L’équipe Etixx incroyablement piégée samedi dans le Het Nieuwsblad par l’Anglais Ian Stannard, malgré une nette supériorité numérique, a sauvé l’honneur hier en propulsant au sprint Mark Cavendish dans Kuurne-Bruxelles-Kuurne où Jempy Drucker a pris une belle sixième place.
Derrière Cavendish, Kristoff et Viviani, on aperçoit Jempy Drucker (lunettes jaunes), sixième hier à Kuurne. (Photos : AFP/Etixx Quick Step)
Le week-end d’ouverture a tenu toutes ses promesses. Une fabuleuse course tactique samedi où, malgré son surnombre, l’équipe Etixx de Tom Boonen s’est fait rouler dans la farine par le vainqueur de l’an passé, le surpuissant Anglais Ian Stannard.
Hier, les hommes de Patrick Lefévère se devaient de réagir. Ils étaient encore en surnombre dans la principale échappée qui s’est lancée dans le final. Pour rien, car c’est finalement au sprint que Mark Cavendish s’est payé, assez nettement, le scalp d’Alexander Kristoff, un peu moins costaud que prévu.
Quant à Jempy Drucker, il a manqué de chance samedi (il fut retardé par la grosse chute survenue avant le Kruisberg) puis fut à deux doigts d’accrocher le bon coup mené par Tom Boonen sur le final, avant de céder, victime d’une méchante fringale… annonciatrice d’un rebond. Il s’était refait la cerise hier, où il fut actif dans l’échappée. Tellement actif qu’on ne croyait plus le revoir après le regroupement à une trentaine de kilomètres de l’arrivée. Si son leader, Philippe Gilbert, tenta de sortir à un peu moins de cinq kilomètres de la ligne, en vain, on vit un coureur BMC effectuer une belle remontée au sprint. C’était Jempy Drucker, finalement sixième. Très bon sixième ! Voici les principaux enseignements du week-end.
> 1. Le gag du samedi
À trois contre un, on pensait forcément que l’équipe Etixx-Quick Step allait se jouer de Jan Stannard, samedi sur le final du Het Nieuwsblad. Non seulement ce ne fut pas le cas, mais, pire, Tom Boonen, Niki Terpstra et Stijn Vandenbergh ont subi une véritable humiliation. Lorsqu’ils se sont dégagés en force, alors que Jempy Drucker manquait d’un rien le train, les trois coureurs d’Etixx-Quick Step ont profité d’une crevaison de Sep Vanmarcke. Ils pensaient avoir fait le plus dur en isolant Ian Stannard, le lauréat sortant. Ils ont eu le tord manifeste d’emmener Stannard dans un fauteuil avant de s’apercevoir beaucoup trop tard, c’est-à-dire après la première attaque avortée de Tom Boonen, que le rival isolé était plus fort qu’eux. Mais même fort, ils auraient dû avoir la peau de Stannard.
Le contre de Terpstra dès la jonction établie aurait dû faire mouche mais, cette fois, c’est Vandenbergh qui fila un coup de main à Stannard pour recoller. Dès lors que Boonen et Vandenbergh étaient écartés du jeu, à un contre un, Terpstra ne fit pas le poids. « Avec Stannard dans les roues pendant les 40 derniers kilomètres, mes coureurs sont devenus nerveux. Ils ont fait quelques erreurs mais je ne peux leur en vouloir. Un coureur comme Stannard, même isolé, ne doit pas rester dans les roues pendant 40 kilomètres », analysait après coup et avec beaucoup d’amertume, Patrick Leféfèvre, le patron de l’équipe Etix-Quick Step.
> 2. Le puissant anglais
Vu la tournure du Het Nieuwsblad, on pensait que Stannard aurait du mal à manœuvrer. Ce fut presque un jeu d’enfant pour lui. Sa puissance a fait merveille et c’est sans s’affoler qu’il est revenu sur le vieillissant Tom Boonen puis sur Terpstra. C’est presque au train qu’il a emmené le sprint. « Je me savais en forme, a expliqué le Britannique. Je pense que j’avais les meilleures jambes des quatre coureurs de tête. » Dirigé par le malicieux Servais Knaven, sa course fut une merveille du genre. On espère que, contrairement à l’an passé (il s’était brisé une vertèbre), on le reverra dans les prochaines classiques. À 27 ans, il représente l’avenir.
> 3. La revanche du dimanche
C’était attendu et, pour le coup, les coureurs d’Etixx-Quick Step n’ont pas déçu, hier sur Kuurne-Bruxelles-Kuurne, une classique de moindre importance (seulement cotée 1.1). Ils se sont offert une belle petite revanche après la déconvenue de la veille. Dans l’échappée d’une vingtaine d’unités et à laquelle participait un Jempy Drucker des grands jours, échappée qui se dessina sur le final, on notait pas moins de cinq représentants de l’équipe belge. Dont Cavendish, lequel bien sûr ne donnait pas un coup de pédale. Comme le Norvégien Kristoff et l’Italien Viviani qui finiront d’ailleurs dans cet ordre, une heure plus tard.
Cette fois, aucune erreur tactique, le sprint final étant la meilleure option. Alors, même si le peloton des battus est parvenu, contre toute attente, à s’organiser et à revenir, cela ne changea pas le scénario. Mark Cavendish a du coup confirmé qu’il était revenu à son meilleur niveau et serait sans doute un sacré client sur Milan – Sanremo. « L’équipe a été incroyable toute la journée. J’ai décidé de prendre la roue de Kristoff et de le déborder. Je me suis rassuré en vue de Milan – Sanremo », résumait Cavendish, visiblement soulagé. Comme toute son équipe. Ouf…
> 4. Ils feront le Printemps
Même en l’absence de Fabian Cancellara et de Peter Sagan, ce week-end d’ouverture a été riche en enseignements. C’est sans doute Sep Vanmarcke, tranchant mais encore malchanceux et pas assez soutenu par ses équipiers, qui a été le plus impressionnant. Ce week-end d’ouverture l’a montré très efficace dans les monts et les secteurs pavés. Parviendra-t-il enfin à en claquer une belle ? On peut également trouver bien dommage que son compatriote belge, Philippe Gilbert, ne se produise pas sur le Tour des Flandres. Il semble être le vrai patron des BMC. Son entente avec Jempy Drucker est visible. L’ancien champion du monde a attaqué à un peu plus de quatre kilomètres de la ligne, hier à Kuurne. En vain, mais son coup de pédale annonce un grand printemps. Sinon, Stannard, évidemment, mais aussi Stybar (Etixx), Kristoff (Katusha) seront là. Comme Boasson Hagen (MTN), même si le Norvégien est encore en rodage.
De notre journaliste Denis Bastien
Jempy Drucker : « J’avais la rage ! » (Interview)
Il ne faut surtout pas résumer le week-end de Jempy Drucker à cette sixième place dans le sprint final. Contrairement aux Cavendish ou autres Kristoff et Viviani, tous présents dans la fausse bonne échappée qui se termina contre toute attente, à une trentaine de kilomètres de l’arrivée, Jempy avait pris des relais appuyés et remarqués. Entretien d’après course…
> On vous sent soulagé, non ?
Jempy Drucker : Oui, je suis content de ma course. J’avais la rage, un sentiment de revanche à prendre car samedi, pour le coup, je n’étais pas content. Je tenais à montrer que je n’étais pas si mal. Que le résultat de samedi était un accident. Je savais que ma forme était bonne. J’ai fait ma part de boulot dans l’échappée, qui est partie aujourd’hui (hier) sur le final et qui a été reprise, et j’ai tenté ma chance au sprint.
> Un sprint que vous avez d’ailleurs abordé d’assez loin…
Oui, j’ai effectué une grosse remontée. Plus, je ne pouvais pas. Et devant, il y avait Cavendish et Kristoff, donc je n’ai pas de regrets.
> Vous sembliez effectivement en grande forme si on en juge par vos relais et votre placement dans les secteurs clés…
Oui, je me sentais très bien. Mes coéquipiers sont venus me le dire sur le final. Et après le regroupement, on avait décidé que je serais protégé en cas d’arrivée massive. Philippe (Gilbert) a attaqué dans les derniers kilomètres et a été repris. Moi, j’avais Burghardt, Van Avermaet, Zabel qui m’escortaient et me tenaient à l’abri. Après, j’ai fait de mon mieux. Je ne suis pas mécontent de ma sixième place.
> Expliquez-nous ce qui vous était arrivé, samedi, sur le Het Nieuwsblad ?
C’est simple, j’ai été gêné par une chute avant le Kruisberg (km 132) et j’ai dû chasser pour revenir à l’avant au Wolvenberg (km 150). J’avais passé le Taaienberg et l’Ekenberg en chasse. Une fois revenu, j’ai directement attaqué sur le pavé sur le secteur du Haaghoek (km 157). J’étais dans le groupe Boonen, Terpstra, Vandenbergh, Stannard lorsqu’un coureur de l’équipe Cofidis a laissé un trou de vingt mètres. Non seulement, je ne suis pas rentré, mais en plus, je suis resté vingt bornes en chasse.
Résultat, je me suis pris une fringale. Je ne pouvais plus tenir une seule roue dans le groupe de contre. J’avais trop donné. Samedi soir, j’étais dégoûté. Certes, je savais que j’avais laissé beaucoup de cartouches dans ma poursuite et je savais aussi que je risquais de le payer. C’était quand même rageant de voir le groupe de tête partir juste devant moi.
> Aujourd’hui (lisez hier), on vous a senti très costaud. Quel bilan dressez-vous du week-end ?
Je finis sur une bonne note. J’avais hâte de montrer que samedi, c’était un simple contretemps. Et effectivement, j’ai senti que j’avais de bonnes jambes. Le bilan est donc positif. Il me fallait prendre mes marques, et c’est fait. Cela allait beaucoup mieux aujourd’hui (hier) que samedi, pour ma première classique avec le maillot BMC.
> Le bilan de votre équipe ?
Cela aurait pu être mieux, c’est clair. Mais nous n’en sommes qu’au premier week-end des classiques. Je pense que ça va venir. Sur les autres classiques, nous aurons en plus des spécialistes comme Quinziato, Dillier et Oss. On sera bien plus fort !
> Qui vous a impressionné dans ce peloton ?
Stannard bien sûr, mais aussi Vanmarcke qui a démarré fort, hier sur le Quaremont. Je peux vous dire qu’il est vraiment très, très costaud.
> On a l’impression que Boonen est moins fort que par le passé. Votre avis ?
C’est trop tôt dans la saison pour le dire. Je pense que pour les grandes classiques, il sera encore là.
> Rappelez-nous la suite de la saison ?
De vendredi à dimanche, je participe aux Trois Jours de Flandre-Occidentale (6-8 mars), une belle course de préparation. Puis j’enchaînerai avec Nokere-Koerse (10 mars).
Propos recueillis par notre journaliste Denis Bastien