même que c’est une ligne difficile à tenir lorsqu’on est sur le vélo, lorsqu’on sait qu’on doit y aller. Chacun fait ce genre de choix et se dit après coup qu’on n’aurait peut-être pas dû le faire. C’est comme ça. Après, des coureurs dits kamikazes, ça n’existe pas à mon avis.
Les chutes comme celle de dimanche, c’est la faute à pas de chance et aux circonstances qui ne jouent pas en faveur du peloton, à mon avis. Je ne pense pas que cela devienne plus dangereux au fil des ans. Mais quand on vieillit, on voit davantage le danger. Ce n’est pas parce qu’il y a plus de danger, mais parce qu’on a plus d’expérience et une autre vision des choses.
À 20 ans, c’est sûr, on n’a pas encore vécu de drame, la vie est belle et rose. Entre mes débuts et maintenant, je vois les choses différemment. Le désir de se porter à l’avant de la course dans les moments stratégiques, c’était déjà le cas, il y a des années. Et ça ne changera pas.